PETER JANG ✧ lee felix

un l'silence berce ta naissance, aîné docile dès les premiers instants. modulable, chose fragile manipulable au gré des envies et des humeurs. l'enfant roi pendant quelques mois, les murmures de la mater comme mantra. berceuse de tes nuits, voix réconfortante qui chassait les cauchemars. sans savoir qu'le cauchemar c'était ton schéma familial. peut-être le plus manipulable et manipulateur. les mots d'la génitrice qui brûle au fond d'ta carcasse. tu sais que c'est malsain mais tu t'abreuves de ses ordres, p'tit soldat parfait. › deux control freak. la sourde angoisse quand le désordre s'installe. besoin compulsif de tout mettre en ordre. à commencer par tes relations sociales. l'entourage parfait, la bonne entente. crispation quand les cris s'répercutent contre les murs d'la maison, mélodie grinçante à tes oreilles. obsession d'protéger le p'tit de ces hurlements, viens le couper du monde autour pour le protéger. pour que t'aies une utilité, peter. petit soldat doit toujours s'rendre indispensable, pour tous. › trois tu tentes parfois d'la faire taire, la voix de la mater. tu t'y prends mal, les mots s'emmêlent, se perdent. ta voix cassante, cassée. tu demandes de parler plus bas. tu supplies qu'les mots ne traversent pas ses lèvres. tu parles de regret, de blessure de l'âme. tu dis qu'une mère peut pas parler comme ça devant ses enfants, à ses enfants. mais tes mots glissent sur la silhouette et ne font qu'arracher des froncements de sourcils. › quatre t'as eu l'espoir qu'les choses changent à la naissance des jumeaux. amour renaissant, découverte d'une nouvelle vie, attachement et concessions. mais t'as vu l'pater s'enfoncer de nouveau dans son fauteuil, t'as entendu d'nouveau les cris se répercuter contre les murs. et toi t'as juste eu plus de monde à protéger, plus de temps pour t'oublier. › cinq elles n'ont jamais été une obsession pour toi. adolescent tu levais déjà les yeux au ciel quand tes potes parlaient des filles. illusion perdue, amour effacé. t'as essayé d'te caser, d'pencher tes lèvres sur celles d'une jolie fille. d'avoir des sentiments sains, purs. mais quand tu penses à l'amour t'as l'image d'tes parents qui se gravent sous tes paupières. modèle dysfonctionnel que t'as peur de recréer. alors quand tu commences à flipper tu fuis, tu t'créer une barrière, une bulle. › six l'nez dans les bouquins, la tête remplie de lois. t'as appris l'gros bouquin avant même de rentrer à harvard. l'ivy league, juste pour voir briller les yeux d'la mater. entendre la fierté dans l'son de sa voix, observer un regain dans la psyché du paternel. doctorat entamé en droit pénal et sciences criminelles, histoire d'pimenter ton existence. › sept les jeux vidéos comme fuite, l'entrée dans un autre monde. l'rêve évanoui de devenir développeur dans un gros studio. ça aurait déplu aux géniteurs, t'as déjà imaginé mille façons d'leur apprendre que tu voulais faire autre chose. mais c'était pas assez. pas assez bien, pas assez prestigieux. t'as renoncé, cachant dans un dossier de ton ordinateur tes premiers pas dans l'monde du développement. › huit les gens pensent que t'es une grande gueule moralisatrice, l'étudiant parfait qui réussit ses études avec brio et qui peut s'permettre d'élever l'ton quand quelque chose lui déplaît. l'froid qui se lit dans tes yeux, on s'méfie de ta personnalité. on a du mal à t'cerner, on t'trouve parfois violent. éclat de colère dans les yeux, croissants de lune dans les paumes après que le poing se soit fermé. haine froide qui gronde dans ton myocarde et qu'tu tentes malgré tout de faire taire. t'es pas le plus apprécié du campus, tu le sais. › neuf tu regardes le petit frère s'rebeller, pendant qu'toi tu fais tout pour maintenir de l'ordre dans cette famille. tu l'regardes contrarier votre mère, la faire hurler des mots de haine. son caractère t'échappe, tu l'contrôles pas, t'es contrarié. l'souffle court quand les problèmes arrivent, quand t'es obligé d'être (encore) le héros de l'ombre. et tu l'jalouses le gosse. parce que toi t'es le petit soldat obéissant et qu'lui est la liberté que tu n'auras jamais. › dix le paraître qui tire les ficelles de ton existences. mensonges caressent des lèvres, douce désillusion. l’soldat parfait, image fracassée qu’le miroir te renvoie. et ça devient de plus en plus facile de mentir pour satisfaire la mater. tu fais croire qu’t’appartiens à la maison dorée de l’élite, tu dissimules une rédaction dont la note ne correspond pas à tes attentes. à ses attentes. tu caches ta passion du jeu derrière l’droit civil et tes créations derrière un pseudonyme. t’as appris à engloutir ta vraie personnalité pour être le pantin d’la mater.