horofia ✧ that's that me espresso

J'avais besoin d'une soirée un peu plus calme après ce match de water-polo qui m'avait complètement épuisée. Je me rendais pas compte ô combien ça pouvait être un vrai sport. De base, ça paraît pas sorcier, on se dit que faut pas être un génie de la lampe et que ça consiste uniquement à tirer une balle dans une cage, le tout en étant dans l'eau. Que nenni. C'est presque aussi pointilleux qu'un danseur de ballet et franchement moi dans l'eau avec une balle on dirait plutôt un cerf-volant tenu par une pastèque : autant dire, pas très glorieux. Je m'étais posée à ce bar en terrasse et j'appréciais la vue et les passants tout en lisant. Il y avait quelque chose de reposant, en Italie.

Sorti de sieste, qui devenait indispensable tellement j’essayais de caser de moment dans mes vacances. Sieste au soleil, peau rougit qui heureusement n’devrait pas rester longtemps comme ça, et le décalage du mec qui ne devrait pas dormir aussi tard. Ou tôt, selon comment on se place. La gueule encore enfarinée, il m’a fallu au moins une minute pour tilter que t’étais là, à la terrasse d’un bar, non loin de mon lieu de repos. J’attends 2-3 secondes, juste histoire de faire genre j’ai vérifié que tu n’étais pas rejoint, avant d’arriver tout sourire et tout en pseudo discrétion. “ Hola, cómo estás ?” Débarqué à ta table, une chaise attrapée et placée en face de toi. C’est de l’espagnol, j’suis vraiment une tanche.

Je crois que j'ai été tellement prise dans mon livre qu'il était compliqué de réaliser quelle heure il était ou même sentir une quelconque vague d'ennui. J'ai même pas réalisé, quand tu t'es assis en face de moi, je crois. “ Hola, cómo estás ?” Les yeux sont surpris quand il se lèvent, l'air de dire : qui vient me déranger pendant mon moment ? et mon visage de décontracte en voyant que ce n'est autre qu'Horace. ¡Todo bien! ¿Y ahora hablas español o qué?* j'ai jamais eu de soucis en espagnol étant l'une des langues de l'un de mes parents. Etrange idée de parler espagnol dans un pays italien mais je le suis. Je suis pas sûre qu'il puisse continuer la conversation longtemps, je savais même pas qu'il parlait espagnol.

*ça va ! alors comme ça tu parles espagnol maintenant ?

Incapable de résister à l’envie d’emmerder un peu Sofia, ou au moins, de s’incruster dans son paysage le temps d’un moment. Je sais, que ce n’est plus aussi simple qu’à un moment, entre nous, mais ça devrait le devenir à nouveau. J’suppose que ce genre d’incruste spontanée, ça devrait aider. ¡Todo bien! ¿Y ahora hablas español o qué? Les lèvres s’entrouvrent un peu, et même si elles aimeraient parler, faut pas se leurrer sur son propre niveau et ses propres connaissances. Proche de nulles, sans surprise, concernant l’espagnol. Et tout un tas d’autres choses. “Eh..” Ca se dit pareil en anglais et en espagnol, ça, j’suppose. “J’avais que ça, en fait, comme mot.” Lâché en se marrant. “Désolé, j’espérais vraiment qu’on s’arrête là.” Penché sur la table, soufflé comme une confidence, l’air d'imbécile heureux. “J’voulais parler en italien de base. T’sais, pour t’impressionner.” Ou juste comme une excuse pour t’interrompre, surtout.

On a eu un passage à vide avec Horace, principalement de ma faute. Notamment parce qu'on a été trop proches, selon moi. Je sais pas, on a eu un contact étrange une fois et j'ai pas réussi à m'y faire, l'accepter, faire comme si de rien, alors je me suis reculée. Disons que ça a bien marché, parce qu'on est des inconnus désormais. “J’avais que ça, en fait, comme mot.” Mon rire rejoint le sien. “Désolé, j’espérais vraiment qu’on s’arrête là.” Hausse les sourcils quand il avoue ; “J’voulais parler en italien de base. T’sais, pour t’impressionner.” oups ? Aaaaah ! j'avais pas compris. Tu veux t'asseoir et qu'on continue en anglais ? bien plus facile, sachant qu'on maîtrise tous les deux. J'aligne pas deux mots en italien. J'te commande un truc ? Je sais pas où il en est financièrement donc je préfère demander.

J’essaye toujours, maladroitement, de récupérer les quelques morceaux qui restent de notre relation. Elle déchirait. J’ai pas retrouvé ça. Si j’me fous à poil, si j’raconte toute ma vie à Sienna, elle va me foutre dehors, c’est obligé. J’ai pas réussi à être ami avec une fille, comme on l’était, sans jamais flipper de me demander ce que l’autre pense de moi. Alors j’essaye. Ca marche pas, j’ai l’impression de tout recommencer à zéro à chaque fois qu’on se voit. Cette fois, je tente l’italien/espagnol. C’est dire comme j’suis pas loin d’être désespéré par l’idée. Tu veux t'asseoir et qu'on continue en anglais ? Ca m’arrangerait, en fait. J’m’assoie correctement, et j’lance, une moue amusée à la bouche : “L’anglais, ça t’impressionne quand même, hein ?” J’ai pas oublié l’idée. “ J'te commande un truc ?” Et dans mon idée, j’commande tout seul comme un grand. “J’vais me prendre leur cocktail du jour là.” Et, comme si ça suffisait pas : “J’te paye un verre, comme j’t’empêche de lire ton bouquin.” Et comme j’ai décidé de rester un peu, mes doigts qui regardent la couverture du livre -comme si y avait une foutue chance sur 1000 que j’l’ai déjà lu.

Je vois qu'on essai mais j'ai l'impression qu'on y arrive pas. On est dans cet espèce de flou et ça part pas. J'arrive pas à dégager le brouillard entre nous, c'est une couche trop épaisse. “L’anglais, ça t’impressionne quand même, hein ?” je souris et fais oui de la tête oh évidemment ! les yeux expressifs, le visage sarcastique. “ J'te commande un truc ? J’vais me prendre leur cocktail du jour là.” se pince les lèvres, mentionne ; la même ! ça me semble bien, lançons nous. “J’te paye un verre, comme j’t’empêche de lire ton bouquin.” je rigole et acquiesce, posant le bouquin sur la table. Je vois ses yeux qui cours sur la couverture, alors je lance ; C'est un truc que mes parents m'ont envoyé avant de partir en vacances, et c'est plutôt pas mal, j'te le prêterais si tu veux. couverture rose, le bouquin s'appelle "call it what you want" et l'autrice écrit plutôt bien. Je le regarde, offre un sourire et crève l'abcès. Est-ce que ça te dirait de.. recommencer ? je pose mes coudes sur la table, m'avance un peu. La dernière fois, quand on s'est.. qu'on a faillit s'embrasser, j'ai ressenti des trucs bizarres et j'voulais pas ressentir ça pour toi mais là maintenant, le temps est passé et ça va, j'pense qu'on peut retrouver notre amitié comme elle était sans que ce soit bizarre, mais faut qu'on retrouve la confiance qu'on avait et pour ça, j'ai besoin que tu me crois. que tu crois que y a rien, que tu me fasses confiance, que tu me racontes qui il y a dans ta vie, ce qu'il s'y passe. Tout ce que je demande, c'est qu'on retrouve ce qu'on avait avant, qu'on se retrouve. Donc j'te propose qu'on recommence notre amitié ? et tend la main, attendant d'être attrapé pour être serré, acter le pacte, en quelque sorte.

Le jour avant on s’balance tout ce qui nous passe par la tête, sans jamais filtrer, l’autre, tu me propose de me prêter un bouquin. J’hoche la tête, lisant sans lire le texte à l’arrière, la bouche légèrement pincée, pas loin d’une petite grimace. C’est pas que ça m’tente pas, c’est que j’ai renoncé aux bouquins depuis un sacré bout de temps. Ils m’impressionnent un peu, je crois. J’ai peur de rien capter, et d’me sentir encore plus con. Alors, j’évite. [color=#E36B14]“Ouais.. ouais, on verra. Finit-le déjà.” Je cède un sourire, faisant défiler sous mon doigt les pages qu’il te reste à lire. Commandant rapidement nos verres. Et, c’est là que tu décides, que nous aussi on mérite d’avoir quelques chapitres en plus. Nous qui stagnons depuis.. des mois ? Beaucoup de mois. Trop. Est-ce que ça te dirait de.. recommencer ? Le regard qui se relève des pages, vers toi. J’ai pas encore tout compris. Y a l’idée fugace que t’ai envie de recommencer ce qui a été loupé. Ou, le contraire, réparer tout ce qui a été loupé, après ça. Qu’importe où on place l’échec, s’en est un. J’t’écoute, et ça m’enlève un poids que t’imagines pas. Une pression que j’me fous, dès qu’on se parle, tellement j’ai peur de t’faire fuir à chaque parole maladroite. Je soupèse chaque réplique, et ça nous ressemble pas. Le sourire, large et rayonnant. “J’te crois.” J’me pense pas si inoubliable que ça. Et, le temps a forcément tout balayé. “Carrément, on recommence.” Le geste lié à la parole, j’attrape ta main que je serre doucement. “Tu m’as manqué.” J’aurai laissé tomber plus tôt, sans ça. Un rictus amusé, mais emprunt de sincérité. “Y en a pas d’autres comme toi, dans le coin.” J’ai jamais retrouvé ce qu’on avait. Je sais qu’on l’retrouvera pas tout de suite, mais on est en route pour. J’récupère ma main, et j’attrape ces cocktails servis vitesse grand v. J’lève le mien, pour trinquer, et propose : “Si tu veux, on peut s'faire un mot de passe si ça devient chelou, d’un côté ou de l’autre.” Un truc pour désamorcer. J’veux plus qu’on se perde.