(lency) veiled remembrance

P’t’être que tu n’aurais pas dû être tant surpris d’sa présence, à l’heure où la pénombre battait son plein. L’heure que tu privilégiais dans cette quête de paix quand le capharnaüm extérieur menaçait déjà d’te perdre. P’t’être que tu aurais dû deviner sa venue, parce que ce vacarme refusait d’te laisser malgré tes efforts, s’entêtait à te poursuivre, à te hanter. Mais t’y pouvais rien, la surprise envahit tout de même tes traits, déchaîne ce rire jaune. « Tu m’suis ? » Qu’tu lances à l’obscurité, sans tourner l’regard, rivé en face de toi. Loin d’elle. « Tu te souviens d’la dernière fois ? » Ici, au skate parc. A bats les faux semblants, l’aplomb était toujours de mise entre vous.

refuge des insomnies. le parc vide mais trop plein de toi. le souvenir qui reste gravé comme un écho de peine sourde. pourtant le seul endroit qui fait du bien, plénitude, la même que celle que j’retrouvais dans tes bras. trop lointain, presque intouchable. les mains enfouies dans les manches du pull trop large. ta voix vient sacrifier le silence. besoin d’te voir pour y croire. les murs de béton que t’as dressé depuis longtemps, au point de même plus pouvoir te capter un peu. même de loin. t’es trop près c’soir. l’estomac qui se tord dans les remords jamais morts. - j’t’ai cherché longtemps. faible est le sourire. - t’es jamais venu. dans les vérités les azurs osent plus te regarder. question prend de court. marque l’silence, l’esprit qui divague. repense encore. - comment oublier ? les billes abandonnent le vide. se remplissent de toi. le profil froid. dévore la présence. parce que ce sera sûrement la dernière fois. - et toi ?

Des mots t’répondent, percutent. J’t’ai cherché partout. Et si t’avais été aussi cruel que dans les prémices d’votre relation, le rire jaune aurait doublé de volume. A la place, la fébrilité qu’elle démontre dans l’timbre de sa voix te fait juste froncer les sourcils. Préoccupé. Le silence lui répond, les iris rivés dans la pénombre, choisissant l’mutisme à l’hostilité. Si t’en avais encore, dans l’fond. Sans doute pas. Fallait aimer pour détester. Et l’temps s’est envolé derrière toi, derrière vous. Sa présence ce soir t’renvoie une nostalgie p’t’être considérée divertissante en s’remémorant le ridicule d’la situation, d’votre situation. « Ouais. » Tu t’souviens. Évidemment. Le jour où t’avais décidé de foncer tête baissée dans l’apocalypse qu’t’avais prédit instant par instant. Mieux qu’Madame Irma. « J’étais amoureux d’toi, tu sais. J’étais prêt à brûler l’monde pour toi. » Emphase sur l’emploi du passé. Ce passé qu’tu pouvais aborder sans le poids lourd qui te compressait la cage thoracique, sans l’amertume que t’avais trainé tous ces mois.  « J’crois que j’te l’avais jamais dit. » Et c’est à ce moment là que tes billes se posent enfin sur elle.  

relation gâchée. souffrance devenue froide, redevient brûlante depuis que ta voix a soulevée les souvenirs. que ton parfum mêlé à la brise revient tordre le poitrail. rappel des étreintes. douces. passionnées. sauvages. rassurantes quand le besoin le réclamait. le pire de mes regrets. se dessine ce soir. comme plus depuis longtemps. m’laisse en apnée le premier mot qui dévale de ta bouche. attends le venin que tu craches pas. à la place, les aveux plus destructeurs. ferme les yeux, le coup trop violent. pire que tout. déchire la poitrine, les vérités que tu décharges ici. là où tout a commencé, là où tu viens finir. sous le pull, le cœur qui bat lourdement. compresse à ne plus avoir assez d’air. bloqué dans la gorge, autant que le chagrin qui remonte à la surface. ouragan qui décime tout. t’es fort quincy. pour faire mal. - arrête.. s’il te plaît. mâchoire qui se crispe. ouvre enfin les yeux pour les lever au ciel. cherche le souffle. - j’peux pas.. j’veux pas l’entendre.. les mots lourds par la respiration qui les étouffe. bats des cils, essaye de retenir la peine qui remonte d’un coup sec. - parce que ça veut dire que j’t’ai perdu pour de bon. que t’es guéris de moi. de nous. que tu reviendras plus jamais en arrière et.. l’son qui sort plus. y’a que les yeux qui deviennent brouillés d’eau. les lèvres qui tremblent, sourcils qui se froncent à peine. - j’regrette tellement. ton amour, nos discussions à plus compter les heures, ta façon de prendre soin de moi, ton sourire.. de toute ma putain d’vie j’ai jamais regretté quelque chose aussi fort que toi. langue passe sur les lèvres, termine par mordre celle du bas. la garde entre les canines, morsure douloureuse. - j’suis désolée.. t’imagines pas comment j’aimerais remonter l’temps. juste pour te retrouver comme avant. juste une putain de minute. renifle. la gorge sèche, avale difficile la salive amère. le regard flou qui vient se poser sur toi. rencontre tes yeux. encore.

La gorge se resserre malgré toi. Ta révélation était fortuite, presque désinvolte, comme un secret partagé naïvement à l’heure de récréation entre deux enfants qui ne maîtrisaient pas le pouvoir des mots. Exactement toi à cet instant. Quand bien même votre histoire, votre cour de récré avait été un renvoi incessant de joutes verbales et des batailles infinis de proses calculées, l’aveu balancé ne rentrait pas dans une de ces deux catégories. C’était l’Quincy candide, véhément en quête d’son œil du cyclone - la plénitude centrale au milieu du déchaînement - qui avait parlé. Et quand elle te répond, tu ne t’attendais pas à ce déferlement qui te tord malgré toi l’estomac. Tu n’devrais pas - ressentir quoi que ce soit. Si ce n’est de la pitié. Pourtant une partie d’ta myocarde se brise. Pour elle, pour vous. « Lena.. » Un murmure, presque une supplication. Arrête la. Ton regard s’ancre dans le sien, voyage sur son visage dont tu connaissais le moindre détail dans l’passé. Un faible sourire s’invite aux souvenirs mélancoliques.  « J’te dis pas ça pour que tu sois encore désolée. C’qui est fait est fait. » Détournes les billes de nouveau. Plus facile d’avouer à la nuit, à la lune. « J’te le dis parce que j’me rends compte que j’te l’avais juste jamais.. dit. Pourquoi t’avais réussi à tant m’abattre. Pourquoi j’te détestais autant. » Parce que la haine est aussi puissante et drainante qu’l’amour, que une fois pris dans l’engrenage de l’un, passer à l’autre était une facilité déconcertante. « J’me suis demandé plus d’une fois comment j’réagirais si j’te revoyais, en face à face. Et j’me rends compte que j’t’en veux plus. » Si Imogen avait réussi à t’pardonner, tu recevrais la palme de l’hypocrisie à maintenir une vendetta personnelle contre Lena. Et quand bien même l’idée était alléchante, tu n’trouvais pas au fond d’toi la rancoeur nécessaire pour t’y atteler.  « J’suis pas guéris d’toi. Pas entièrement, pas en si peu d’temps en comparaison de c’qu’on a vécu. » Une réelle épopée étalée sur plusieurs années. Presque aussi dramatique qu’les œuvres shakespeariennes. « Mais.. » Les mots se bloquent à la frontière de ta gorge, comme une barrière qui se forme pour ne pas l’achever délibérément. Mais tes yeux parlent à ta place, diffusent ce ‘désolé’ explicite. Désolé, j’crois que les mots de fin de notre épopée se rapprochent.

le parc trop souvent mort, se ranime ce soir. dégueule notre histoire, entre ces mêmes arbres qui nous ont regardés la première fois. se promettre. s’embrasser. m’ont vu revenir au même endroit. penser à toi. pathétique, à m’accrocher au seul souvenir sur lequel t’avais pas craché. esquinté, de tes mots piquants. la haine en pagaille, ta colère sourde. encaisser, venir ici, chercher la paix d’mes remords. jamais vraiment la trouver. mon prénom sur tes lèvres, l’échine qui se tend dans un frisson. azurs capturent le maigre sourire. - regarde moi.. réclame en murmures. quand tu fuis, quand tu cherches l’appui du ciel. comme j’ai pu l’chercher tant d’fois. il a jamais répondu. à rien. abandonne le banc d’pierre pour m’échouer entre tes cuisses. - tu l’as plus fait depuis.. des mois. j’ai envie que tu me regardes encore. au moins cette nuit. même si demain, ça sera l’enfer de revenir ici. même si demain y’aura plus rien. noeud dans la gorge provoque la gêne. - j’étais désolée, je m’en suis voulue à mort mais c’soir c’est pire. c’que j’ressens.. c’est pire quincy. je savais pas que t’étais tombé amoureux de moi. et, t’sais.. voix qui tremble. marque une pause, les yeux qui se détournent. cherchent à sécher mais, ça brûle autant la rétine. à chaque foutues pensées. - j’pensais même que t’aurais jamais pu l’être. toi, aimer une meuf comme moi. rire sans vie. sarcastique. court. avant que la peine reprenne sa place. que les yeux plongent dans les tiens. stagnent en silence. - tu m’croiras p’t’être pas.. mais, t’es la plus belle chose qui m’soit arrivée dans ma vie. cliché. pourtant réel. le front qui vient de reposer contre le tient. ose le contact, brise la distance, sans réfléchir. trop proche, quand le besoin prend le dessus sur la raison. - non. refuse. de sentir une autre déchirure. visages qui se frôlent, secoue la tête contre ton front. - s’il te plaît.. dis rien. pas maintenant. la voix enrouée par le supplice. respire ton pouls, celui qui pulse aussi fort que le mien. - ne guéris pas. paume audacieuse vient se poser contre ta joue. glisse le long de ta nuque. mélange de froid et de chaud. le bout des doigts qui s’enfoncent dans la chaire de ton cou. respirations qui s’entrechoquent. - j’étais dingue de toi.. moi aussi. au point d’avoir essayé de te retenir. te retrouver. me noyer dans l’acidité de tes mots. me brûler pour toi comme tu t’es brûlé pour moi.

Regarde moi. C’n’était pas la faiblesse qui t’avait fait détourner l’regard jusqu’ici. Plutôt la simplicité. L’entêtement à se terrer dans une paix inexistante. Les iris noirs rencontrent le bleu d’la mer et l’manque d’intensité de la vague qui te renverse te fait relâcher un soupir. De soulagement. De peine. Face à ses supplications, face à ses confessions. Les sourcils se froncent encore. « Lena.. s’il te plaît, arrête avec tes conneries de ‘d’aimer une meuf comme toi’. » Les flashbacks t’envahissent instantanément et si l’année dernière, la colère et la révolte prédominaient, aujourd’hui l’calme fait place. C’est un murmure paisible qui lui répond, l’faible sourire sur les lèvres. Front contre front. Tu lui accordes un laps de temps, absorbes les mots qui ricochent sur tes mots. « J’t’ai aimé. J’suis pas totalement guéri d’toi mais.. » Secoues la tête, fermes les yeux. « Je suis passé à autre chose. » La sentence finale que tu n’osais pas formuler à voix haute quelques secondes auparavant, ayant espéré qu’elle se contente de lire dans ton regard. Mais l’toucher aura toujours été son point fort. « J’te dis tout ça justement parce que.. c’est du passé. J’t’ai parlé d’une fille en début d’année.. maintenant, c’est elle mon présent. » Ta main s’enquiert de la sienne qui s’était posée sur ta joue, s’était baladée avec l’affront qui lui était caractérisée dans la nuque. Ta main s’en saisit, met halte à son trajet. « Nous deux.. ça fait parti du passé. »

rejet acerbe. entrailles se gorgent de l’acidité de tes mots. tes gestes. indifférence peint les billes sombres. trop pour en déceler une émotion. toutes se sont éteintes. je la vois c’soir, cette réalité fuite trop longtemps. l’oubli personnifié sous l’clair de lune. lui qui met en valeur la carcasse froide. détaché. arrache le poitrail d’un coup sec. assène le coup final. fatalité résonne d’entre tes lèvres. celles qui degueulent l’ombre d’une autre. trop proches pour faire semblant de pas l’entendre. de pas la voir. ta guérison. plus fatale que tes yeux, tes mots qui poignarde jusqu’à ce que le myocarde s’braque. s’ferme. insupportable, le vacarme que tu provoques. suffoque dans l’saignement. main qui arrache l’épine. met fin au contact, le dernier. manque déjà, ta peau contre la mienne.  - okay.. parce que la bouche amère avait plus les mots. les billes, plus la force d’affronter le néant. recule, hochement de tête. comme pour gober tes paroles. graver les aveux.  - j’ai compris. mâchoire se contracte, la gorge serrée. les yeux qui se baladent sur le parc.  - t’sais.. j’revenais pas vers toi par dépit. j’revenais parce que j’avais jamais su t’oublier. chuchote presque.  - t’es dur à oublier adler.. admets. les doigts nerveux, jouent avec les manches pour canaliser le tsunami qui menace de se déverser.  - je.. respire. encore. tête qui se lève au ciel. soupire.  - j’te souhaite d’être vraiment heureux.. avec.. qui tu voudras. les mots sortent difficilement. l’regard fuyant vient se reposer sur toi. marque un silence, imprègne les traits une dernière fois.  - qu’elle t’donne c’que j’ai pas su te rendre. bout de la serpentine s’accroche à la lèvre supérieure. rattrape le sanglot qui étrangle. baisse la tête une seconde avant d’attraper les bords du sweat. retire le vêtement pour le déposer sur l’banc de pierre.  - c’était l’tient. et.. j’le porterais plus. j’reviendrais plus ici. frisson remonte sur le derme qui croise la nuit givrée.  - moi aussi.. faut que je guérisse de toi maintenant. soigner ta plaie. celle qui reste ouverte à chaque fois. voulais pas cicatriser.