bambi, bambi ─ Bibidy

T'es pas de bonne humeur, et ça se voit à la posture nonchalante que t'as, appuyée contre le mur, ton verre faisant glisser le liquide alcoolisé contre les parois que tu penches dans un mouvement circulaire du poignet. T'observes les gens danser, boire, s'amuser, et toi t'es là, avec ta mauvaise humeur et la trace d'un sermon de Donna Marzia qui t'es resté en travers de la gorge. Ils t'agacent, les autres, à agir comme si de rien n'était alors que toi, t'as envie de crier et râler. Ils sont chiants, à pas tous venir s'apitoyer sur ton sort, te demander pardon, et te vénérer comme ils devraient le faire. Alors tu fronces les sourcils et tu soupires, portant le verre aux lèvres, que tu bois d'une traite ─ ce cocktail seul ne suffira pas à te mettre dans le mal, de toute façon.
Puis enfin, tu décolles ton dos du mur et tu t'éloignes, le verre posé sur une table haute voisine alors que tes talons claquent le sol dans un bruit que personne n'entend à cause de la musique. Tu t'éloignes, passe entre les corps sans les toucher, peu désireuse de te salir avec leur contact, et tu rejoins un coin au canapé moelleux, où déjà une autre femme se trouvait. T'as pas regardé ce qu'elle faisait, ni demandé l'accord de rester, t'as juste posé ton cul en te laissant tomber dessus, croisant instantanément les bras et les jambes avant de foudroyer du regard quiconque regarde dans ta direction. Ta langue claque sur ton palais et tu relève le nez, te refusant à baiser les yeux devant le démon invisible qui t'irrite l'humeur. Et quand un homme regarde dans ta direction, tu grimaces et détournes le regard. « Ew. Plutôt mourir. »

Il te répugne, cet inconnu. Le dégoût est inscrit partout sur ton visage, de la grimace de tes lèvres au plus profond de ta rétine, tu vois cet homme comme une tache de gras sur tes fringues ; une déception, un problème, de quoi ruiner toute une tenue par sa présence, et chiant à retirer sans passer au lavage. Mais c'est la voix à côté de toi qui t'interpelle et tu tourne la tête pour remarque une autre jeune femme, et tu suis à nouveau son regard jusqu'à ce gars. Sans un mot tu lèves lentement ton bras et adresses un doigt d'honneur au mec, qui comprend finalement le refus sans avoir à s'approcher. « Je préfère encore me faire percuter par un bus que laisser le moindre homme toucher ce corps. » Profonde inspiration, puis long soupir, le regard balayant les gens dansant devant toi. « La seule chose qu'il aurait gagnée en m'approchant aurait été mes doigts dans ses yeux et ses boules en guirlande sur son front. » Cette haine viscérale, cet homme l'aurait subie pour tous les autres existant sur terre. T'es mauvaise avec eux Bibi, complètement biaisée et violente, mais tu le sais et tu l'assumes. Encore plus quand tu as de l'alcool dans le sang et que la mauvaise humeur suinte un peu de ton attitude. Puis tu regardes ta voisine, bras croisés sur ton ventre, l'observant de haut en bas. « Toi aussi tu as l'air de t'éclater ici. L'antre du fun. » Le sarcasme glissant sur les lèvres sans le moindre sourire.

Les jambes croisées, le pieds en l'air danse tout seul non pas au rythme de la musique, mais de l'agacement qui pulse dans les veines, alors même qu'elle regarde la rouquine à ses côtés sans savoir qui elle est. Visage très vaguement familier, mais des rousses, y'en a beaucoup à Harvard, et aucune qui mérite vraiment son attention. Quant à son commentaire, Bibi sent comme une pointe de provocation et du dédain, comme si elle cherchait à se moquer d'elle. Mais la biélorusse, à la place, esquisse un vague sourire et le corps pivote légèrement vers la jeune femme, le coude se posant sur le dossier et la tempe dans la main. Mais que vois-je ? Le regard est braqué sur le sien, lueur de défi au fond de la rétine comme le mépris peint sur les lèvres. Certainement plus que ce que tu es capable d'encaisser, c'est une certitude, Pippi. La référence, elle se la garde pour elle-même, et les yeux se plissent légèrement, l'intérêt se portant entièrement sur sa voisine de banquette. Tu t'es perdue, chaton ? Elle feule, mordille, mais dans le fond, c'est plutôt elle qui fait tache dans le décor, non ?