In queste notti bruciate ─ Enolace

Les emplois du temps n'avaient pas facilité la tâche, et la tête d'Ace non plus. Il s'était fait plus discret, avait tenu ses distances, mais finalement, il avait proposé à Enola de le retrouver dans les rues en dehors de Raguse pour explorer le coin. Et si au début ce fut calme, ils tombèrent rapidement sur une petite fête privée par les habitants fêtant les 50ans d'un de leurs copains. Les locaux, bien lancés dans leur soirée, invitèrent le duo à les rejoindre, allant même jusqu'à les pousser à l'intérieur du grand jardin. Une fête de campagne, au milieu de nulle part, des guirlandes tirées entre les arbres et les volets alors que sur les tables de pic-nique, des gobelets en carton traînaient dans tous les sens avec tout un tas d'alcools divers. Au début un peu réticent, plus pour Enola que pour lui, Ace finit par bien se mêler aux autres. Sourire était obligatoire pour éviter d'inquiéter avec sa gueule encore un peu abîmée ─ quand bien même elle avait entièrement désenflé. Alors il but un verre, puis un deuxième ; alpagué par les autres hommes de la soirée qui voulaient absolument avoir son avis sur tout un tas d'alcool différents, ce fut vers Enola qu'il trouva refuge, sa main glissant vers son poignet pour l'attraper et l'attirer vers la piste de danse. « Ssshhh... me dit rien ! Je sais que je sens l'alcool ! » riait-il à moitié. « Danse avec moi sinon ils vont me faire boire encore plus ! »

Le mois avait trop vite filé. Elle en a, dans la bouche, un goût de pas assez. Et aucune once envie de rentrer en elle. Alors c’est pour ça que ce soir, elle s’est laissé entraîner par Ace, par la douce folie de sa jeunesse. Sans trop savoir comment, il a fait prendre à leur amitié un nouveau tournant, ce Summer Camp. Quelque chose de plus profond. Plus important. Même si leur promenade nocturne est en train de tourner à une soirée alcoolisée plutôt rythmée. Une chose qui ne la dérange pas, enfin pas vraiment, alors qu’elle est en train d’essayer de parler avec quelque italiens. « Ssshhh... me dit rien ! » Elle se laisse surprendre par la main qui enserre son poignet, l’accueille d’un regard amusé et faussement suspicieux, « Je sais que je sens l'alcool ! » C’est un fait, oui. Parce qu’il a bu beaucoup plus que la trentenaire qui elle doit être à deux ou trois verres. « Danse avec moi sinon ils vont me faire boire encore plus ! » Et parce qu’il l’a déjà entraînée avec lui, elle lui offre un sourire en prémices de sa réponse ; « Si c’est pour t’éviter un coma alors… » elle y est bien obligée. Mais elle se fond en un rire un tantinet gêné pour lui souligner, « je ne sais pas danser sur ça. » Ce n’est pas très vrai, mais c’est pour excuser son hésitation à la proximité.

@Ace Chung

La blonde le suivait, plus par la contrainte qu'autre chose, mais elle ne lui offrait pas tant de résistance non plus. Juste assez pour ne pas être trop proche ─ ce qu'Ace remarqua avec un froncement de sourcils d'ailleurs, une expression de désaccord sur le visage. Elle prétextait ne pas savoir danser sur ça, mais lui pensait que c'était autre chose. « J'sens aussi mauvais que ça ? » Pour illustrer son propos, il tira sur son t-shirt pour le sentir ; et ce simple mouvement de tête lui permis de voir du coin de l'oeil qu'un homme s'avançait vers eux, un nouveau verre à la main. « Merde ! » lâchait-il. Il attrapait une nouvelle fois la main d'Enola et se faufilait dans la foule pour disparaître dans la masse, la guidant jusque derrière un mur où il s'arrêta. Il la plaça alors à côté de lui et, dos contre le mur, se pencha légèrement pour vérifier où se trouvait son harceleur. Il sortait de la foule et Ace se redressa rapidement, le doigt sur les lèvres pour indiquer de ne pas faire de bruit, alors qu'en vérité, il commençait à déjà bien rigoler, trop amusé par la situation et l'idée d'être pourchassé ainsi. « Il est parti ? » finit-il par demander, indiquant d'un mouvement de tête qu'il voulait qu'elle regarde à sa place.

« J'sens aussi mauvais que ça ? » L’exagération dans ses gestes provoque un rire tendre chez Enola, cette façon qu’il a de tirer sur son t-shirt, de tenter de se faire plaindre alors qu’il est le seul à en avoir tiré cette conclusion… Et puis tout s’accélère dans la situation. « Merde ! » La piste de danse n’est plus qu’un lointain souvenir, puisque très vite, il accroche à nouveau la paume de la blonde pour l’entraîner à travers les personnes en train de danser, de profiter, un mélange savant de rire, de joie, de vie, n’est-ce pas ?

Pour qu’ils se retrouvent à l’abris des regards, Ace un doigt sur ses lèvres pour l’inviter au silence, et elle, à arquer les siennes, roulant des yeux vers le ciel. « Il est parti ? » Missionnée donc afin de vérifier s’ils sont libres de s’en aller ou s’il va encore devoir se sacrifier et boire pour elle cet alcool qu’ils semblent tant apprécier. De fait, elle s’avance, tout comme lui avec son parfum, elle exagère dans le mime de la discrétion, et puis, sans voir l’individu recherché, Enola articule, « Je crois que tu es sauvé ! » mais reportant son regard sur lui, elle se fait sérieuse, « On devrait peut-être rentrer. » raisonnable, à moitié, puisque de toutes les façons, il faudra le faire à pied. Donc la soirée n’est pas terminée.

@Ace Chung

Parti ? « Aaaah... » Et les genoux d'Ace flanchaient alors qu'il glissait contre le mur, soulagé d'avoir semé l'homme qui le faisait boire depuis le début de la soirée. Cela dit, il n'était pas vraiment malheureux de son châtiment, le Ace. Il avait bien bu, bien rit, bien profité ; et on l'avait bien observé aussi. Frimeur comme il pouvait l'être, les oeillades des mères italiennes l'avaient fortement amusé ─ et Enola en jolie blonde, avait aussi arrêté des regards.
Se prenant la tête dans les mains, il se mit à geindre à l'idée de rentrer, désapprouvant très ouvertement ce choix, mais ne répondit pas immédiatement. Malgré son état, il réfléchissait, au moins un cours instant ; avant de relever le nez depuis sa position en contrebas, pour regarder Enola. « Non. » Le "non" était ferme, décidé ; surtout, sincère. « J'ai envie de danser avec toi, si on s'en va, y'a plus d'musique. » Et comme s'il se lançait une mission, Ace se releva tranquillement, l'esprit carburant pour... certainement rien. « Mais si on retourne sur la piste de danse, l'autre me retrouvera et j'vais finir par terre ! Et j'suis lourd, t'arriverais pas à me porter pour me ramener ! » Parce qu'Enola n'aurait sûrement pas d'autre solution, mais bien sûr. « Qu'est-ce qu'on fait ? » lui demandait-il comme si elle avait forcément la solution au problème.

L’alcool l’aidant, il réagit de façon démesurée, ce qui fait sourire la blonde face à ce soulagement outrancier. Et tout en secouant le visage, bercée par son amusement, elle attend qu’il accepte de rentrer, sans se douter que cette attente, c’est vaine, qu’elle est. Les secondes s’étirent tandis qu’il geint de mécontentement, et elle l’assimile – malgré elle – à un enfant qui serait un tantinet trop gâté. Heureusement qu’elle sait comment il est, lorsqu’il est sobre et qu’il arrive à correctement penser. « Non. » Elle en reste bouche bée par son ton, se fait violence pour entendre son explication, « J'ai envie de danser avec toi, si on s'en va, y'a plus d'musique. » elle en craque un rire, parce que pour le coup, elle l’avoue, elle ignore ce qu’elle doit lui dire, à la lisière d’être perturbée par tant de sincérité, « Mais si on retourne sur la piste de danse, l'autre me retrouvera et j'vais finir par terre ! » ou alors peut-être que c’est à lui qu’Ace devrait articuler un Non, ou plutôt c'est ce qu'il aurait dû répondre plus tôt, entre le sixième et septième verre de limoncello, « Et j'suis lourd, t'arriverais pas à me porter pour me ramener ! » de tous les arguments du monde, elle croit que c’est le pire celui-là. « Qu'est-ce qu'on fait ? » A la vérité, elle n’en sait rien, si bien qu’elle soupire parce que les solutions sont limitées. « Ace… » qu’elle balance, un brin moralisatrice, tentative de faire revenir en lui son côté raisonnable, « on ne va pas se mettre à danser là. » elle décide en levant les bras pour tenter de démontrer le ridicule de cet endroit, de cet instant.

@Ace Chung

Enola prononçait son nom, et le jeune homme ivre l’observait attentivement, prêt à boire ses paroles, à entendre la solution à leurs problèmes. Mais à la place, elle semblait remettre en question ses envies, la situation, sa maturité, presque ; alors il s’offusqua un peu, râlant. « Et pourquoi pas ? » Une main appuyée sur le mur derrière lui, Ace reprit de la hauteur, les jambes se dépliant à mesure qu’il se redressait. « J’pourrais danser avec toi sur le son des criquets, en vrai. Ma tête me suffit pour imaginer la musique, mais toi tu l’entendrais pas. » Titubant juste un peu, la remontée de son corps ayant causé un léger vertige et déséquilibre, il se tenait bien au mur, mais ne semblait pas dans le mal pour autant ; c’était juste que la stabilité n’était pas idéale. Ace jetait un coup d’oeil vers la fête, puis tournait à nouveau la tête vers Enola. « Mais t’as peut-être pas envie de danser avec moi. » qu’il lâchait. Et cette fois-ci, le regard était étrangement sérieux. Il ne se l’expliquait pas, mais le souvenir de certains messages d’Enola lui revenait en mémoire et il soupira, les sourcils se levant en même temps qu’il lui offrait un demi-sourire. « J’suis trop jeune pour toi, hein ? »

« Et pourquoi pas ? » Pour le coup, elle se doit d’être honnête, elle n’a pas de véritable explication, si ce n’est le fait qu’elle ne maîtrise plus la situation. « J’pourrais danser avec toi sur le son des criquets, en vrai. » Et c’est plus fort qu’elle, elle craque un sourire face à cette éventualité, cette révélation grisante d’honnêteté, « Ma tête me suffit pour imaginer la musique, mais toi tu l’entendrais pas. » Peut-être, c’est vrai. Elle devrait probablement s’inventer la sienne, et elle n’est plus certaine du tempo qu’aurait celle-là. Plus sûre du rythme que tu veux, Ace, n’est-ce pas ?

Alors elle préfère se mordre l’intérieur de la joue plutôt que d’argumenter… Jusqu’à ce qu’il reprenne, lui coupant l’herbe sous le pied. « Mais t’as peut-être pas envie de danser avec moi. » C’est un peu plus compliqué, du coup elle serre les mâchoires, un tantinet irritée. « J’suis trop jeune pour toi, hein ? » Comme une claque que, quelque part, elle attendait. Parce que même si elle faisait semblant, elle ne pouvait pas ignorer l'évidence. Les regards, les sourires... l'attirance.

Trop jeune. Trop libre. Et elle, trop engagée. Dans une autre vie, dans d’autres circonstances, au milieu d’un tas de « si » et d’un millier de « peut-être ». Les suppositions s’insinuant dans son esprit, tous les possibles mélangées, si elle n’était pas elle et s’il était un autre que lui, tandis qu’elle se dédouane, qu’elle n’assume pas, elle feint de ne pas comprendre le sens de ses mots, pour préserver leur amitié, et s’entend lui demander, « Parce qu’il y a un âge limite pour danser ? » Elle est plus vieille, certes, mais ça ne veut pas dire qu’en relations humaines, Enola est plus douée. Au contraire, elle se sait plus que capable de les abîmer.


@Ace Chung

Tout ça, c'était une évidence. Ils se tournaient un peu autour, lui bien plus qu'elle, et ça aurait crevé les yeux de quiconque les aurait observé dans chacune de leurs interactions. Ace, pourtant pas timide sur ses attirances et les sous-entendus, se montrait plus réservé avec elle, soucieux de protéger ce qu'ils partageaient ; et pourtant là, il exprimait plutôt clairement qu'il y avait une barrière entre eux qui existait. Une barrière évidente, qui laissait bien entendre que si elle n'avait pas existé, ils n'en seraient probablement pas là.
Ace soutint son regard, aussi longtemps qu'elle prit le temps de réfléchir à sa question, la laissant peser le pour et le contre. Il s'attendait à des explications, un rejet couvert d'excuses pour faire passer la pilule. Rejet qui ne vint pas, et ça le surprend. Alors progressivement, un sourire plus franc s'étire sur ses lèvres, et il entrevoit une porte qu'il pensait fermée s'entrouvrir. Juste un peu. Très légèrement. Mais suffisamment pour qu'il tende la main vers elle, n'initiant pas de rapprochement entre eux malgré l'envie. « Aucune. » Il inspira, sa posture se redressant en même temps. « Enola, m'accordes-tu cette danse ? » demanda-t-il, une pointe d'espièglerie dans le regard, mais aussi dans l'intonation de sa voix. Il se fichait bien des regards, des jugements, ou du fait qu'elle ait un homme dans sa vie. Il n'attendait rien d'elle, ni appréciation, ni affection, convaincu que quoiqu'il se passe, il y aurait toujours cette infranchissable barrière. Mais si ponctuellement, elle le laissait en profiter, alors il n'allait pas s'en priver.