CASINO ROYALE | WENDITT

Je choisis l’endroit, c’était le deal, et j’avoue que je n’ai pas réellement hésité. Une envie de m’en revenir à mes premiers amours, de dépenser sans compter. De me donner cette impression d’adrénaline par le jeu, alors que je ne risque absolument rien. La ruine n’étant pas encore sur mon chemin.

Puis j’estime qu’il n’y a rien de mieux, pour se changer les idées, et les miennes en ce moment sont, un tantinet, perturbées. Parasitées. L’invasion de Dale dans mon quotidien qui me donne des envies de meurtre, le silence de Dan que je préfère ne pas évoquer… Un merdier que je n’avais pas demandé alors que c’est l’ascension de Witter Industries que j’essaie de gérer.

Alors mise sur mon trente et un – d’ailleurs j’espère qu’il en a fait de même - , j’attends, je talonne face à l’entrée du casino, après que mon chauffeur m’ait déposé, le téléphone en main, prête à incendier Kristofer s’il s’avisait d’avoir la bonne idée d’être en retard. Une chose que je déteste, moi qui ne laisse jamais rien au hasard. Mais sa silhouette se dessine, tout comme un sourire sur mes lèvres maquillées, et je ne peux me retenir de lui souffler une fois qu’il est à proximité, « A une minute près, tu risquais d’être émasculé. » Wendy Witter n’est pas faite pour patienter.

mood | Revêtu d’un smoking on ne peut plus classique mais élégant, le trentenaire ne peut s’empêcher de rire doucement en se présentant face à la rouquine incendiaire. S’il ne la connaissait pas depuis tout ce temps, il aurait sûrement été pétrifié sur place par son regard de glace. A la place, il lui fait une légère révérence et lui présente son bras afin de pénétrer à l’intérieur de l’établissement de jeu et d’argent. “Et retirer mon plus important atout ?” s’exclama-t-il, insistant bien sur le mot important. “Que de cruauté ce soir, Miss Witter…” Il lui adresse cependant un clin d’oeil amusé, ne se formalisant pas de ses menaces à peine voilées et l’acceptant comme elle était. Il était d’ailleurs particulièrement de bonne humeur ce soir. Il avait terminé quelques jours auparavant le tournage de son nouveau film dans les environs de Boston et il venait de passer plusieurs auditions, à la fois pour du théâtre que pour des plateaux, qui semblaient prometteurs. “Tu es particulièrement en beauté ce soir. Je vais en rendre jaloux plus d’un.” la complimenta-t-elle, sachant comme la brosser dans le sens du poil ou au contraire l’agacer plus encore qu’elle ne l’était déjà.

“Je ne t’ai pas fait attendre j’espère ?” La précédant pour lui ouvrir la porte, il lui proposa de récupérer son manteau pour le déposer au vestiaire alors que des exclamations et des bruits de pièces qui s’entrechoquent résonnaient déjà à leurs oreilles. Depuis combien de temps n’avait-il passé les portes d’un casino ? Des années sans le moindre doute lorsqu’il s’était rendu avec Wade pour quelques jours à Vegas. Mais, pauvres qu’ils étaient, ils s’étaient contentés de s’enivrer et de se moquer des touristes et de l’air faussement important que certains prenaient en ce genre de lieu. Un souvenir aussi fugace que désagréable vint toucher d’une aile sa mémoire avant qu’il ne le fasse fuir d’un signe de la main. “Tu veux commencer par quoi ?” interrogea-t-il sa belle compagne d’un soir, histoire de penser à autre chose.

A mes paroles, il se met à rire, effectue une brève révérence pour me saluer et c’est inutile de préciser que sur mon système, ça vient légèrement taper. Je ne sais pas à quel moment ça a déconné, pour que j’accepte de lui faire une place dans mon quotidien, mais qu’il n’en doute pas, je suis capable de le rayer de ma vie, du jour au lendemain. “Et retirer mon plus important atout ?” Tu parles. J’en lève les yeux au ciel, dépitée, et lui balance avec un brin de dédain, « Que tu dis. » pour ne pas lui souffler qu’il est probablement – à ce niveau – tout petit. “Que de cruauté ce soir, Miss Witter…” Comme si c’était une nouveauté. Elle coule naturellement dans ma veine, la perversité.

Mais une fois à son bras, prêts à entrer, il vient doucement m’amadouer… “Tu es particulièrement en beauté ce soir. Je vais en rendre jaloux plus d’un.” Cette fois, je plisse les paupières, ne peut pas m’empêcher de jauger sa sincérité. Même si je ne doute absolument pas de ma beauté, on ne sait jamais, je ne suis pas du genre à me laisser attendrir par des mots bien utilisés. “Je ne t’ai pas fait attendre j’espère ?” Non, mais, « Tu n’étais pas en avance. » et ça, ça me déplaît, je préfère toujours lorsque je les fais un peu poireauter, même lorsqu’il n’est question que d’amitié.

Cependant il m’ouvre la porte, la tient, alors je ne commente pas plus son comportement, sachant pertinemment qu’il joue les gentlemen à présent. “Tu veux commencer par quoi ?” Je regard l’intérieur, la myriade de couleurs, un soupir s’échappe de mes lèvres et propose, « Roulette. » qu’il y ait un minimum de suspense. Parce que face à une machine à sous, je risque de m’ennuyer, et qu’on se le dise, une Wendy Witter qui s’ennuie, c’est mauvais.