(billowyn) feel the moment

J'aime l'histoire, alors quand j'apprends qu'une visite guidée est organisée pour visiter le théâtre grec de syracuse, je m'inscris sans aucune hésitation. Un pe dans ma bulle pendant tout le trajet, j'ai les yeux qui pétillent lorsqu'on arrive et que le guide nous indique que nous pouvons nous balader pendant une petite heure avant de le retrouver tout en bas pour parler un peu du lieu et de l'histoire autour de ce dernier. Je me promène alors à travers les rangées de sièges en pierre, les doigts qui glissent sur la roche blanche quand je reconnais au loin Billie, qui semble être seule aussi. Peu étonnée de la voir dans le coin, c'est carrément son genre de venir s'imprégner de l'atmosphère d'un lieu aussi ancien et historique. "T'es venue voir si y'avait des fantômes dans le coin ?", que je demande à la jeune femme alors que j'arrive à sa hauteur, sourire sur le coin des lèvres. "Ou tu voulais venir faire ton entrainement de boxe dans une arène grecque ?", que je demande en riant un peu, faisant référence au cours de self-défense/boxe auquel elle m'a amené à Boston en juillet, avant ces vacances en Sicile.

J’ai placardé sur le mur de ma chambre du SC, le planning des visites des lieux, et entourés, ceux qu’il est absolument impossible que je loupe. Le théâtre grec de Syracuse en fait partie. J’en ai vu des représentations, photographies ou dessins, et j’en ai une image plutôt précise en tête. C’est comme ça, quand il est inenvisageable de s’y rendre, tu t’imagines. Alors, quand la vie décide que finalement, t’auras le droit à des voyages, t’essayes de ne rien louper. Une nouvelle visite guidée, donc. J’n’écoute pas tout ce que dit le guide, j’attends surtout ce moment où il nous libère. Probablement que je l’aurais encore davantage attendu, si j’avais su que tu étais dans le coin. J’aurais dû y penser, évidemment que tu n’allais pas louper cette visite. Un fin sourire s’affiche immédiatement, alors que j’te regarde t’approcher. “Ca aurait pu être deux excellentes idées.” La vérité est moins originale. “T’imagines, comme ça aurait été classe de faire une karaté kid en plein milieu de ce théâtre ?” Hm ? Oui, j’rattrape mon retard en culture populaire, et j’ai vu Daniel San faire son coup de pied de grue juste avant de partir en Sicile. Clairement je ne maîtriserai jamais. Et c'est même pas de la boxe, en plus. “On a espéré assez fort, du coup.” Repris, avec une moue légère. Tu sais, qu’on se croise, c’est la dernière chose qu’on s’est dite avant de partir, sur meets.

Je ne dirais pas non à ce qu'on me donne un remède contre les maux du coeur, parce que j'ai l'impression que je ne vais jamais réussir à passer outre notre relation, à Billie et moi. Quand je crois avoir enfin tourné la page, elle se ramène avec ses cheveux blonds éblouissants et son sourire contagieux dès qu'elle me voit. Il fut un temps où tout était froid entre nous et j'ai l'impression que la rupture et la distance nous a fait du bien - parce que ce sourire qui réchauffe le coeur comme celui qu'elle m'offre, je ne pense pas que je l'aurais eu sans ça. Mes yeux s'arrondissent quand elle me fait une référence à Karaté Kid. "Oh mon dieu Billie O'Malley, tu as enfin regardé Karaté Kid ?", que je lui demande d'un air surprise. Je regarde l'arène autour de nous, "J'avoue que ça serait vraiment stylé" Mais pas autant que de venir ici en pleine nuit avec nos équipements pour une chasse aux fantômes comme celles qu'on avait l'habitude de faire avant. Le coin de la lèvre que je mordille quand elle me dit qu'on a espéré assez fort. "Tu crois que ça serait considéré comme de la trahison que de dire à un membre de l'équipe adverse qu'elle est sacrément belle aujourd'hui ?", que je demande en cachant un petit sourire joueur, les bras qui viennent se placer derrière mon dos en lui souriant. "Tu brilles, ça fait plaisir à voir" C'est peut-être la compétition, ou les vacances, ou la Sicile ? Tant que ça n'est pas un autre facteur à notre équation déjà complexe qui te rend aussi radieuse.

J’suppose que ça va mieux, désormais ? Le choc passé de ton retour, j’ai l’impression qu’on a enfin retrouvé une façon de se parler, sans que chaque parole puisse être interprétée d’une autre manière. Peut-être qu’on a enfin retrouvé une simplicité qui nous avait manqué, dans notre fin et dans notre reconstruction. Pseudo. On l’fait seulement maintenant, comme on peut. J’fais gaffe avec le battant, j’fais gaffe avec les gestes, je sais qu’on est loin de s’en être sorties. C’est fébrile, fragile, mais ça ne semble plus si compliqué, désormais que je te parle de mon rattrapage de culture cinématographique. L’une de nos différences. Mais vois-tu, je me soigne. Un sourire rieur, à ta réaction. “Oui Eowyn Clark, j’ai enfin regardé Karaté Kid.” Et j’ai aimé, en plus. Depuis, j’suis un peu obsédée par cette histoire de “lustrer, frotter”. “Et j’suis à deux doigts, vraiment, de piquer des codes Netflix pour regarder la série.” Moi, regarder une série, ouais. Et j’sais pas, ça me fait du bien de t’en parler, comme si discuter d’autre chose que nos échecs, ou ce qui nous tourmente, nous redonnait un peu d’air. Ca aide à briller, j’suppose. Les lèvres se pincent un peu, captant les orbes d’en face brièvement. “J’brille pas toujours autant.” Pas avec tout le monde, sous entendu. Puis relâche, s’écartant pour montrer sa tenue d’un geste. “Et franchement t’abuses, j’suis habillée comme une allemande en vacances.” Cliché. Le short, le débardeur, les lunettes de soleil et les chaussures de randonnée. J’suis pas comme toi, j’suis pas belle dans tout ce que je porte. “J’pense que t’essayes de m’amadouer pour que j’vous laisse gagner.” Repris avec une moue amusée, les bras croisés sur le ventre et le sourcil haussé, suspicieux.

Bien placée pour savoir que la blonde n'est pas du genre à rester sagement assise devant un film, j'ai du faire une liste longue comme mon bras à mon ex-petite amie de tous les films qu'elle devrait rattraper et bien entendu, que Karaté Kid faisait partie de cette liste. Je me demande ce qui l'a poussée à enfin se poser devant, mais j'imagine que le mois dernier, avec les vacances et le calme enfin revenu après les examens a été propice à ce visionnage. Mes yeux s'arrondissent un peu plus quand elle me dit hésiter à carrément regarder la série sur Netflix tirée de l'univers de Karaté Kid. "Mais non ?", que je demande, encore plus surprise. J'hausse les épaules, "Je l'ai jamais regardé", que je lui dis, plein de sous-entendus. Meaning, on pourrait regarder ensemble ? Ces mots qu'on a envie de dire mais qu'on arrive pas à prononcer, de peur de se prendre un mur. M'en veux pas Billie, faut dire que j'm'en suis pris beaucoup des murs dans notre relation depuis un an et demi, alors j'essaie de protéger mon coeur comme je le peux. Quand elle dit qu'elle brille pas toujours autant, j'hoche la tête : "C'est vrai que l'Italie doit faire cet effet sur beaucoup de monde", que je réponds en lui souriant. Le soleil, la dolce vita et la connaissant : la gastronomie, aussi. Je l'imagine avoir déjà testé tout ce qu'il y a à goûter à Syracuse. Je pouffe de rire en regardant sa tenue : elle a l'accoutrement typique de la touriste, mais je suis pas mieux avec ma longue robe à fleurs de toutes les couleurs. Elle me connait, plus y'a de couleurs, plus j'aime. Je plisse le nez en joignant mes mains derrière mon dos, "J'sais que t'as aimé battre mon équipe au waterpolo l'autre jour", que je lui dis avant de rire. "On était pas doués, vous avez mérité la victoire" J'compte pas le nombre de fois où j'ai lancé la balle en dehors du terrain. Le sport n'a jamais été mon fort, donc ça n'est une surprise pour personne. "Et si jaaaaamais je voulais vraiment t'amadouer pour que vous nous laissiez gagner, je devrais faire quoi ?", que je demande en battant des cils.

J’dois le reconnaître, j’suis plutôt bien ici. J’alterne entre le fait d’être terrée dans ma chambre d’hôtel et les épreuves, les soirées. Je jongle entre mon besoin de solitude et son absence, dès que j’mets un pied dehors et que j’croise une connaissance d’Harvard, ou de mon équipe. Le quotidien ne me manque pas. J’veux pas le retrouver. Et j’le sais pas encore, mais ce qui nous attend va me donner encore moins envie de m’y replonger. Je suis bien ici moi, avec le soleil, cette légèreté dûe aux vacances et avec comme seule préoccupation la volonté de ramener le plus de tune possible à l’association choisie. Est-ce qu’il y a mieux que cet endroit, avec toi dedans ? Et la cerise, c’est qu’on parle de tout sauf de nous. « Parce que ça te tentait pas ou.. ? » Moi aussi, je sonde. Les pieds sur des œufs et la plante qui s’articule pour ne pas tout briser dans un faux mouvement. Je sais pas vraiment à quoi je joue, ni vers quoi je vais, je sais juste que ça vient naturellement et que je mentirais si je bridais ma langue. Mais je modère, quand même, je retiens quelques compliments, un commentaire sur ta robe qui te va divinement bien. Je crois que même nos vêtements nous ressemblent, nous trahissent un peu sur la peau qu’ils cachent. Alors oui y a l’Italie, qui embellit les traits, mais il n’y a pas que ça qui marche. Ca donne juste un beau paysage aux scènes qui s’y passent. Comme cette victoire, dont tu fais mention. J’en laisse passer un rire qui accompagne le tien. “J’avoue que c’était..” Le regard un peu dans le vague, comme si mon cerveau cherchait à se rappeler de ce moment précis. Cède en un sourire rieur. “Vraiment un bon moment, j’dois dire.” Pas douée en sport, le fait de frapper comme une bourrine semblait avoir été la bonne technique. “Mais t’as été une bonne perdante.” Si si, je me rappelle de ton soutien même si nous étions face à face. Je n’sais pas si je serai aussi bonne joueuse. Puisque penchée vers ton oreille, je souffle : “On ne vous laissera jamais gagner.” Puis, armée d’une malice lisible sur les lèvres qui s’éloignent pour te regarder à nouveau. “Et tu sais que t’as pas grand chose à faire pour m’amadouer.” Clairement; j’suis déjà dans la team Eowyn depuis un moment maintenant. Mais prévient, justement : “Pas de coup bas, Mademoiselle Clark.” Sinon.. sinon, voilà.

C'est marrant, comme on se parle toutes les deux avec précaution. On se tend les même perches sans même s'en rendre compte, trop occupées à marcher sur un fil tel deux funambules qui essaient de garder cet équilibre parfait qui les empêche de tomber dans le vide. Tomber, ça nous connait. On a fait ça un peu trop longtemps et maintenant qu'on semble avoir retrouvé un semblant de relation, loin des reproches et de cette sensation de goût amer qui reste en bouche, on essaie d'y rester, sur ce fil. Mais je le comprends, quand elle me demande pourquoi je n'ai pas regardé la série. Je comprends et cette perche que tu me tends, je l'attrape - non, je l'agrippe même de toutes mes forces. "Elle me tentait, mais je t'attendais en fait..", que je lui dis en souriant, haussant les épaules comme si ce que je venais de dire me semblait évident. C'est vrai que ce petit match de waterpolo était fun, bien que je n'étais pas la plus douée de mon équipe qui elle même, n'était pas vraiment la meilleure dans le domaine. Mais on a bien ri et je dois avouer que j'aime beaucoup cette équipe constituée ce mois-ci pour rapporter de l'argent au Sun Rock. "Je suis toujours une bonne perdante, non ?", que je dis en haussant les sourcils. Ça n'est pas totalement vrai, ça dépend pour quoi. Mais pour un truc dont je sais que je suis nulle (comme le sport), je serai toujours une bonne perdante. Les entrailles qui se resserrent quand elle se penche vers moi pour me dire que je n'ai pas besoin de grand chose pour l'amadouer et je l'observe se redresser, un sourire qui persiste sur mes lèvres. J'me sens d'un coup émotive. Parce que j'pensais pas qu'on reviendrait un jour à ce point dans notre relation. On est tombé tellement bas, elle et moi, que revenir à cette légèreté, à ce flirt, ça me fait quelque chose. Eo l'émotive, que voulez-vous. L'émotive qui n'arrive pas à le cacher, parce que je sens mes yeux qui se mettent à briller. J'ai envie de lui dire à quel point elle, ça, nous, ça m'avait manqué, mais de peur de gâcher ce moment, je décide de ravaler tout ça et je lui dis ; "Du coup, de peur que ça passe pour une tentative de pot de vin... j'peux t'inviter à diner quand on sera de retour à Boston ?" Oui, j'parle d'un date. T'as vu Billie, j'ai réussi à fuir en février, mais j'suis de retour et j'suis prête à me battre à nouveau ? Alors que moi même je pensais avoir baissé les armes. Peut-être parce que cette légèreté me montre qu'il y a quelque chose à sauver, en fait.

L’imprudence. Pour les ravins, pour les escalades, pour les soirées qui finissent tard, et surtout quand il s’agit de s'aventurer dans quelque chose que je maîtrise vraiment très mal. Les phrases légères, cachent bien leurs véritables intentions. Un bel épouvantail, dansant devant l’évidence qui viendra bientôt nous grignoter les mollets. Ca grimpera allègrement jusqu’au cœur. J’pensais être dans une belle pause. Un moment de liberté, que j’espérais finalement durer éternellement. C’est plus simple, quand il n’y a personne à décevoir. Sauf que ça ne s’est pas passé comme ça. “T’aurais pu m’attendre longtemps.” Soufflé, avec un fin sourire emprunt de malice. Pas dit qu’on allait se revoir, pas dit que j’allais regarder, pas dit que j’avais cette inconscience là. Enfin, si, le dernier point, on l’savait déjà un peu. Mais pour le reste, beaucoup de points d’interrogations. Ton retour était inespéré. Peut-être, pas espéré, vraiment, pour la quiétude de mon esprit. J’vais réussir à gérer, j’pense, cet été. Les équipes, épreuves, ça occupe suffisamment pour ne pas s’mettre à trop réfléchir. J’ai tout misé sur ça, en tout cas. Tout en standby, reporté à la rentrée. Me concentrer sur l’idée de rapporter une jolie somme à l’association, et si en plus, ça peut se faire avec quelques victoires agréables comme celle contre ton équipe, je signe. “C’est vrai ça.” En partie. Mais, j’crois que quoiqu’il arrive, tu parviens toujours à t’en sortir avec un certain panache. Même si ce panache roule parfois, salé, sur tes joues. T’es pas de celles qu’on met facilement à terre, qui y restent, qui ne s’accrochent pas. “Enfin.. j’dois bien pouvoir trouver deux-trois contre exemple, si je cherche.” S’amuse, en rappel à ce passé qui nous rassemble. Je t’ai vu dans tous tes états. La fin m’a montré que si je pensais connaître tout de toi ; j’avais laissé passer quelques infos. Je suppose que maintenant, je me méfie. Même si là tout de suite, ça ne se sent pas vraiment. Que j’l’oublie, d’ailleurs, d’être sur mes gardes. Car j’me fais cueillir, naturellement, par la suite. Les orbes accrochées et le reste encore, probablement. “Ca dépend, au resto ou chez toi ?” Le naturel. La séduction. J’peux juste pas me taire, esquiver, ou juste me rappeler que le jeu est dangereux. Que sur l'échiquier, y a une combinaison nouvelle. L’esprit prévient mais je n’entend que quelques brides. Rétropédalage. “Dans un endroit où on est jamais allées toutes les deux, alors.” Le recul n’est franchement pas franc, le oui donné sans filtre, le contexte bidouillé pour limiter la casse de nos battants. J’y peux rien, Boston me parait si loin, l’été si léger, et toi si belle que j’ai pas calculé. Problème pour plus tard.