The Hive (( Wendale

On ne choisit pas sa famille. Elle est juste là dans nos vies. Elle s’impose. Elle ne peut être différente de celle qu’elle est. Et je fais partie de ces gens, contre toute attente, qui apprécient plutôt la leur. Pour le jour de Noël et autre Pâques, qu’on s’entende bien. C’est donc un fait, j’aime ma famille de loin. Lorsque je ne suis pas obligée de subir les volontés de mon père, lorsque je ne dois pas faire semblant d’écouter les conseils de ma mère, et quand je peux faire comme si je n’avais aucun cousin à me coltiner. Lui même lorsque nous sommes éloignés, c’est compliqué.

D’ailleurs, j’ai une foutue boule dans le ventre lorsque je pénètre dans l’ascenseur qui va me mener jusqu’à mon palier. Le laisser seul dans mon appartement, c’est comme abandonner un chien plusieurs heures d’affilées, on ne sait jamais sur quelle connerie on va tomber, une fois rentré. Oui, je compare Dale à un animal de compagnie. Et vraiment, après avoir atteint le bon étage, ouvert ma porte d’entrée, délaissé ma veste et mes chaussures, avancé dans l’appartement, et voir l’étendu de son comportement… Le rapport entre un chien et lui, est, selon moi, d’autant plus flagrant.

Les prunelles fixées sur cette couleur que j’ai en horreur. « J’aiiii pensééé queeee, » il me tape sur le système, le timbre même de sa voix, je le jure, je ne le supporte pas, « des nouveaux rideaux te plairaient. » Dale, tout à fait entre nous, ne pense pas, un conseil, juste comme ça, « Vert amande. » abominable. « Signe de fidélité et de renaissance. » D’une œillade obscure lancée en sa direction, j’espère qu’il comprend les mots que je retiens de glisser sur ma langue ; Je t’en foutrais de la fidélité et de la reconnaissance.

Alors, de deux doigts, je vais pincer l’arrête de mon nez, je tends à calmer le rire qui me prend, enclin à la nervosité, et l’interroge d’un ton trop posé pour être vrai, « Dale, ôtes-moi d’un doute, » apostrophe rhétorique, puisque je n‘ai absolument aucun doute, « on est chez toi ou chez moi ? » Mais parce que je le vois ouvrir la bouche, prêt à rétorquer, je le stoppe d’un mouvement de main en sa direction, et crache, « Chut, non. Ne réponds pas. » Parce que je risquerais de t’étriper à la force de mes doigts. N’en doute surtout pas. Ca me démange déjà. Et de mon index, je l’avise, « Rappelle la personne qui a posé ces horreurs pour lui dire de venir les retirer. » On ne touche pas à mon espace vital. Spoiler alert ; Dale, tu penses mal.

J’entends mon sang battre dans mes oreilles, l’énervement n’est plus seulement supposé, il est bel et bien présent, et j’ai du mal à concevoir l’importance des liens du sang. Tout ce que je désire, à cet instant précis, c’est de le voir déguerpir d’ici. Je ne suis pas capable de le supporter, j’ai beaucoup trop besoin d’avoir le contrôle sur mon quotidien.

Mais plus rapidement que je ne l’aurais pensé, il amorce l’exécution de ma volonté. Se penche de tout son long sur le canapé afin d’atteindre le téléphone principal de mon appartement. Et même s’il feint une hésitation au moment de taper le numéro, je sais, que de ne pas le faire, il n’aura pas le culot. L’animal, pour me tenir réellement tête, n’a pas ce qu’il faut. « C’est ton dernier mot.... Ça venait du cœur pourtant. » Tu parles d’un cœur, c’est un organe qui se contente de pomper l’hémoglobine chez les Witter.

Alors il téléphone à la finalité, et je ne lui décoche qu’une œillade obscure lorsqu’il commande, « Pourriez-vous revenir mon brave. » cette façon de s’exprimer, me donne la nausée. « Ça ne lui sied pas. » Oui, et on ne touche pas ce qui est à moi. « Je crois que la tringle est de travers, ou quelque chose comme çà. » Non, c’est juste que l’imbécile indien a cru bon de modifier ce qui m’appartient. « C’est bon le changement pourtant. » Je suis loin d’approuver cette idée, surtout que j’en subis un peu trop ces derniers temps, il faut peut-être lui souligner. Que ma vie parfaite est parasitée. « D’ailleurs tu faisais quoi ? » Je t’en pose des questions, moi ? « J'ai faim... » Et je pourrais savoir en quoi cette information est mon problème ? Le nourrir ne faisait pas partie du contrat. Si je voulais ce genre de responsabilité, je répète, j’achèterai un chat.

Et me dirigeant vers la cuisine, tout de même, je fais preuve de politesse, « Je bossais, un concept qui doit t’échapper. » Certes, tout le monde sait que si je le voulais, je ne serais pas obligée de le faire, j’ai assez d’argent pour déléguer, mais j’aime justifier ma légitimité. Si je suis à la tête de Witter Industrie aujourd’hui, c’est parce que cet empire est le projet de ma vie. Pas simplement parce que je suis celle que je suis. Ouvre le réfrigérateur pour en extirper un jus de fruit faussement alcoolisé, « Tu sais commander des rideaux mais pas de quoi manger ? » Pour refaire son éducation, je n’ai pas signé.