Pssssssssst ! | JUNACE

Rentre à la maison Junior. L’idée était dans le fond… Plutôt simple. Voir, carrément simple. Et ce n’est pas comme si elle ne me l’avait dit qu’une seule fois. Mais voilà. J’ai tenu bon. J’ai fait ma tête de mule, et je suis restée deux mois loin de Boston. Et de New York. Et d’Annalynne Malcolm. Cooper. Bref. Ma mère. Ce qui m’a le plus embêté, c’est forcément pour sa moitié. Mon père. Lui, il commence franchement à me manquer. Junior, t’es qu’un bébé.

Un bébé qui dévore présentement une pizza assez grande pour être mangé à trois. Ca aurait pu être le cas… Si j’avais de véritables relations. J’ai bien Lyssandre et Dan mais… Ils sont foutrement occupés en cette fin d’été. Alors après avoir engloutit plus de la moitié de la chose, je me décide à la faire emballer pour la ramener à l’hôtel où je compte bien passer le reste de la journée enfermée. Dans le noir. Devant l’écran. Sans faire preuve aucune de sociabilité. Le room service peut-être, pour m’hydrater. Mais quand j’attends à la caisse du restaurant pour payer… Ca bouchonne. Enfin, je crois, j’écoute pas. Je sais juste que c’est long et que je voudrais bien qu’il se bouge, le mec devant moi. C’est-à-dire que j’ai un emploi chargé qui n’attend pas.

@Ace Chung

« Fais chier... » Les mains qui fouillaient les poches de son pantalon, sur le côté, l'arrière, puis de sa chemise ; il essaya même sa ceinture, mais rien. Il n'y avait rien. Avec avait oublié de prendre son argent avec lui ; ou peut-être l'avait-il perdu. Lunettes de soleil sur le nez, on devinait pourtant sans peine son regard qui vadrouillait et cherchait désespérément quelque chose alors qu'en face de lui, l'employé le fixait avec les sourcils haussés, le regard blasé. Quittant la queue quelques secondes pour vérifier à la table où il était, Ace confirmait qu'il n'y avait rien qui traînait. Il revint alors bredouille, grimace sur le visage, avant de revenir vers le comptoir et ne pas trop savoir quoi faire. Téléphone sortit, il utilisa le traducteur pour se faire comprendre. « Ho dimenticato i miei soldi... all'albergo... » L'employé haussait les épaules et tendait la main, réclamant toujours son argent. Alors, désabusé, Ace se résigna à se tourner vers la personne derrière lui. « Excuse-moi, tu parles anglais ? » demandait-il d'abord, voulant s'assurer de la langue à employer pour faire sa requête.

Et si j'attends qu'il finisse par payer, il entre dans une drôle de représentation. Il fouille ses poches, bah voyons. Il ne faut pas être un génie - même si pour le coup, j'en suis un - pour deviner qu'il fait le coup de celui qui n'a plus rien pour payer. C'est petit, étranger. Mais bon, j'imagine que tout ce tente, lorsqu'on a vraiment pas de quoi payer. Alors je soupire, je regarde le sketch. Parce que je n'ai pas d'autre chose à faire, étant donné que moi je désire payer. Et surtout que je peux le faire.
Il disparaît une seconde, j'en ai presque l'envie de me jeter sur la caisse et prendre sa place afin de me tirer au plus vite sauf que ... Je ne bouge pas. Je reste là. Et le mec revient. Baragouine un truc en italien. En mauvais italien. Bon d'accord, en fait, je n'en sais rien, je ne sais pas parler italien. Mais parce qu'il m'agace à bouffer mon temps, j'ai décidé. Gars, tu ne sais pas le parler. « Excuse-moi, tu parles anglais ? » Merde. C'est à moi qu'il vient de parler. " Euh ... " l'envie légère de me moquer. " Un poquito. " mais vu l'accent, ce n'est pas franchement difficile à deviner que... Je mens, le tout, en souriant. Fallait pas bouffer mon temps.

@Ace Chung

Un poquito. Instantanément, l'expression d'Ace se fondit en un air blasé. « Mauvaise langue. » qu'il lâchait. Puis un soupir lui échappa, alors qu'il oubliait déjà ce détail pour se concentrer sur l'essentiel, son urgence du moment. « Oublie ça. J'suis désolé d'te demander ce service, mais est-ce qu'il te serait possible de m'avancer le prix de cette pizza ? » disait-il en désignant celle sur le comptoir derrière lui. « J'dois apporter ça à quelqu'un mais j'ai laissé mon fric à l'hôtel voisin, et j'peux pas payer avec mon vieux téléphone naze. J'peux te rembourser immédiatement et t'faire un virement, sous ton nez, c'est pas un souci. C'est juste pour m'avancer. » demander un tel service, en vrai, ça le gonflait. C'était pas son genre de laisser son portefeuille derrière lui, mais entre le téléphone au début de son séjour, et ça maintenant, il se demandait franchement s'il ne commençait pas à perdre un peu la boule. Probable que la fatigue accumulée commençait à taper.

« Mauvaise langue. » Ca, tu vois, je le savais déjà. Et pour la forme, tu aurais pu faire semblant de me croire juste un tout petit peu. Jouer le jeu. Mais bon. Je ne vais pas te blâmer, t'es déjà l'idiot qui ne peut pas payer son addition. « Oublie ça. J'suis désolé d'te demander ce service, mais est-ce qu'il te serait possible de m'avancer le prix de cette pizza ? » Il y a un truc que je n'arrive pas à capter. A quel moment j'ai été désignée pour participer à son spectacle ? Ca m'allait bien, de regarder. Pour observer, je suis douée. « J'dois apporter ça à quelqu'un mais j'ai laissé mon fric à l'hôtel voisin, et j'peux pas payer avec mon vieux téléphone naze. J'peux te rembourser immédiatement et t'faire un virement, sous ton nez, c'est pas un souci. C'est juste pour m'avancer. » Oh woh. J'en reste interloquée. Je regarde autour de moi, d'abord, parce que je ne suis pas certaine d'avoir tout saisi. D'ailleurs, j'ai loupé un détail des plus importants. " Mais on se connait ? " Qu'on se le dise, je sais pertinemment que ce n'est pas le cas, mémoire infaible, tout ça. Néanmoins, je n'attends pas la réponse pour lui souffler. " C'est parce que j'ai une bonne bouille, tu te dis que c'est simple d'y annoter le mot pigeonne ? " Non, non, je ne veux PAS finir découpée dans un hôtel pour une foutue pizza. Maman, j'aurais dû rentrer, tu vois.

@Ace Chung

Elle le regardait comme s'il venait de balancer la connerie du siècle, et sur le moment, Ace eut envie de la jeter à la mer. Semblant même s'offusquer par ses remarques, Ace pouvait facilement comprendre pourquoi elle lui répondait de la sorte, mais il n'appréciait pas qu'on lui prête automatiquement des mauvaises intentions. « Pigeonne ? » répétait-il avec une grimace. « Non justement, j'me disais que t'avais plutôt la tête de quelqu'un qui sauterait du bateau pour sauver quelqu'un de la noyade, mais peut-être que non, tu penserais que cette personne veut tirer sur le string de ton maillot ? » Il soupira, conscient que ce qu'il disait était vraiment tordu. Il montra alors son téléphone. « Là, directement, sous tes yeux, je te rembourse, je te fais même le virement avant que tu débourses le moindre fric. Je veux juste payer cette pizza, et après je me casse, tu m'vois plus, on s'ignore, et c'est tout ! » Pas sûr que son ton soit des plus convaincants, tristement. Qui aurait envie d'aider un mec qui s'exaspérait qu'on ne l'aide pas ?

J’arque les sourcils lorsqu’il me répète ; « Pigeonne ? » oui, c’est bien ce que j’ai dit, je pensais que le mot n’était pas franchement compliqué. Pigeonne, autrement dit, tu me prends pour une conne. « Non justement, j'me disais que t'avais plutôt la tête de quelqu'un qui sauterait du bateau pour sauver quelqu'un de la noyade, » Oula, il faut que je travaille mon image, parce que clairement, je suis plutôt le genre à laisser les gens se noyer, à ne jamais me mouiller, je suis bien, tu sais, derrière mes écrans, devant mes cahiers, « mais peut-être que non, tu penserais que cette personne veut tirer sur le string de ton maillot ? » Euh. Joker ? A deux doigts de lui demander ce qu’il a bouffé en plus de la pizza. « Là, directement, sous tes yeux, je te rembourse, je te fais même le virement avant que tu débourses le moindre fric. » Il parle en montrant son écran, et je décoche une œillade dessus, rapidement, « Je veux juste payer cette pizza, et après je me casse, tu m'vois plus, on s'ignore, et c'est tout ! » Mais il y a un problème avec moi, c’est que, comme les autres, je ne fonctionne pas, alors au lieu de sortir l’argent, je demande, d’une petite voix, « Parce que tu tires souvent sur les strings des maillots ? » Ca ne fait toujours pas de sens, excuse moi. « Bon ok. » J’arrête de m’amuser, elle vaut combien, ta fichue pizza ? Que je redevienne invisible, je suis meilleure quand c’est le cas.

@Ace Chung

Visiblement, sa métaphore était... tombée à l'eau. Ace la regarda, incrédule, alors qu'elle prenait au pied de la lettre l'exemple qu'il avait présenté pour souligner l'absurdité de sa méfiance à son égard. Et peut-être que c'était cette expression faciale salement confuse qui fit que la jeune femme devant lui céda finalement à sa requête pour le dépanner, le prenant ainsi par surprise. Sourcils levés, il se décala légèrement. « Ah, euh... » Il regarda le montant affiché sur la machine, alors que le caissier, les bras croisés, les fixait d'un air royalement dépité ─ et nul ne pouvait le blâmer pour ça, vraiment. « Quatorze euros quatre-vingt-dix-neuf...» répétait Ace après avoir vérifié le montant. L'irritation d'avoir eu face à lui une réaction un peu étrange venait d'être balayée par le malaise de se voir offrir la pizza parce qu'il avait oublié son porte-monnaie. « ... et je tire aucun string de maillot. Sauf quand on me le demande. » jugea-t-il utile de préciser en soupirant.