survive the torment - Naïm

Londres. 13 août. Restaurant. -- tw : deuil -- @Naim Wolford -- « c'est qui cet enfer » mâchoire serrée, regard noir sur le plat apporté par le serveur. Vulgaire poêlée de légumes avec un bout de poulet au milieu, ont osés appeler ça "les meilleurs tajines de Londres." Envie folle de les insulter, de monter en cuisine pour leur montrer la vraie recette. Restaurant préférée de la mama, avant son rachat l'année dernière par des incompétents. Déçue, tu te retrouve sans appétit face à ton frère. Arrivés hier soir, premier moment passé ensemble avant d'affronter "l'anniversaire" de sa mort. La tête qui a du mal à sortir de l'eau. Toujours beaucoup trop sur les nerfs.

@Nour Sharp -- l'restaurant e la mama. son préféré. celui où elle aimait, passer des heures à discuter. plus fidèle cliente du quartier. c'était là, qu'on mangeait les meilleurs tajines de londres, selon elle. même si toi, tu l'savais, que le meilleur c'était le sien. attachée aux racines, les siennes, les vôtres. et la fourchette dans la main, peine à rejoindre les lèvres. l'calme plat, trahis par la télé allumée, match de foot pour fond sonore. métal touche la table, les doigts jette cette cuillère dans le mouvement lasse de la main. c'est de la merde. les deux bourdons, dégoutés. orbes se relèvent vers nour. rassemble toute ta compassion pour lui donner par l'regard. maintenant c'est officiel, c'est le sien le meilleur. sourire sur les lèvres, tente d'apaiser.

@Naim Wolford -- boule dans la gorge face à ce plat que tu veux même pas gouter. Amplifiée par Naim qui vient mettre des mots sur tes pensées.  « pour toujours » les larmes qui menacent de venir s'engouffrer sous tes paupières alors que tu fermes les yeux un moments pour soupirer. Te contient. La recette que t'as toujours suivie à la lettre, elle qui te l'a apprise. Sans jamais réussir à atteindre sa perfection à la mama.  « j'mange pas ici » que tu reprends, fixant Naim cette fois ci de ton regards le plus à vif. A fleur de peau. Prête à craquer à tout moment, les souvenirs entachés. Douloureux.

@Nour Sharp -- les orbes se croisent. se mettent d'accord, sans se parler. pas ici. pas ce sacrilège en sa mémoire. chaise brillante sur le carrelage quand tu te lèves. le corps s'avance au comptoir, payer votre part. l'air frais, la rue où tes poumons retrouvent oxygène. soupire s'extirpe des lèvres. ok, tu veux aller quelque part de spécial ou tu m'suis ? un programme, prévu. retrouver vos marques, les quartiers. où elles ont vécu, elles. où les souvenirs sont gravés. phalanges se glissent entre les siennes, marque ta présence, pour la rassurer, lui dire que t'es là, maintenant, toujours.

@Naim Wolford -- t'as comprise en un regard, Naim. Se lève pour payer votre maigre repas, pendant que tu sors du restaurant sans un seul regard. Le sac à main en bandoulière sur l'épaule, hume l'odeur de cette ville portée par les bourrasques de vent. N'est plus la même, sans elle. Angleterre qui a perdue de sa savoir à tes yeux depuis le départ de votre mère. La boule dans la gorge qui menace d'exploser lorsqu'il demande ce que tu préfère, glissant sa main dans la tienne. Les yeux humides qui observent le contact en silence. Les doigts que tu pressent contre ceux de Naim, peur qu'un jour il s'en aille lui aussi.  « comme tu veux. du moment qu'on évite tu sais où » La maison de ton père. Douleurs au creux du sternum à l'idée d'y remettre un pieds, trop de souvenirs omniprésents là bas et pas les bons.

@Nour Sharp -- l'antre des enfers, pour elle. pour toi, moins, c'est certain. pas vécu la bas, dans les griffes infernales. où l'alcool sert de febreze, où les cadavres de bouteilles de legos, au sol. pas la vie idéale d'une gamine, ça. pas la vie idéale pour ta mama. mais tu l'embarques avec toi. doigts entremêlés, les couleurs réchauffées de vos dermes se mélangent. ok y'a un truc pas mal. les rues défilent, sous vos pieds. regards se perdent sur les bâtiments qui ont tous changés. rien n'est pareil et pourtant, rien de différent. corps s'avance devant l'épicerie, primeur, il fait tout. même les coques de téléphones sous le comptoir. le boui-boui, parfait. celui qui fait peur, celui où tu ne sais pas si tu vas croiser le nouveau covid ou les meilleurs fruits que t'es goûtés dans cette vie insipide. mais la mama, c'était sa préféré. pourquoi ? personne sait. combien de fois elle nous a envoyé là ? acheter des pommes. juste, des pommes. son fruit préféré, rouges, roses, vertes, pas compliquée.