From this day... | XIVER

Tout s’est très vite enchaîné, leur départ, leur arrivée, l’installation dans cet immeuble dans lequel ils vont vivre durant leur séjour. Les bras croisés face à la baie vitrée gigantesque, pensive, elle l’attend. Et elle ne saurait dire combien cela fait de temps. Les minutes sont rapidement devenues des heures depuis qu’il l’a délaissée, afin d’aller accomplir ce devoir qu’elle a encore du mal à assimiler. Pourtant, elle a la tête pleine, depuis qu’ils sont arrivés. Elle a du mal à trier. Non, en réalité, son esprit, il a été gavé et altéré à partir du moment où il est arrivé chez elle afin de contrôler les vêtements qu’elle comptait mettre dans sa valise. Les informations n’ont fait que s’amonceler dès lors. Et celles qu’il lui a données, elle les a toutes écouté, elle a cherché à les comprendre, à les intégrer. Elle les a aussi acceptées, sans les juger, mais elle n’a pas pu s’empêcher de songer, que sur ses terres, cela reste plus simple, une prison moins compliquée. Moins dangereuse aussi, bien qu’il n’ait pas totalement détaillé. Mais elle n’est plus aussi crédule, elle ne peut plus faire semblant de ne pas entendre la vérité. L’élan de romantisme n’est rien, presque effacé, face à la réalité.

Alors à regarder les lumières d’une ville qu’elle ne connaît pas, qu’elle trouve difficile à apprécier même si elle a tout pour lui plaire, qu’elle n’a pas envie d’arpenter sans Sheng à ses côtés, elle se triture les méninges sans parvenir à s’apaiser. Tout en étant, malgré tout, certaine qu’elle y arrivera une fois qu’il sera rentré, et qu’il l’amènera dans son univers, comme elle l’a, tant de fois, quémandé. Elle fait face à ses propres contradictions, tout en étant convaincue que rien ne pourrait faire flancher son affection. Et quand dans son dos elle entend la porte de l’entrée de cet appartement témoin s’ouvrir, elle crache un soupir. De quelques pas rapides, elle va retrouver l’homme que son cœur a choisi, il y a de ça plusieurs années. Elle s’arme d’un sourire qu’elle désire léger, pour aller à son encontre, incapable de retenir plus longuement ses volontés, lorsque ses doigts trouvent avec naturel l’un de ses avant-bras. « Je peux le voir ? » Même si elle ne doute pas que dans le futur elle aura, l’occasion de le contempler de nombreuses fois.

A présent qu’il est de retour, le poids sur ses épaules, le malaise qu’elle éprouvait, il s’est envolé. Sa seule présence étant capable de lui retirer une anxiété dont elle n’avait même pas conscience. L’appartement lui paraît moins grand, moins aseptisé, la chaleur de Sheng et des sentiments qu’il lui inspire ayant tout effacé.

L’impatience grondant dans son ventre, elle l’écoute annoncer, « Tu ne vas plus pouvoir jouer aux amazones quelques temps, » Son regard se fait derechef malicieux à l’évocation de certains de leurs jeux. Tandis qu’elle lui offre un sourire, elle s’approche encore et lui s’essaie à relever le tissu afin de satisfaire sa volonté, « J'ai dit que je me passerais de soins à domicile mais... c'est un peu inaccessible. » Les derniers centimètres qui les séparent sont franchis, et tout en lui soufflant, « Parce que tu sais combien j’adore jouer les infirmières. » elle poursuit son geste pour lui. Une fois la tâche achevée, elle s’accorde le temps d’une inspiration pour contempler les traits. Se faire à la nouveauté. « Promis je serais aux petits soins si… » elle mord un sourire malin, « toi tu es aux miens. » puisqu’elle ne pourra pas jouer les amazones, elle accepte volontiers d’être en dessous et de profiter des talents de son petit-copain.

Mais une fois cette condition passée, elle s’attarde sur le traçage, approchant malgré elle ses empreintes de son derme hâlé. Bien sur, elle ne l’effleure pas, elle s’essaie à l’apprendre même s’il est un peu déformé, faute d’être plastifié. Elle en cherche la signification bien que les signes, les tracés ne fassent aucun sens dans sa raison. Pourtant, elle sait que ce dessin confirme son affiliation. Sa prison. « Il est… joli. » c’est tout ce qu’elle en dit. Le reste de ses pensées restera sous scellé, car maintenant, il ne peut plus reculer, c’est signé. Dans sa peau, encré. La preuve que tout sera, pour eux, compliqué.

Lasse de ses idées amères, elle va finalement déposer sa main du côté de son dos opposé au dessin, le caressant avec une affection qu’il n’est pas utile de cacher. Elle se récupère une contenance, le suppliant. « Dis-moi qu’on sort ce soir, peu importe où, ou pourquoi. » Elle a juste envie de parcourir cette vie avec toi. D’y croire un peu, pendant que vous êtes tous les deux là. « On va danser ? » Elle a besoin de retrouver un brin de cette insouciance qui a bercé leur été. Ses lèvres allant chercher les siennes une fois son corps contourné, ses doigts l’ayant, en une caresse sensuelle, effleurés. « S’il te plaît… » elle murmure embrassant sa bouche, comme si ça pouvait le persuader. Juste quelques heures pour croire encore en la liberté.