Backbone ─ Tayven

Tout avait explosé devant lui. Sa bourse d'étude, ses économies, son avenir, la santé de son frère, et certainement leur logement dans un futur proche. Intenable, Raven tournait en rond, cherchant frénétiquement n'importe quelle solution pour les sortir du chemin sans issue sur lequel ils s'engageaient.
Puis on lui avait donné des outils ; demandé de faire ses preuves, ce qu'il faisait à chaque occasion, mais il ne pouvait bénéficier de tout dès le départ. Jusqu'à ce qu'il décide d'aller chercher lui-même ce dont il avait besoin. L'arme à la ceinture, cachée sous la veste, Raven avait pris sa pitoyable voiture pour conduire jusqu'à proximité de l'ancien hôpital qu'il fréquentait, là où son frère était encore hospitalisé il y a quelques semaines ─ et la simple vision du bâtiment suffisait à énerver le désespéré.
Raven avait attendu de la voir partir, finir ses heures, s'en aller sur le parking. Il lança un rapide regard sur les lieux, vérifiant qui se trouvait où, et aussi l'entrée du bâtiment qu'il savait doté de caméras de surveillance ; et lorsque la docteure qu'il surveillait s'en allait avec sa voiture, il se mit à la suivre, jusqu'à chez elle ─ ou presque. Car Raven attendit qu'ils s'engagent dans une rue vide et plus petite pour subitement accélérer, passer devant et freiner brutalement devant, forçant l'autre voiture à faire de même. Sans couper le moteur, il était sorti de son véhicule pour avancer avec détermination vers celle dont il barrait la route ; et en même temps, on pouvait reconnaître le geste d'une arme à feu que l'on dégaine. On aurait pu s'attendre à ce qu'il tire, mais il n'en fit rien. Le canon de l'arme pointé sur la conductrice qu'il agressait, Raven ouvrit sèchement sa portière avant de siffler des ordres. « Sortez. J'vous emmène. » S'il était sûr de ce qu'il faisait ? Non, il n'avait jamais fait ça. Mais le Dr. Foster était la seule en laquelle il avait un minimum confiance. Alors, pas de chance pour elle, il l'avait choisie pour cible.

« Monsieur Graves, c'est une mauvaise idée. » Ça l'irritait d'entendre ces mots, comme si elle avait une meilleure solution à lui proposer. Laisser son frère mourir, peut-être ? Raven serra les dents, ses doigts se refermant davantage sur l'arme à feu. « La ferme. » qu'il siffle. Et sa main libre vient chercher l'avant-bras du Dr Foster pour la forcer à sortir de son véhicule. « Je plaisante pas. Avancez. » Clés retirées du contact, la portière claquées, Raven pointait sur elle le canon de l'arme avant de se rapprocher et la pousser avec précipitation vers sa propre voiture, la faisant grimper côté passager. Puis il fit le tour jusqu'au côté conducteur, surveillant toujours la rue, avant de reprendre sa place. Un débutant, à n'en pointer douter. Un kidnapping désespéré, surtout, dont ils allaient tous les deux bien se souvenir.

Raven devait donc conduire à une main et gardait sa main gauche armée, placée au niveau de son ventre, le canon pointé dans la direction de sa captive. Et sur le trajet, bien évidemment, il avait des choses à dire, de la colère à exprimer. « Si vous faites que je vous dis, vous repartirez saine et sauve. J'ai pas besoin de vous liquider, mais je le ferai si nécessaire. » En était-il capable, cela dit ? Cela restait à prouver. Il lui lança un regard rapide, et cette simple oeillade trahissait de la nervosité. Raven était stressé, les nerfs à vif, et la moindre frustration pouvait le faire exploser. La voiture prit un virage, et il reprenait la parole. « Colt... mon frère... son état a empiré... » Mais qu'est-ce qu'il faisait ? Raven serra les dents. Pas besoin de lui dire maintenant ; elle finirait bien par le voir. Quand ils arriveraient chez lui. Chez eux. Avec cette pauvre chambre pitoyable pour son frère.

D'accord. Maigre confirmation que le message était reçu, et Raven ne se voyait pas rajouter quoique ce soit à la suite de ces paroles. À la place, il se concentra sur la conduite, non sans garder l'arme en main et toujours pointée sur le Dr. Foster. Les lumières sur la route défilent, et le silence forcé dans la voiture n'est plus interrompu jusqu'à ce qu'ils arrivent à un tournant, que Raven emprunte en ralentissant l'allure. Ils s'engagent sur un parking, et cette résidence, entourée de site de constructions délaissés, renforce l'image d'un lieu relativement pauvre.
La voiture est garée dans un coin du petit parking, et Raven lâche un ordre sec. Restez-là. Arme rangée à la ceinture et veste rabattue pour la cacher, le t-shirt retombant dessus également, Raven coupe le moteur et ouvre sa portière. Il fait le tour, ouvre du côté de Taylor, et lui fait sèchement signe de sortir. Derrière elle, la main sur son bras, il la pousse vers l'avant et la traîne jusqu'à l'intérieur de la résidence à l'ambiance peur chaleureuse ; on entend la toux grasse d'un des résidents près de l'entrée, les aboiements d'un chien qui se fait gronder par sa maîtresse, et il ne faut pas être né de la dernière pluie pour deviner que la majorité des résidents sont des personnes âgées. Probablement seules aussi. Tout au bout du couloir au rez-de-chaussée, Raven guide sa captive, et ouvre la porte avant de la pousser à l'intérieur. Il referme derrière lui, et le bip-bip régulier d'un moniteur cardiaque se fait entendre. Il est dans la chambre au fond. Depuis ce matin il galère à respirer et il siffle. A deux reprises déjà il a fait une crise, mais j'sais pas comment faire pour qu'il respire normalement. Et si elle ne s'est pas avancée d'elle-même vers la chambre, c'est Raven qui l'y pousse, laissant voir un lit de fortune avec du matériel médical rattaché au malade, allongé maladroitement sur le côté. On peut y voir le coussin humidifié par la bave que Colt ne parvient pas à avaler, et son air fatigué. À chaque fois que je le remets sur le dos... il ne respire plus. Aidez-le. lâche-t-il en faisant le tour du lit, le regard se braquant sur Taylor.