— southie boy (neriah)

@Sonny Kidd tw : alcoolémie, injures

— La soirée m’avait rincée, et j’étais dans ce moment où tout paraît un peu flou, un peu irréel. Je sortais à peine de cette maison, mes oreilles encore bourdonnantes des rires et des conversations, mes joues encore chauffées par les verres qui s’étaient enchaînés. Le vent frais m’a giflé dès que j’ai mis un pied dehors, mais ça m’a pas vraiment ramenée à la réalité. Mes pas hésitants me portaient vaguement vers chez moi, et puis là, je l’ai vu. Un mec, planté sur une bagnole, les bras en l’air, criant comme un dément vers le ciel. Son majeur dressé haut, comme s’il parlait directement à Dieu, ou peut-être à quelque chose de plus sombre. Mon premier réflexe, ça a été de rigoler, mais ça m’est resté coincé dans la gorge. C’était pas drôle. Pas vraiment. Il semblait… brisé. Un truc que je connaissais peut-être un peu trop bien. Sauf que lui, il le hurlait, sans se soucier de qui pouvait l’entendre. Je me suis arrêtée à quelques mètres de là, en équilibre précaire entre la tentation de continuer ma route et cette espèce de curiosité qui me retenait. Il balançait des insultes dans un mélange d’anglais et de je sais pas quoi d’autre, sa voix se brisait sous le poids de ses propres mots. « When I find you, I’mma kill you, motherfuckin’ coward. » Je savais même pas de qui il parlait, mais bordel, ça faisait mal à entendre. Il tapait son poing contre sa poitrine comme pour se réveiller ou pour s’enfoncer encore plus dans son propre délire. Y’a eu un moment où je me suis dit que c’était mieux de continuer mon chemin, de le laisser à ses démons. Mais l’alcool me rendait un peu trop courageuse, ou peut-être imprudente. Ou les deux. Mes pieds ont décidé avant moi, me traînant vers lui alors que ma tête criait que c’était une idée stupide. Je l’ai approché, la bouche pâteuse, les mots déjà en train de se former sans que je sache quoi dire. — Hey… J’ai murmuré en m’arrêtant à quelques pas. — Ça va ? Ouais, super entrée en matière. Bravo, Neriah, t’es vraiment douée pour les interactions sociales. Il m’a à peine regardée, encore trop plongé dans sa rage, ou sa douleur, je sais pas. Mais quelque chose en moi m’a poussée à rester là, à pas faire demi-tour. Peut-être parce que je reconnaissais cette part de lui, cette part qui veut crier mais qui sait pas vraiment pourquoi. — J’sais pas ce que t’as… mais tu vas te faire mal, là. Je me suis penchée légèrement en avant, comme si ça pouvait aider à percer sa bulle de folie. Mon cœur battait un peu plus vite que de raison, mais j’étais là, avec ce courage alcoolisé qui me disait que j’étais capable de le gérer, capable de comprendre. Ou peut-être que c’était lui qui allait me faire mal, va savoir.

@Sonny Kidd tw : alcoolémie, injures

— Il avait cette lueur dans les yeux. Celle qui te fait dire que t’as sûrement fait une connerie en t’approchant, que t’aurais mieux fait de filer à l’anglaise comme tous les autres, de laisser le fou à ses cris et ses bouteilles fracassées. Mais non. Moi, avec mon demi-cerveau flottant dans l’alcool, je me disais que c’était une bonne idée d’essayer de parler à un mec qui visiblement en voulait au monde entier. Allez savoir pourquoi. Peut-être parce qu’il y avait un truc dans sa détresse qui résonnait un peu trop avec la mienne. Quand il a tourné la tête vers moi, j’ai vu ses yeux – durs, mais paumés, plissés comme s’il essayait de me comprendre, ou de m’évaluer. "Qu’est-ce que tu fous là? Qu’est-ce que tu veux?" Qu’il m’a lancé, avec cette voix pleine d’amertume, de rage. Une voix de mec qui a vu des trucs trop moches pour en parler et qui préfère cracher sa haine plutôt que de montrer la moindre fragilité. Mon cœur a fait un bond, j’avoue. C’est pas tous les jours que je me retrouve face à un type qui pourrait probablement me réduire en miettes si l’envie lui prenait. Mais l’alcool me donnait cette espèce de bravoure idiote, celle qui t’empêche de reculer même quand t’es à deux doigts de faire demi-tour. Je l’ai regardé droit dans les yeux, un peu comme si ça pouvait l’apaiser, même si, franchement, j’étais pas sûre de ce que je foutais là non plus. Pourquoi je restais ? Pourquoi je m'en allais pas ? Peut-être parce que, à travers sa colère, je voyais ce que j’avais l’habitude de cacher sous mes rires forcés et mes blagues pourries. Ce besoin désespéré de foutre en l’air quelque chose, n’importe quoi, juste pour que la douleur arrête de gratter à l’intérieur. — J’veux rien, que j’ai fini par lâcher, avec cette voix un peu plus tremblante que ce que j’aurais voulu. — Je passais juste par là… et j’ai entendu tes cris. Je sais pas, j’me suis dit que t’allais peut-être faire une connerie. Son regard brûlait toujours, mais y’avait un truc qui avait changé. Peut-être la fatigue, ou peut-être qu’il se rendait compte qu’il m’effrayait. Que derrière sa rage, c’était pas un monstre que j’voyais. Juste un mec. Un mec en vrac, mais un mec quand même. J’ai pris une profonde inspiration, serrant mes bras contre moi, à moitié pour me réchauffer et à moitié parce que j’étais nerveuse. — Écoute, j’ai pas la moindre idée de ce qui te bouffe… mais j’sais à quoi ça ressemble, d’avoir envie de tout casser pour que ça s’arrête. Ses poings étaient toujours serrés, et je savais pas si mes mots allaient le calmer ou juste le pousser à exploser encore plus. Mais j’étais là, à ses pieds, à me demander comment j’étais arrivée à parler à un inconnu enragé, alors que tout ce que je voulais au départ, c’était juste rentrer chez moi et finir la nuit avec une pizza. La bouteille brisée à ses pieds, les éclats de verre étincelaient sous les réverbères comme les morceaux de quelque chose qu’il ne pourrait jamais recoller. Un peu comme nous tous, je suppose.