Press pause

Sienna ne sait pas vraiment comment la vie a pu la mener là dans cette chambre d'hôtel, prête à tester des substances illicites mais si on lui avait dit il y a une semaine, elle aurait tout simplement ri au nez de la personne. Lasse des disputes à répétition et de voir sa famille se fâner petit à petit, elle cherche simplement un moyen de respirer un peu mieux, de ne plus être angoissée en permanence. Consciente que l'alcool rend les lendemains un peu trop difficile, elle finit par laisser sa curiosité parler et contacte son ancien colocataire, lui indiquant être prête à tester... ses passe-temps. Pas n'importe lesquels : Sienna est angoissée, pas suicidaire et elle ne connaît que trop bien les effets de la drogue sur le cerveau et le corps humain pour avoir envie de se lancer là-dedans. Dans le cadre de son poste d'officier, elle est amenée à voir tout un tas de choses et à savoir tout un tas d'informations sur les drogues, de quelque nature qu'elle soit, que les gens ne soupçonnent pas. Elle s'y connaît sans doute moins que les médecins addictologues mais elle a tout à fait conscience des conséquences que cela pourrait avoir sur son organisme voire même sur sa vie, si elle venait à devenir addict. Alors, Sienna se le promet, il n'y aura que cette fois, et la fois avec Kyro et après elle se resaisira, n'y touchera plus jamais. Il est juste question d'avoir un coup de main dans une période difficile de sa vie, pas de rendre la consommation de drogues - elle ne sait même pas celle que Horace a en tête - quelque chose de son quotidien. Après tout, les vacances ne sont-elles pas faites pour de nouvelles découvertes ? "Je te préviens, je vais avoir douze mille questions." lui indique-t-elle, une fois qu'il l'a acceuilli à l'intérieur. Si Sienna est prête à mettre entre parenthèses quelques-uns de ses principes, elle n'en reste pas moins elle-même, stressée de nature et à avoir besoin de toutes les informations sur ce qu'elle va faire : de quoi s'agit-il ? comment sait-il qu'il n'y a pas de merde dedans (enfin de trop grosses merdes) ? comment doit-elle s'y prendre ? dans combien de temps les effets seront là ? Des questions auxquelles elle pense déjà avoir la réponse mais une petite confirmation de quelqu'un de plus habitué qu'elle ne feront pas de mal.

Okay, j’suis trop excité par le truc ; non pas qu’être là pour la première conso de quelqu’un, soit quelque chose de gratifiant, ou même quoique ce soit de positif d’ailleurs, mais elle, toi Sienna, dans tous les scénarios, y en a aucun où tu finissais par céder. En plus ici. En plus avec moi. Dans notre dynamique de colocs, disons que le sujet est récurrent, et n’est pas celui où un accord est possible. J’fais de mon mieux pour ne pas en laisser traîner, pour fumer à la fenêtre, et j’ai jamais autant lavé mes draps. Pas prêt à arrêter. Encore moins prêt à quitter cet appartement. J’me suis installé, et ça y est, l’habitude est là. J’veux pas retourner sur un canapé, un coin de lit, ou l’un des recoins du Dionysos. J’me suis habitué à avoir ma serviette dans une salle de bain, avec tout mon bordel, réparti entre cette pièce et ma chambre. Ma, chambre. C’est surement désuet pour la plupart d’entre vous, mais pour moi, pouvoir déposer un pseudo cadre, ou entreposer mes tenues sur des cintres, et un confort inhabituel. Qui vaut tous les aménagements. Quelques entorses, quand la soirée est devenue matin, que les pas s’emmêlent et que j’oublie que j’ai une flic comme partenaire de numéro d’appart’. Et, possiblement, qu’elle peut me virer assez facilement, n'apparaissant nul part. Je n’existe que dans ma carte d’identité, oubliée dans un placard. Alors, voilà, comprenez que je trépigne. J’pousserai pas le truc, mais ne comptez pas sur moi pour la raisonner. Pour raisonner qui que ce soit, d’ailleurs ; moi le premier. J’suis passé par le bar, j’ai pris une bouteille de vin italien, nettoyé deux verres, et vérifié que j’avais ce qu’il faut. Du soft, et un peu moins. Le SC, un magasin. Tu frappes, je t’ouvre, et t’ôte à peu près tout le fun de la situation en une phrase. J’en soupire, la fin du souffle laissant passer un fin sourire, amusé tout de même. “Rends pas ça chiant, et scientifique, et..” La tête secouée, s’arrête là, te laissant déambuler dans la chambre. Rangée. Quand je dis que j’ai fait des efforts. “L’idée c’est justement que t’arrêtes de te poser quinze questions à la seconde, au moins pendant une soirée.” T’auras tout le loisir demain de te reprendre la tête. J’sais que je peux compter sur toi là-dessus. “T’es juste là pour kiffer le truc.” Pourquoi j’ai l’impression que c’est quelque chose que t’as du mal à faire ? Ca tombe bien, c’est ma spécialité, le lâcher prise. Les lèvres, traçant un sourire plus franc. “T’es en sécurité, et le pire qui puisse arriver, c’est que t’ai envie d’en reprendre.” Ce qui n’est pas franchement un problème, j’ai un peu de stock. “Ou que tu me trouves encore plus beau que d’habitude, mais ça..” Le rictus est léger, le sarcasme lisible. Prends ça aussi légèrement que ça l’est, Sienna.

Sienna a envie de rebrousser chemin, se dit qu’elle va regretter sa décision, surtout de consommer avec lui et qu’il va lui balancer à la moindre occasion, dès qu’elle râlera sur l’état de sa chambre, et pourtant : il n’y a pas une seule autre personne sur terre qu’Horace qu’elle choisira pour la première fois où elle va goûter à plus que de la beuh fumée en cinq minutes derrière le lycée pour pas se faire gauler. Ses principes, certains y voient une vocation, se disent qu’elle ne veut pas y toucher parce qu’elle considère que c’est mal et Sienna se donne bien ce rôle-là, mais ce n’est pas la drogue en elle-même qui l’inquiète, c’est la dépendance et la spirale dans laquelle elle peut vous mener, les choses qu’on peut y mettre et qui vous font valser. Si on lui donnait l’opportunité d’en prendre sans les dangers, pas une seule seconde elle n’aurait hésité. Alors, même si c’est une personne avec qui elle aime plus s’engueuler qu’autre chose, Horace est aussi la seule personne qui remplit les trois critères suivants : elle ne le décevra pas en consommant, il ne la jugera pas et il s’assurera qu’il ne lui arrive rien. Alors, même si elle panique (un peu), elle frappe à sa porte et pénètre directement à l’intérieur quand il rentre. “Hey, t’es vachement exigeant quand tu t’y mets Dawson.” râle-t-elle, à moitié, quand il lui demande de ne pas rendre ça chiant. Elle arque un sourcil surpris quand elle constate l’état de la chambre, rien à voir avec celle de sa chambre de ce qu’elle peut apercevoir quand il la laisse la porte grande ouverte. Sienna sourit en voyant la bouteille de vin : “J’aurai pu ramener quelque chose…”, même si elle aura d’autres façons de lui revaloir une fois rentrée à domicile.
Sienna pouffe doucement en l’entendant parler de le trouver plus beau encore que d’habitude (moins quand il parle d’en reprendre, mais elle se tait ayant bien compris le message). “Je peux pas te trouver plus beau que je ne te trouve déjà beau, Apollon.” le charie-t-elle avant de s’asseoir sur son lit pour retirer ses chaussures. “Ecoute mes questions avant de râler. J’veux savoir si tu l’as déjà pris avec ce dealer-là, combien de temps ça met pour faire effet, combien de temps ça fait effet et comment je fais pour limiter les effets désagréables.” Il y en a toujours, parait-il, même s’ils sont moindres. Ok, ça fait beaucoup de question en y réfléchissant, mais ça pourrait être pire, non ? Une fois ses chaussures retirées, elle se relève et dit : “J’commande des pizzas et t’ouvres la bouteille ? J’ai faim.” Et pour une fois que les pizzas commandées sont un vrai régal… “Promis, j’vais pas me défiler.” précise-t-elle, un peu plus sûre d’elle maintenant qu’elle se trouve réfugiée dans cette chambre, qui n’a pourtant rien d’un bunker, même aménagé.