(marley) i never meant to cause your trouble

Il y a quelques minutes de ça, j'étais encore avec Saphyr à l'hôpital. Lui tenant la main pendant qu'elle déversait ses larmes, ses doutes et sa peine. Elle qui avait essayé, quitte à s'en rendre malade et finir hospitalisée. Elle qui avait eu le courage d'affronter ses parents et de leur dire la vérité. Ces fiançailles bidons ne faisaient que causer notre perte. Qu'allait-il se passer maintenant ? Ses parents allaient-ils la renier pour de bon, comme ils le lui avaient dit ? Et mon père, comment allait-il réagir en apprenant que Saphyr était mariée à un autre ? Allait-il à nouveau me fiancer ? Tout ça ne faisait que tourner et retourner dans ma tête. Les fiançailles avortées... et Brinley. Elle était la première à qui j'avais pensé, maintenant que je n'étais plus tenu par mes engagements. J'étais... bouleversé de voir à quel point elle se faisait du mal. La drogue, et ces traces de scarification sur ses bras que je ne parvenais pas à comprendre. J'avais ce sentiments amer au fond de la gorge qu'au fond, tout ça était arrivé à cause de moi. A vouloir la protéger en l'éloignant de moi, je n'avais fait que l'enfoncer encore plus. La culpabilité me rongeait. Je restais anormalement calme, stoïque alors qu'au fond de moi, j'avais envie de hurler et de tout péter.
C'est l'esprit tourmenté que j'avais demandé à Kenneth de me conduire jusqu'à chez elle, bien décidé cette fois à lui dire la vérité. Je ne supportais plus mes mensonges. Je ne supportais plus de savoir qu'elle devait probablement continuer à se faire du mal, confiance en elle écorchée depuis mes mots blessants. Il fallait que je lui dise... mais fallait-il encore qu'elle me croie. Arrivé devant chez elle je sortais de la limo sans attendre, demandant à Kenneth d'aller faire un tour. Je sonnais, attendant impatiemment qu'elle réponde. « C'est Marcus. Tu peux descendre ? » demandai-je, me raclant légèrement la voix.

Est-ce qu'un jour j'aurais une journée soft ? Genre sans drames, sans décès, sans mauvaises nouvelles, sans avoir au moins un proche à l'hôpital ou impliqué dans un accident ? Les événements s'enchaînaient. Rose et Sienna qui avait eu un accident de voiture, Saphyr qui avait fait un malaise dû à sa condition et.. j'me sentais vraiment impuissante. Pis Levy aussi qui m'impliquait dans un truc.. voilà quoi, j'savais pu quoi en penser. À mon arrivée à l'aéroport j'avais foncé chez Sienna, j'avais pas fait d'arrêt à mon appartement. J'avais passé toute la nuit avec elles, c'était tout ce que je pouvais faire. Et m'imaginer les pires scénarios n'aidaient en rien. J'étais rentrée à mon appartement, défait mes valises machinalement et je m'étais changée. J'aurais voulu être avec Brad pour le soutenir, il devait être en train de vivre au cauchemar. Et de mon côté je me questionnais, j'savais pas trop si je devais aller voir Saphyr. J'avais un blocage de rentrer dans les hôpitaux depuis l'explosion à l'halloween. Pis sûrement qu'elle devait être épuisée moralement pour voir des gens débarquer à son chevet ? C'était compliqué entre elle et moi aussi, il y avait tant de choses qui jouaient sur la question à savoir si je devais y aller ou non. Et.. le fait qu'elle était encore fiancée à Marcus, faisait que je pouvais pas m'approcher. On était pu en Italie, nous étions de retour à Boston. Valait mieux pas que je me retrouve publiquement dans la même pièce que lui. La sonnette de mon appartement me fit sursauter. Qui pouvait sonner à cette heure-ci ? Je me figeais en entendant sa voix, celle de Marcus. — Pour quel motif ? répondais-je après quelques secondes, doigt appuyé sur le bouton pour répondre. Peut-être que c'était par rapport à Saphyr, qu'il voulait me donner plus de détails ? — J'te donne cinq minutes. T'es gentille Brin ahaha, vraiment. J'attrapais une veste que j'enfilais (et je ressemblais à rien) avant de descendre pour le rejoindre. J'ouvrais la porte pour sortir à l'extérieur, reconnaissant bel et bien sa limo. La dernière fois que je l'avais eu en face de moi, c'était lors de notre dispute en Italie il y a quelques jours. J'voulais pas qu'il me touche, donc je croisais mes bras contre moi. Je l'invitais à me dire ce qu'il se passait.

Il n'y avait pas à dire, j'avais beau pratiquer Brin depuis quelques mois maintenant, elle arrivait toujours à me surprendre. Pour quel motif. Je roulais des yeux malgré moi face à cette réponse. « J'aurais dû prendre rendez-vous auprès de ta secrétaire ou quoi ? » lâchai-je en râlant. Mais finalement elle décidait de descendre, et c'est plus ou moins patiemment que je l'attendais dans la rue. La porte finit par s'ouvrir, et mon regard venait directement accrocher le sien. Me souvenant que trop bien de notre dernier tête à tête, de ce qu'elle avait mis tant d'application à cacher. Tant d'application à se détruire. « Merci » glissai-je malgré tout alors qu'elle croisait les bras face à moi, attendant la suite. « Je... » commençai-je, hésitant. Ne sachant pas vraiment pas quoi commencer. Moi qui avait pour habitude de tout calculer cette fois, je n'avais rien anticipé. Je soupirai, tentant d'éclaircir mes idées, peu à l'aise. « Je suis vraiment désolé. Désolé de d'avoir fait du mal, par mes actes, par mes mots... » Par ma personne tout entière. « Je t'ai menti Brin... et maintenant j'en ai assez de mentir, assez de te regarder t'éloigner quand mes fiançailles sont sur le point d'éclater, et mes faux semblant avec » Je me rapprochais d'elle, inconsciemment. « Tout ce que j'ai pu dire c'était uniquement pour parvenir à t'éloigner de moi pour de bon. Je n'ai jamais pensé que tu avais été une erreur Brin, jamais » ajoutai-je, mon regard toujours dans le sien. « Tu es... une des plus belles choses qui me soit arrivé dans ma vie jusqu'à présent. Alors s'il te plait, arrête de te faire du mal ». Je savais que je ne supporterai pas qu'elle soit la prochaine sur un lit d'hôpital.

Notre dernière conversation remontait au soir où il avait découvert que je me redroguais de nouveau et qu'en prime, je me scarifiais. Donc en moins de vouloir reparler de ça, de vouloir à nouveau m'engueuler et qu'on se prenne la tête, ça m'intéressait pas de lui parler. C'était cruel j'vous l'accorde mais j'étais assez grande pour me gérer et j'avais pas besoin de son avis. Ça changeait rien, c'était ma vie et mon corps, j'en faisais ce que j'en voulais. Je l'entendais râler dans l'interphone et je me retenais fort pour pas l'envoyer valser. Seulement voilà, je finissais par le rejoindre après lui avoir signifié que j'avais pas toute la journée. On avait tellement de gens en commun maintenant, à tout moment il allait m'annoncer un autre drame. Je voyais pas autre chose et en même temps j'étais pas certaine si c'était ça. J'arrivais pas à lire son expression sur son visage, il semblait perdu.. démuni même. C'était la première fois que je le voyais comme ça. Je gardais le silence, je me montrais froide mais je pouvais pas faire autrement. Et il se lançait. Mon regard faisait la navette entre lui et le sol, il s'excusait pour quoi exactement ? J'veux dire, dans quel ordre chronologique ? J'avais un regard un peu plus détendu, au fil des mots qui sortaient de sa bouche. Et je comprenais finalement qu'il s'excusait pour la façon dont il avait rompu, comment il avait fait en sorte que je le déteste. Est-ce qu'il s'excusait aussi de m'avoir tant fait de mal, en sachant très bien que j'avais une blessure profonde liée à l'amour ? Son regard était ancré dans le mien, je pouvais y décrypter vraiment tout. Ces émotions sur son visage qui changeaient au fur et à mesure qu'il faisait tomber les barrières, pour montrer qui il était réellement. J'avais encore des choses à apprendre sur lui mais je sentais que ça le pesait. Ces révélations lui faisaient un bien fou, alors que moi.. je m'y attendais pas. J'avais pas pris conscience qu'il s'était rapproché de moi. — J'me fais pas mal qu'à cause de toi.. oh non Marcus.. Il faisait partie des nombreuses causes, certes. — Je t'ai dit ça pour.. te faire du mal. Pour te faire culpabiliser. Je t'ai menti aussi et.. j'suis désolée. J'avais été en colère, oh oui. Et la colère peut nous faire dire des choses blessantes, qui ne sont pas véridiques. Heureusement que j'avais ma veste sur moi pour cacher ces marques encore bien présentes sur mes avant-bras. Saphyr m'avait dit la vérité le concernant mais jamais que j'allais le dire à Marcus, je voulais pas trahir la blonde. — Qui dit que.. que demain tu vas pas revenir sur tes paroles ? J'avais le coeur en vrac, je secouais ma tête. J'étais incapable de lui promettre que j'allais arrêter de me faire du mal, c'était bien plus complexe que ça. Je me sentais vide, il pouvait pas comprendre ça. — Toi aussi arrête de te faire du mal, s'il te plaît. Ta perte de poids.. c'est ma faute. En quelque sorte.

Lui dire enfin la vérité avait quelque chose de libérateur. Enfin, je pouvais me décharger de ce poids énorme, de cette culpabilité qui me pesait depuis la seconde même où Brinley m'avait tourné le dos, après que je lui ai dit toutes ces choses horribles. J'espérais qu'elle me croie. Je voulais qu'elle me croie. Mais surtout, je voulais qu'elle cesse de se détruire comme elle le faisait. Par ces blessures qu'elle infligeait à son corps. Par cette merde dont elle était addict. J'étais... dévasté à l'idée que j'aie pu participer à ça, alors que mon seul désir avait été de la préserver. Bel échec. Ses mots allégèrent ma conscience, mais pas mon inquiétude. « Ne t'excuse pas. Je l'ai mérité » répondis-je, visage rongé par les regrets. « Je n'ai même pas pu être là pour te soutenir alors que tu as perdu ta mère ». Et c'était probablement l'une des choses qui me pesait le plus, au fond. Le souvenir du décès de ma propre mère encore bien trop présent pour pouvoir ignorer la douleur qui devait la terrasser en ce moment. Je soupirai, accablé par cette situation. Ne sachant quoi lui dire. « Je comprends... j'espère parvenir à regagner ta confiance, à l'avenir. Ce que j'ai fait n'a été que dans l'unique but de t'épargner... même si le calcul était mauvais » répondis-je, penaud. Elle me parlait de moi, de mon physique, ce que je balayais d'un mouvement d'épaule... avant de réagir à ses derniers mots. « Non, ce n'est pas de ta faute. J'ai été... faible face à la situation qui m'a été imposée. Je vais me reprendre en main » dis-je en me raclant la gorge, peu à l'aise quand il s'agissait d'exposer mes faiblesses. Un instant, mon attention fut retenue par un scooter au bout de la rue, arrivant à vive allure. « Il faut que tu en fasse de même. » J'avais la volonté d'aller de l'avant et de reprendre une vie plus normale, mais arriverai-je à l'aider, quand sa souffrance semblait déjà bien trop profonde ? J'écoutais Brinley, regard dans le sien. Mon attention à nouveau accaparée une fraction de seconde par ce scooter qui allait nous croiser, un peu vite. Trop vite. Enfin mon cerveau percevait le danger alors qu'il fonçait droit sur nous. Sur Brinley. « BRIN !! » alertai je inutilement quand, sans réfléchir, je la poussais brutalement sur le côté. Moins d'une seconde plus tard je me faisais percuter. Mon corps s'envolait sous l'impact, pour atterrir violemment sur le sol dans un craquement affreux. Puis ce fut le trou noir.

J'avalais difficilement ma salive lorsqu'il me parlait de ma mère. Je l'avais envoyé chier sauvagement et sans scrupule après qu'il m'ait offert ses condoléances. Il connaissait cette douleur, il savait ce que ça m'avait procuré tout simplement parce que lui aussi il avait perdu sa mère il y a quelques années. Il avait essayé d'être là pour moi mais je l'avais repoussé et il s'était montré disponible, malgré tout. J'attrapais sa main dans la mienne, mon pouce caressait le dessus sa main en silence. Je détestais parler de mes sentiments, parler de ce que je pouvais ressentir. Donc c'était un moyen facile pour lui exprimer que je lui en voulais pas, pas pour ça. Ça me touchait qu'il puisse déjà envisager de tout faire pour regagner ma confiance. Son regard dégageait de la sincérité. Il se rendait compte de la connerie qu'il avait fait, de ce mal qu'il m'avait fait et de ces maux qui avaient rongé mon esprit - et qui continuaient de le ronger. Et pourtant, une grande partie de moi, celle qui avait été extrêmement blessée, souffrait. Il faut que tu en fasses de même. Comment ? Je voyais pas la lumière au bout du tunnel. — Je vais essayer. C'était ni une promesse, ni une certitude. C'est pas comme si j'avais pas tenté le tout pour le tout pour faire disparaitre cette douleur. Mon cerveau avait enregistré chacune de ses paroles. — Ça sera pas tâche facile d'essayer de me reconquérir, sache le. Peut-être qu'il le savait déjà mais je le prévenais, j'voulais pas qu'il me court après. Je voulais des preuves, des actions, pas que des mots. Je créais une ouverture, une toute petite. Il aurait pas fait tout ce chemin pour.. moi si ça lui tenait pas à coeur. Je relâchais sa main, alors qu'au même moment j'entendais ce scooter dans mon dos. Suivi de Marcus qui criait mon prénom. Sans me laisser le temps de me retourner pour voir ce qu'il se passait, il me poussait de toute ses forces. Je me retrouvais écartée du chemin, passant à deux doigts de tomber dans les poubelles qui jonchaient le trottoir. La scène qui se produisait.. le scooter qui percutait Marcus. Marcus qui fut projeté, accompagné d'un bruit sourd lorsqu'il toucha le sol. — Non, non. Non. MARCUS. Me laisse.. pas. S'il te plaît..

Mes propres paroles hantaient mon esprit, j'étais à son chevet. Ma tête appuyée contre sa main, j'avais les yeux fermés. Il n'avait pas repris connaissance depuis vingt-quatre heures. Je récitais en boucle des prières dans ma tête. J'avais eu l'autorisation d'être auprès de lui, même si j'avais dû remuer ciel et terre pour le faire. C'était ça l'amour, j'étais prête à tout. Je m'en foutais. — Tu peux pas me laisser, pas comme ça.. murmurais-je à moi-même, je pouvais pas concevoir qu'il puisse.. mourir. Tout dépendait de lui, c'est ce que les médecins m'avaient dit. Une larme coulait le long de ma joue, s'écrasant sur sa paume.