Idée cognant. Folie prenante. Cigarette coincée aux coins des lèvres, je fixais le centre commercial hésitant à franchir les derniers pas afin de suivre l'idée qui s'était nichée dans ma tête. Cela faisait quelques temps qu'elle frappait l'intérieur de ma tête. Et, après avoir revu Harlem lundi, l'envie s'était faite bien plus forte au point où je n'avais pas été capable de l'ignorer. Je voulais intercepter le cher papa Wayne afin d'échanger quelques mots avec lui. Je désirais améliorer la situation qui me pesait dans le cœur. Je souhaitais être moins détesté par la famille de celui qui avait - et aurait à jamais - une bien trop grande place dans mon existence. Je savais qu'améliorer les choses avec Lyssandre était sans doute peine perdue. Je n'en avais pas réellement envie d'ailleurs après tout le venin qu'il avait pu me cracher à la gueule. Quant à Dahlia, je n'avais jamais réellement eu de clash avec elle alors ce n'était pas vers elle que je voulais faire un pas. Je voulais essayer en m'adressant au père d'Harlem avec le fol espoir que cela se passerait bien. J'étais sans doute trop idiot d'y croire. J'avais bousillé Harlem tant de fois. Je l'avais fais souffrir. Cette idée me faisait frémir tandis que je marchais de long en large devant le centre. Balançant ma cigarette, je prenais mon courage à deux mains pénétrant dans les lieux. Sans perdre une minute, je me dirigeais vers le fast-food où je savais que Leslie travaillait. Mon cœur frappait un peu trop fort dans ma poitrine. Je sentais mon ventre se tordre sous l'angoisse. Mais, je ne reculais pas m'appuyant contre un mur dans l'attente. L'attente que Leslie termine son travail. L'attente de pouvoir l'intercepter. Les minutes s'écoulaient. Les heures peut-être aussi, je ne saurais vous le dire. Tout ce que je savais était que je ne faisais pas machine arrière. Je restais là et, lorsque mes prunelles captaient la silhouette de l'homme recherché, le « Monsieur Wayne ? » passait mes lèvres. Je n'hésitais pas une seule seconde. Ange fou. Ange sûr.

La journée s'était bien passée, songea Leslie alors qu'il se changeait dans les vestiaires, en discutant avec un collègue. Il n'y avait eu aucun client compliqué, le service avait été rapide et clément, pas de problème à souligner. Bref, la routine, et c'était les journées qu'il aimait le plus. C'était la raison pour laquelle il restait à faire ce job au lieu de chercher mieux : il était habitué et sécurisé par des gestes répétitifs et des rituels quotidiens précis. Il n'était pas fermé au changement, et ne paniquait pas si une crise devait être gérée pour autant, bien au contraire, mais il ne voyait pas les challenges comme une bonne chose. Des challenges, il en avait déjà bien assez à la maison, avec ses grands enfants qui lui faisaient du grand souci ! A chaque jour suffisait sa peine !

Balançant son sac en bandoulière, qui contenait ses affaires à laver, sur son épaule, il sortit du restaurant par la porte principale. Le fast-food n'étant pas fermé, car c'était encore la pleine après-midi, il n'y avait aucune raison de passer par la porte de service. Il marchait d'un pas rapide et serein, prêt à quitter le centre commercial, mais une voix familière l'arrêta nette dans son mouvement. Il se retourna à l'entente de son nom dans la bouche d'un jeune homme qu'il avait déjà croisé. Il ne le connaissait pas bien, mais il savait très bien de qui il s'agissait, celui-ci étant en partie le responsable des problèmes d'addiction de son fils, Harlem. Pire encore, son retour dans la vie de son fils avait enclenché une chute vers le pire... Rien que de repenser à l'acte commis par son fils, un frisson de tristesse le parcourut. Il avait failli le perdre.
Leslie regarda Ange de bas en haut, puis lui tourna le dos, prêt à reprendre son chemin. Il fit à peine quelques mètres avant de pousser un large soupir, baisser ses épaules crispées, et faire demi-tour. Cela ne servait à rien de fuir. Cet homme faisait un pas vers lui, et il ne voulait pas être celui qui mordrait la main de quelqu'un qui voulait peut-être offrir la paix. Ce serait puéril. Harlem méritait mieux de la part de son père qu'un comportement puéril envers Ange. Voilà, c'était pour Harlem.

« Ange. Qu'est-ce que vous faites là ? » demanda-t-il simplement, le visage impassible. S'il ne lui voulait pas du mal, il n'allait pas non plus l'accueillir avec le sourire et les bras ouverts !

Bonne idée. Mauvaise idée. L'esprit jonglait entre les deux positions tandis que l'interpellation venait de franchir mes lèvres sans que je ne réfléchisse. J'aurais peut-être dû prendre plus de temps de réflexion. J'aurais peut-être mieux fait de ne pas me comporter de façon si impulsive comme j'en avais tant l'habitude. Oh bordel... Qu'est-ce que j'étais en train de foutre ? Sérieusement ? Je n'en savais rien. Je ne parvenais même pas à trouver la réponse. L'envie d'une cigarette démangeait les doigts. L'envie de consommer d'autres substances frappait l'être pourtant si clean depuis cinq mois. J'avais presque envie de partir en courant comme un gamin qui venait de faire une connerie et qui avait l'espoir de disparaître avant de se faire prendre. Pourtant, je restais là appuyé contre ce mur à fixer la silhouette du paternel Wayne. Son regard se posait sur moi et je le soutenais refusant de flancher. Avant même que je ne puisse souffler quoi que ce soit d'autre, Leslie me tournait le dos. Oh... Bon... On ne pouvait pas faire plus clair que ça et, au moins, je ne me prenais pas une vague de venin en pleine figure. Je ne pouvais guère en vouloir à l'homme de se comporter de cette manière. Néanmoins, est-ce que ça voulait dire que je devais abandonner ? Est-ce que je devais m'en aller ? Est-ce que je devais le suivre ? L'hésitation frappait. Mais, je n'avais même pas besoin de faire un choix parce qu'il faisait demi-tour. Mon prénom passait entre ses lèvres avant que la question ne résonne. Cette question qui, malgré moi, me faisait grimacer car je ne savais même pas comment il allait prendre mon intervention. Me décollant du mur, je me rapprochais de quelques pas avant de prendre la parole « Je me demandais si vous aviez quelques minutes à m'accorder s'il vous plaît... » Ange bien trop poli. Ange bien trop rangé. Ça ne me correspondait pas ou peut-être que si à présent, je n'en savais rien. Mes prunelles claires fixaient le sol. Je sentais mon cœur cogner bien trop fort dans ma poitrine. Avec hésitation, le « Je voudrais... » m'échappait sans pour autant avoir de fin. F*ck ! Même dans ma tête, je ne parvenais pas à formuler les choses. Je voulais parler d'Harlem. Je désirais m'excuser de l'avoir fait souffrir et, par conséquent, d'avoir fait souffrir sa famille. Je voulais effacer la haine que les Wayne pouvaient avoir à mon égard. Je désirais prouver qu'Harlem était important dans mon existence. Mais, putain, dans quel but je faisais ça ? Harlem et moi étions amis à présent. Enfin, nous tentions de l'être en tout cas. Reposant mes prunelles sur Leslie, le « Harlem compte pour moi... » résonnait soudainement. De mieux en mieux. Avec mes mots et ce comportement, il allait finir par croire que je venais lui demander la main d'Harlem. Non ? Ange bien trop idiot. Ange bien trop paumé.

TW : mention d'addiction, de drogue

Leslie observait le jeune homme, la mine sévère, les bras croisés, attendant qu'il ne prenne la parole puisqu'il ne semblait pas être là par hasard, bien au contraire. Il s'était adossé contre le mur à son tour, encore incertain s'il avait pris la bonne décision en revenant sur ses pas, en donnant une chance à ce type qui avait foutu la vie de son fils en l'air, la vie de sa famille en l'air, quelque part. Cette mauvaise influence qui avait créé la discorde, mais surtout mis en péril la santé et la vie de son enfant. Les triplés et les jumeaux étaient la prunelle de ses yeux, et il ne put s'empêcher de ressentir une sorte de colère pour cet homme qui lui faisait face. Leslie était connu pour être un homme calme, posé, ouvert. Mais ce type avait titillé ses limites, pour finalement les atteindre. Qui sait ce qui se serait passé s'il n'était pas venu chercher Harlem ce jour-là.
Son regard se posa sur ce visage pâle, cette mine triste et mendiante... Et cela lui rappela qu'Ange était tout autant victime de son addiction que l'était Harlem. C'était un gamin paumé, comme il y en avait tant. Cela ne lui enlevait en aucun cas ses responsabilités, mais suffit à adoucir les traits du visage du quinquagénaire. Ses sourcils froncés se desserrèrent.

Il voulait quelques minutes ? Très bien. Il lui donnerait. Leslie fit un petit signe de la tête et de la main, invitant son interlocuteur à continuer sur sa lancée. Il voudrait ? Oui, quoi ?
Il poussa un nouveau soupire, croisant les bras bien plus fort en entendant les prochains mots qui sortirent des lèvres d'Ange. Harlem comptait pour lui, disait-il tout bonnement, si naturellement que c'en était encore plus énervant... Comment pouvait-il dire cela alors qu'il était la cause d'un grand malheur ? Ne voyait-il pas l'égoïsme dans son comportement ?
« Drôle de façon que vous avez de montrer que vous tenez à quelqu'un ! » s'exclama-t-il finalement, un peu trop fort. Le tirer avec lui dans la drogue, c'était cela, l'Amour ? Que nenni !
« S'il compte vraiment, vous devriez le laisser tranquille. Il est sur la bonne voie pour s'en sortir. » dit-il doucement. Il baissa les yeux un instant, avant de les relever, calmant la colère qui germait toujours en son cœur. « Et vous, que faites-vous ? Est-ce que vous avez même essayé ? » demanda-t-il simplement. Où en était Ange par rapport à la drogue lui-même? Tirerait-il de nouveau son fils vers le bas, à chaque fois que les deux jeunes hommes se reverraient ?
« Qu'est-ce que vous voulez, au juste? » ajouta-t-il, baissant les épaules, se résignant à donner une chance à de plus amples explications.

Réalité apparue. Mauvaise idée. C'en était une. J'en étais persuadé à présent. Rien ne m'obligeait à venir faire face à Leslie. Malgré la haine des Wayne à mon égard, je parvenais toujours à voir Harlem sans la moindre difficulté. Il venait toujours me voir lorsque je demandais et je savais que, s'il me demandait, j'étais toujours prêt à le rejoindre. Nous nous parlions toujours par message de façon assez régulière. Il n'était donc clairement pas indispensable de passer outre le jugement de sa famille. Il n'était pas nécessaire de tenter de faire la paix. Cela aurait pu être nécessaire si Harlem et moi étions plus que des amis et que quelque chose de plus important et sérieux se construisait. Mais, nous ne l'étions pas. N'est-ce pas ? Une partie de mon être aimerait toujours Harlem. Une partie de mon être se noierait toujours dans le rêve de lui et moi en couple. Cependant, j'avais fais trop de faux-pas et je ne méritais pas le jeune homme. Et, d'ailleurs, il ne m'aimait plus. Il l'avait dit. Alors, putain, pourquoi est-ce que j'étais là face au père d'Harlem qui avait une mine bien trop sévère et des questions auxquelles je ne savais même pas répondre dans le fond. J'avais simplement écouté la petite voix dans ma tête. L'idée était venue et hop je m'étais jeté dans la gueule du loup sans réfléchir et sans même chercher à creuser. J'avais juste agit de façon un peu trop impulsive comme j'avais l'habitude de le faire. Je grimaçais en entendant le soupir de Leslie. Ça ne présageait rien de bon. L'attaque tombait alors. Les mots venaient blesser poussant à baisser les yeux comme un peu trop coupable. Triturant nerveusement mes doigts, je subissais les mots en silence relevant les yeux aux premières interrogations sur ce que je faisais, sur si j'avais essayé. Ma langue glissait sur mes lèvres, mais avant même que je ne puisse répondre, la voix du père Wayne résonnait de nouveau pour une autre interrogation qui me faisait soupirer. J'aurai mieux fait de ne jamais venir ici. Gardant les yeux baissés, je marmonnais « Je n'ai jamais cherché à entraîner Harlem dans la drogue. Je ne l'ai jamais forcé à quoi que ce soit. Je... Je n'avais aucune envie qu'il touche à ça et il l'a fait et je suis sans le moindre doute fautif pour n'avoir rien fait, mais je... La première fois, je... Je n'étais clairement pas dans l'optique d'empêcher qui que ce soit de prendre quoi que ce soit... » Oh non. La première fois ça remontait à des années. Ça remontait à lorsque je me noyais à outrance dans les substances avec l'espoir d'effacer la mort de mon mari de ma tête. À cette époque, je ne pensais qu'à l'oubli et je me fichais bien du reste et des conséquences. Relevant doucement ́a tête, je cessais de triturer mes doigts. Plantant mes prunelles dans celle de Leslie, je continuais « Je suis clean Monsieur Wayne. Cela fait un peu plus de cinq mois que je n'ai pas touché à la drogue ou à l'alcool... Enfin si l'alcool, j'ai fais une brève rechute dans l'été, mais je... Je n'y ai pas retouché depuis... Et je me bats tous les jours contre ces envies. » Les aveux étaient balancés. Cette vérité éclatait sans la moindre hésitation. Je n'avais aucune raison de la cacher tout comme je n'avais aucune raison de mentir. Ce n'était que la vérité qui m'échappait et ça continuait « Je ne sais même pas ce que je veux... Enfin, je crois que je voudrais faire la paix ou je ne sais pas... Un truc du genre... Je m'en fous que vous ou qui que ce soit d'autre dans la famille me déteste. Je peux le comprendre. Je le mérite même sans doute. Mais, je... Je voudrais qu'Harlem n'ait pas à... Choisir entre vous et moi... Je voudrais qu'il puisse me parler et me voir sans pour autant s'attendre à subir des attaques de sa famille s'il a envie d'en parler avec vous... » Ouais, c'était ce que je voulais. Voir Harlem en paix. Voir Harlem heureux.

TW : mention d'addiction, de drogue

La nervosité pouvait se lire dans les mouvements et le visage d'Ange, qui n'était vraiment pas à l'aise. Il avait eu le courage de l'approcher, cela, Leslie ne pouvait pas le lui enlever. Il le laissa ensuite parler, puisqu'il avait accepté de l'écouter. Le quinquagénaire était un homme de parole et il n'allait certainement pas revenir là-dessus. Il le laissa lui raconter qu'il était fautif de n'avoir rien empêché, mais qu'il avait été dans une place où il n'était pas lui-même en état de s'empêcher de faire des conneries. Il avait plongé, et lorsqu'on était au fond du trou, difficile de s'en tirer et quasi impossible de tirer les autres vers le haut. Harlem avait été coupable de prendre la première dose et cela, Leslie n'arrivait pas à l'accepter. Quelque part, il l'avait ressenti comme un échec de sa part. N'avait-il pas été assez présent ? N'avait-il pas éduqué ses enfants comme il le fallait ? Avait-il créé chez eux des troubles ? Certainement, il aurait pu faire un tas de choses différemment, et le passé était le passé. Ce genre d’interrogations n'aiderait en rien pour l'avenir. S'il avait fait quelque chose de mal, alors il devrait le corriger, et il comptait sur ses enfants pour le lui dire.

Il écouta le jeune homme expliquer qu'il était sobre depuis des mois, qu'il se battait pour que cela continue. Il expliqua également qu'il ne souhaitait pas la bénédiction des Wayne, mais juste faire la paix. C'était bien, au moins, il savait bien qu'il n'y avait aucune chance de faire table rase et de repartir de zéro... Leslie pencha la tête sur le côté, et lui offrit un tout petit sourire. Il n'avait pas l'intention de se montrer méchant. Ange souffrait aussi. C'était aussi un addict qui aurait encore un long chemin pour s'en sortir. Un gamin paumé, de l'âge des siens. Avait-il seulement une famille aussi soudé que les Wayne ?
« Je suis ravi d'apprendre que vous êtes clean. C'est bien, et j'espère que vous aurez la force et le courage de continuer dans ce sens. Je suis persuadé qu'on peut s'en sortir, et c'est ce que j'espère pour vous. » lui répondit-il finalement, après avoir laissé filer quelques longues secondes de silence. Il n'avait aucune raison de vouloir le déclin d'Ange.
« Je ne vous veux aucun mal. » ajouta-t-il ensuite. Leslie pouvait se mettre en colère, grogner un peu, mais il était complètement incapable de haïr autrui. Ce n'était pas dans sa nature. « Je suis juste un père inquiet, qui veut protéger ses enfants de tout le mal qui peut leur arriver. Vous avez joué un rôle clef dans la descente aux enfers de mon fils, et ça... Je ne peux l'oublier. » dit-il. Il n'était même pas question de pardonner. C'était leurs affaires, entre Harlem et Ange. Lui ne portait pas ce pouvoir de l'absolution ou de quoi que ce soit. « Je sais aussi que j'ai confiance en Harlem, et que je ne peux pas l'empêcher de vous parler s'il le désire. Je ne compte pas le faire. On a toujours envie de céder bien plus à l'interdit. » expliqua-t-il ensuite. L'addiction était terrible, et Leslie savait qu'un drogué ne s'arrêterait pas à la confiance, ou à des barrières morales, ni à des règles comme 'fais pas ci, fais pas ça, sinon je me fâche'. S'il voulait consommer, il consommerait. Mais Harlem était à présent bien entouré et Leslie espérait qu'il avait compris que ce qu'il faisait, aussi dur cela soit-il, c'était pour lui-même. « Mais je veux juste que vous vous posiez la question... Est-ce que votre retour lui apporte du bon ? Ou est-ce que vous ne voulez lui parler que par l’égoïsme de vos propres sentiments, quitte à remettre son équilibre en danger ? »