échappatoire nocturne (( cassikt #2 ))

L'horreur. Il n'y avait pas d'autre mot pour Benedikt. Devoir résider au manoir jusqu'à ce que la Adams rouvre (si elle le fait bien) est sans doute l'un des prémices de l'enfer sur Terre. Lorsque ça l'est bel et bien, c'est lorsque son vieux est présent, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Le fait est que pour supporter de vivre constamment dans le même lieu que lui et sa mère qui a totalement pété les plombs après l'accident, il avale des amphétamines. Un, deux, au besoin. De toute façon, les cours ont repris. Bien que ce soit une pitoyable excuse les cours. La vérité, c'est qu'il ne supporte pas sa vie ici, pas dans cette demeure qui a vu tant de drames se dérouler. Non, en finalité, ce lieu ce n'est pas l'horreur, mais c'est bel et bien l'enfer sur Terre. Poussant un soupir tandis qu'il écrit à toute vitesse sur son cahier ouvert, il perçoit le bip de son smartphone et y jette un œil immédiatement. "Cassie." Il prononce dans un souffle, les sourcils froncés avant de lui envoyer un rapide "viens au manoir" sans plus de mots. Il doit se remettre à son travail avant qu'elle n'arrive. Les études à Harvard sont loin d'être facile et s'il ne gardait pas les yeux ouverts, il parviendrait avec mal à garder la tête hors de l'eau bien qu'il soit doué dans ses études de business. Bien sûr, ce n'est pas ce qu'il aurait fait comme parcours académique s'il avait eu le choix, mais voilà, il ne l'a jamais eu. Poussant un soupir, il dénoue sa cravate et la laisse sur le rebord de son lit pour ouvrir les premiers boutons de sa chemise d'un blanc immaculé. Puis sortant de son immense chambre, il dit à l'un des employés : "une amie va arriver." Histoire que l'on sache qu'il faille ouvrir la porte, entre autres choses. Se saisissant d'une des bouteilles de whisky de monsieur son père, le blond l'ouvre pour en avaler deux gorgées avant de la laisser à disposition au besoin. Lui est déjà défoncé, mais il ne s'y perd pas en avalant les comprimés comme des bonbons. Ses études sont bien trop importantes et puis il sait ce que ça fait lorsqu'on est addict et qu'on en avale comme des m&m's, il a déjà donné. Alors assis avec nonchalance sur l'un des canapés, le Marlowe lui offre un large sourire lorsqu'elle apparaît dans son champ de vision. "Ouais. J'crois que ça date de la manifestation, nan ?" C'est vrai que ça date d'autant qu'ils ne partagent plus la même chambre à la Adams. Cependant quand elle lui montre une petite boite métallique, Ben est perplexe. Est-ce qu'elle a apporté de l'herbe ? N'osant poser la question, le blond termine par savoir rapidement de quoi il s'agit et tandis qu'elle en avale un tout rond, il en fait de même. "Ouais, j'comprends." Il prononce dans un soupir avant de faire "non" dans un mouvement de tête à son interrogation. "Y'a vraiment des personnes qui s'intéressent à ce truc alors ?" Levant un sourcil, il attend à ce qu'elle s'explique davantage lorsqu'elle prononce que Landon a dû se rendre au commissariat. "Attends, quoi ? Pourquoi ?" Benedikt se redresse et plonge son regard dans le sien, avant qu'elle ne saisisse de la bouteille de whisky après des mots qui lui vont droit au cœur. "Tu sais que ce sont les amphétamines qui font cet effet, n'est-ce pas ?" Un léger rire passe la barrière de ses lèvres. "Aller, explique la raison pour laquelle Landon a fini au poste. Il a vraiment pas une tête à s'retrouver là-bas et c'est quoi l'rapport avec veritruc ?" Lui faisant signe de lui passer la bouteille, l'étudiant en business en boit de nouveaux quelques gorgées tout en attendant les explications de sa complice depuis le mois de juillet.

Cassie se laissa tomber sur le canapé à côté de Benedikt, l’esprit déjà embrumé par l’amphétamine qu’elle venait de prendre. Elle poussa un long soupir, ses doigts jouant distraitement avec la boîte métallique qu’elle avait apportée. Ce soir, elle avait besoin de se vider la tête, d’échapper à tout ce qui pesait sur elle. Le manoir de Benedikt, aussi oppressant soit-il à ses yeux, semblait être l’endroit parfait pour disparaître quelques heures. « Ouais, ça date un peu, » répondit-elle en écho, mais son ton est las, comme si même cette petite conversation la fatiguait déjà. Elle observa Benedikt un moment. Pour enfin hausser vaguement les épaules à sa question. « T'sais, c’est Harvard, y’a toujours des idiots pour se faire des films sur n’importe quoi. Les ragots, les drames… Je t’avoue que j’en ai marre. » Elle attrapa la bouteille de whisky, en avala une gorgée qui brûla sa gorge, mais ce fut une douleur qu’elle accueillit avec soulagement. « Mais ouais, il a terminé là-bas. Ils lui ont demandé s’il m’avait vraiment pas frappé dessus. » Elle baissa les yeux, ses doigts jouant nerveusement avec une mèche de cheveux. « Ils cherchent des histoires là où y'en a pas. J’ai juste eu un sale bleu au visage après un combat de boxe. » Cassie soupira, hésitant un instant avant de rajouter. « Je crois que c’est mon père qui a porté plainte contre lui. Je me suis pris la tête avec lui ce soir. » Elle reprit une gorgée de whisky, puis se tourna vers Benedikt avec un sourire amer. « Je suis sortie en disant que je reviendrais pas… » Le silence s’installa un moment, cassé seulement par le bruit du liquide dans la bouteille qu’ils se passaient à tour de rôle. Elle le fixa un instant, les pupilles légèrement dilatées par la montée de la drogue, avant de se laisser aller contre le dossier du canapé. « Ouais, peut-être. Ou alors c’est juste ta compagnie qui me fait du bien. » Le silence revint, moins oppressant cette fois, alors que tous deux laissaient leurs pensées vagabonder, perdus entre la réalité et cette évasion chimique qu’ils cherchaient désespérément.

Cassie ne sait pas à quel point cela fait plaisir à Benedikt de la revoir. D’autant qu’ici, c'est comme une bouffée d’oxygène qu’elle lui offre en se rendant dans ce lieu où il déteste vivre. Il faut dire que le manoir est loin d’être accueillant. Lui-même ressent une gêne en passant la porte de la demeure familiale qui est semblable à un espace glacial où il ne fait pas bon vivre. “Ouais, c’était un sacré moment mine de rien.” Il sourit en songeant à ce moment où ils se sont tous rejoints afin de faire comprendre à cette nouvelle Doyenne qu’elle ne fait pas la loi et qu’ils comptent tous là remettre à sa place, coûte que coûte. “J’ai adoré hurler et scander des phrases en pensant à l'autre paniquée dans son bureau.” Le Marlowe ne peut réellement pas voir celle qui a destitué l’ancienne doyenne, qui n’était certes, pas la meilleure, mais qui au moins, ne leur a jamais fait un tel coup. “J’me suis même dit qu’elle aurait pu s’faire dessus.” Un rire passe la barrière de ses lèvres alors que Cassie reprend, l’air maussade. Apparemment, ça ne se passe pas bien à cause de ce torchon que lisent certains étudiants, mais il ne sait toujours pas pourquoi elle a figuré là-dedans. “Explique.” Il demande, afin qu’il en apprenne davantage et à la mention du fait qu’il aurait pu la frapper, Benedikt ressent une colère grandissante en lui. Il préfère la laisser continuer plutôt que de commencer à s’énerver et alors qu’elle lui explique que c’est dû à un combat de boxe, le blond n’en reste pas moins furieux. Scannant son visage afin de voir ne serait-ce qu’un semblant de reste d’œil au beurre noir, il se promet de mettre une dérouillée à celui qui a osé lui faire ça, quand il se fait plus surpris encore, durant une fraction de seconde, face à ses mots. “Ton père.” Il souffle alors, en se disant que le sien ne l'aurait jamais fait. Il l’aurait terminé pour avoir reçu le moindre coup d’un autre. “J’suis désolé, j’sais pas ce que c’est que d’avoir un vieux qui s’en fait pour moi, donc j’sais pas trop quoi t’répondre à ce sujet.” Tandis qu’elle reprend une gorgée de whisky, le blond en fait de même puisqu’ils se passent la bouteille. “Tu peux rester ici cette nuit. Freya est là aussi et ils ne lui refusent rien.” Un mince sourire empreint de tristesse gagne son visage. “On dira que t’es son amie, elle sera d’accord. Comme ça, y’aura aucun souci.” De plus, il n’a pas envie qu’elle se retrouve seule et acculer chez elle alors qu’elle défend Landon. Il est clair que son mec ne lui a rien fait, Ben sait à quel point ils s’aiment tous les deux. “J’sais pas. Peut-être que oui, finalement.” Lui tendant la bouteille, le blond se saisit de sa main libre sur le canapé et la presse tendrement sans ajouter quoi que ce soit. Elle le sait, Cassie, qu’il répondra toujours présent pour elle et si elle a besoin de crécher ailleurs, il trouvera un moyen afin qu’elle puisse rester chez eux. Après tout, il est habitué aux dérouillés de son vieux.  

Cassie sentit le poids des mots de Benedikt se déposer sur ses épaules, mais d'une manière apaisante, presque rassurante. Ce n’était pas tout à fait la même situation, mais ils partageaient ce lien particulier de ressentir un malaise au sein de leur propre foyer. Elle s’installa un peu plus confortablement sur le canapé, leurs mains toujours liées. Le whisky la réchauffait doucement, mais c’était surtout la présence de Benedikt qui l’apaisait. « Merci, Ben. » Sa voix était douce, presque cassée, mais elle lui offrit un sourire sincère. Elle savait qu’il la comprenait sans qu’elle ait besoin d’en dire trop. « T’sais, c’est... c’est pas facile de se sentir comme une étrangère dans ta propre vie. Parfois j’ai l’impression d’être spectatrice, tu vois ? Genre... j’regarde tout ça se dérouler, mais j’sais pas comment y prendre part vraiment. » Elle joua un instant avec leurs doigts entrelacés, cherchant ses mots. « Landon... il a rien fait de mal, mais tout le monde a l’air de vouloir nous diviser, de nous pousser à bout. » Elle soupira, frustrée. « Ce torchon... ils ont pris nos moments les plus intimes et les ont transformés en quelque chose de sale, de mauvais. Ça me tue. » Elle prit une nouvelle gorgée, se calant un peu plus contre le dossier du canapé. « T’sais, parfois, j’me dis que j’serais mieux loin de tout ça. Mais fuir n’a jamais été mon truc. Alors je reste, je me bats, et j’affronte. Même quand ça me ronge de l’intérieur. » Elle ferma les yeux un instant, laissant le silence planer avant de rouvrir les paupières et de poser son regard sur Benedikt. « Toi aussi, tu te bats, tous les jours. T’as cette force que je t’envie parfois. Tu continues de tenir bon malgré tout ce que ton vieux te fait subir. » Elle pressa un peu plus sa main dans la sienne, un signe silencieux de soutien, d’affection. « Freya va être d’accord, j’en suis sûre. Mais t’inquiète, je trouverai un moyen de m’arranger pour pas te causer de problèmes ici. Je veux pas être un fardeau. » Un sourire triste apparut sur ses lèvres alors qu’elle réalisa à quel point elle avait besoin de ce soutien, même si elle avait du mal à l’accepter. Mais avec Benedikt, c’était différent. Il comprenait sans avoir besoin de mots.