Pierre qui roule n'amasse pas mousse (Eowyn)

Le match de waterpolo contre lee Biscotti Rebelli t'avait permis de retrouver Eowyn, que tu avais également perdue de vue depuis plusieurs mois. Tu avais l'impression que c'était l'histoire de ta vie, ces derniers temps, de perdre tout le monde de vue, et tu étais content de constater que ce summer camp te permettait d'atteindre un de tes objectifs, à savoir sortir de ton trou et penser un peu à autre chose qu'à tes problèmes. Il faut dire que ta vie avait radicalement changé au point que tu avais failli en perdre ton latin, et tu comptais sur ce séjour en Sicile pour te ressourcer et surtout te retrouver. Tu ne t'étais jamais autant servi du traducteur pour te faire comprendre dans ce pays dont tu étais originaire de par ta grand-mère maternelle mais ce n'était pas grave, tu t'amusais bien quand même. Tout naturellement tu avais proposé à Eowyn d'aller vous promener dans le parc national de l'Etna où tu espérais avoir l'occasion de prendre une tonne de photos du volcan mais pour y accéder il fallait prendre l'autocar. Le soleil tapait fort à cette heure-ci de la journée et tu te disais que faire la promenade en plein cagnard n'était sans doute pas l'idée du siècle. Il n'y avait même pas un pet de vent pour vous rafraîchir et les ventilateurs à main avaient une efficacité limitée. Il fallait donc prendre son mal en patience, le temps du trajet. Tu n'étais pas un cadeau pour les passagers du bus qui allaient devoir te supporter toi et ton hyperactivité. Tu étais pire qu'un gosse et contrairement à eux, aucun puzzle ne pourra te distraire. Tu regardais partout autour de toi  dans l'espoir que vous arriverez bientôt. Tu y croyais d'autant plus que l'autocar ralentissait pour finalement s'arrêter. "On est arrivés?" Tu t'enquis, en levant la tête pour voir ce qui se passait. Mais à en croire les expressions perplexes des passagers du bus, ça n'avait pas l'air d'être le cas. Le guide qui accompagnait votre groupe prit alors la parole et annonça qu'en raison de l'éruption récente de l'Etna les routes étaient bloquées par des roches volcaniques et que tout le monde travaillait d'arrache pied pour dégager la voie. "La poisse continue." Tu soupiras, faisant allusion à la série de mésaventures que tu avais vécues jusqu'à présent. "On serait encore au Harvard Crimson j'aurais dit que ce serait un bon sujet pour faire un papier." Tu dis alors à l'ancienne rédac' chef du journal étudiant. "À défaut d'en faire un article on peut peut-être aller donner un coup de main? J'ai envie d'aller voir ce qui se passe." La curiosité finissait par reprendre le dessus, toujours. Au point où vous en étiez, tu préférerais aller te dégourdir les jambes plutôt que de poireauter ici. Ce n'était pas comme si vous aviez beaucoup d'autres options, le bus ne pouvait pas faire demi-tour car la route était trop encombrée, que ce soit devant à cause des cailloux ou tout autour à cause de la mêlée de véhicules et de gens  qui s'étaient arrêtés là.
@Eowyn Clark

L'autocar s'était arrêté et ne pouvait plus avancer pour le moment et pour cause, les roches volcaniques obstruaient le passage. Pour toi, il était absolument hors de question que tu restes dans le bus, d'autant plus qu'il n'était pas climatisé et c'était un coup  à crever de chaud. Alors, même si tu ne servais pas à grand-chose parce que tu ne pouvais pas porter des charges trop lourdes, tu voulais au moins te dégourdir les jambes. À peine sorti du bus que tu sentis l'odeur caractéristique du soufre, très présente dans l'atmosphère. L'odeur âcre te dérangeait ce qui te fit tousser - tes poumons étaient toujours fragilisés depuis l'effondrement du TD Garden où tu avais respiré le nuage de poussière. Par réflexe tu te couvris le bas du visage pour te protéger des émanations. "Rien ne nous empêche de le faire." Tu soulignas quand Eowyn évoqua préférer prendre des photos pour un article. "J'ai toujours le mien à portée de mains." Tu désignas l'appareil photo qui pendait à ton cou. Tu avais mis une nouvelle pellicule ce matin et une fois rentré, tu devras prendre le temps de les développer mais tu ne l'avais plus, ce temps si précieux. Tu n'avais plus le loisir de t'isoler dans la chambre noire autant que tu le voudrais. Tu soupiras en entendant la question d'Eowyn, qui te semblait inévitable. Tu ne savais jamais quoi répondre à cette question et tu ne savais pas ce qu'elle voulait savoir en particulier. "Ces derniers mois ont été...compliqués." Tu commenças, sur la réserve. "Je suis venu ici pour me retrouver et faire le point sur ma vie et ce que je veux pour la suite." Que ce soit au niveau professionnel ou au niveau personnel, d'ailleurs. "Tu es revenue il y a combien de temps?" Tu t'enquis, parce qu'il est vrai que tu ne savais pas qu'elle était revenue avant de l'apercevoir au match de waterpolo, ce qui t'avait motivé à vouloir prendre le temps de discuter avec elle.

Tant de choses avaient changé depuis la dernière fois que vous vous êtes vus. La preuve, elle parlait du Harvard Crimson comme si tu en faisais encore partie. "Il faudra proposer l'idée à ceux qui nous succéderont au journal." Tu dis à la rousse, tout en te disant que vous aviez en effet beaucoup de choses à rattraper. Cela tombait bien, vous pourrez le faire le temps que vous étiez coincés ici. "J'ai terminé mes études au mois de juin." Que ce soit la Adams ou le journal, ce n'était plus vraiment de ton ressort. En septembre, tout allait être différent, tu devras commencer à trouver un job. Ta vie était sens dessus-dessous et tu essayais tant bien que mal d'y voir plus clair. "C'est la crise de la trentaine, ouais." Tu dis, restant volontairement évasif parce que tu n'avais pas envie de parler de ça, pas alors que tu étais supposé nager dans le bonheur. Tu n'avais pas envie t'épancher sur les problèmes que tu avais laissés à Boston, tu avais déjà le loisir d'y réfléchir quand tu étais seul le soir, dans ta chambre d'hôtel, loin de l'effervescence de tes journées trépidantes. Tu réalisas alors que c'était le deuxième été où tu voyageais sans elle, que quelque part, ça ne te manquait pas, parce qu'elle n'était pas emballée à l'idée de venir en Sicile et tu n'aurais pas pu profiter totalement si tu l'avais vue faire la gueule pendant tout le séjour. Heureusement pour toi, Eowyn venait de changer de sujet pour parler de son aventure New-yorkaise. "C'est aussi surcoté que ça?" Tu t'étonnas, un peu surpris. Tu connaissais pourtant beau de monde qui ne juraient que par la grosse pomme. Comme quoi...Ton ancienne collègue expliqua alors pourquoi elle avait aussi peu apprécié son séjour. "J'imagine bien que ce soit anxiogène." Tu dis alors, songeur. "Tu avais donc l'impression...d'étouffer?" C'était après tout ce que tu ressentais quand tu restais trop longtemps au même endroit, tu avais rapidement envie, voire besoin, de changer d'air, viscéralement.

Tu restais persuadé que la remise des diplômes avait été gâchée par le saccage du bal les semaines précédentes, au point que certains avaient craint que les auteurs de ces actes de vandalisme viennent aussi jouer les troubles fête en ce jour si important pour les étudiants sortants. Fort heureusement rien de tel n'était arrivé et votre cérémonie de remise des diplômes s'était faite sans anicroche. C'était un jour que l'on passait généralement en famille. Ta mère avait fait le déplacement et représentait le reste de la famille. Elle était aussi venue pour Adelaide qui avait fini de son côté aussi. La bonne nouvelle, elle ne s'était pas forcément ébruitée, il faut dire que tu avais le triomphe modeste et tu n'étais pas du genre à te vanter de tes réussites, aussi il n'était pas rare que tu en parles plusieurs mois après. "Merci!" Tu répondis chaleureusement lorsque Eowyn te félicita. "Je fais partie du club maintenant." Le club très fermé de ceux qui avaient votre poste au journal tout en ayant un mandat à la présidence de vos maisons respectives. "J'ai des pistes, oui." Tu répondis en toute franchise. " Déjà l'année dernière j'avais été approché par la radio locale qui voulait m'embaucher en tant que chroniqueur pour une émission qu'ils comptaient sortir à la rentrée, le projet avait été mis en stand-by parce qu'entre les études, la Adams, le journal et ma vie perso, je n'avais pas de place pour ça en plus." Bien que tu adorais être occupé, toujours en mouvement, tu n'étais pas un surhomme non plus, tes journées ne duraient que vingt-quatre heures comme tout le monde. Plutôt que de t'épancher sur ta vie perso qui ne t'apportait pas entière satisfaction, tu préférais écouter les aventures New-yorkaises de la rousse. Évidemment, tu avais grandi à l'abri du besoin et tu n'imaginais pas ce que c'était de vivre dans un clapier à lapins avec à peine de quoi boucler les fins de mois. À moins que ta famille finisse par faire faillite - ce qui était hautement improbable - tu ne risquais pas de connaître cette situation même si tu aspirais à vivre sobrement, sans avoir des dizaines de propriétés où tu n'iras jamais ou des possessions inutiles. "Même quand on a les moyens de vivre dans des appartements de luxe ou dans une propriété aux Hamptons, ça reste une grande ville recouverte de béton, avec un rythme infernal et des embouteillages à ne plus finir." Ce n'était pas bien difficile de comprendre que tu ne viendrais pas y vivre mais passer quelques jours de vacances, pourquoi pas? "De toute façon, les hot-dogs, les cheesecakes et les cupcakes c'est le meilleur truc qu'on puisse trouver à New York." Forcément quand il était question de bouffe tu devenais incollable à ce sujet, tu avais à cœur de goûter les spécialités de chaque endroit que tu visitais et la Sicile ne faisait exception.