J'aimerais parfois revenir sur les événements de ma vie qui ont fait ce que je suis aujourd'hui, non pas pour les changer, mais pour les voir d'un angle différent. Examiner une nouvelle fois les raisons de mes choix, utiliser ma maturité acquise au cours du temps afin de comprendre chaque pierre qui me composent. Malheureusement, c'est impossible. Enfin malheureusement, je ne sais pas vraiment si le mot est le meilleur, comme pour une prise de décision, il y a plusieurs options et points de vues. "Malheureusement" évoque le sentiment de frustration face à ce passé intouchable à présent, mais au fond, ce qui est passé reste indéniablement, douloureux. Vous allez me dire que tout ne l'est pas, et je vous répondrais que oui, mais l'humain a tendance à rester sur les moments douloureux, à ne pas les oublier, car c'est ce qui reste le plus ancré en nous. Les moments douloureux dont je parle, ne prennent pas une grande partie dans ma petite vie de jeune homme du XXIème siècle et pourtant dans mon esprit, cet espace est si grand. Toutes ces pensées arrivent à mon esprit tel un tourbillon et je ne peux contenir les battements sourds de mon coeur. Je suis bel et bien un être humain et rien d'autre. Dure fatalité. Être humain n'est pas sans conséquences. En effet, une personne de cette espèce, malgré ce qu'elle peut penser, porte toujours avec elle une quantité de défauts incontrôlables et ineffaçables. Bien souvent, ce sont ces mêmes défauts qui mènent aux moments douloureux, comme si, tout était relié, telle une toile qu'une jolie arrangée aurait tissé pendant neuf mois. Mais qu'importe, cet interlude n'est qu'avant-gardiste du récit qui va suivre, bref mais truffé d'éléments sur ma vie et mon esprit. Je ne peux, malheureusement (encore qu'ici, il peut y avoir deux facettes comme toujours, à vous de choisir la votre, ou alors d'apercevoir d'autres facettes, car au fond pourquoi se contenter d'un nombre quand il y a une infinité de possibilités qui s'offrent à notre esprit...), pas contenir la froideur dans mes mots ainsi que mon arrogance, qui rassurez vous, ne provient pas de mon égocentrisme car je n'en possède pas (non non). Comme je l'ai dit, je ne suis qu'un être humain, rien d'autre, à quoi bon me sentir supérieur. Néanmoins, j'espère sincèrement que vous sentirez la joie qui émane, cachée dessous certains mots et lettres afin de ne pas trop se dévoiler car la joie ne peut pas être étalé sous peine de perdre sa saveur si particulière. Je blablate je blablate mais je parviens à garder un mystère absolu durant ces paroles et j'espère que vous comprendrez que je ne peux dévoiler qui je suis sans un petit suspens (maîtrisé grâce à mes lectures de vacances).
Je suis née dans un hôpital assez luxueux de Moscou, durant un été assez froid. La chaleur n'étant pas une habitude pour la grande ville, les habitants se contentaient d'une température d'environ vingt degré, ce qui était idéal pour une grossesse afin de ne pas subir les joies de la transpiration, surtout que ma mère était contre la climatisation qui pouvait véhiculer maladies et être source de rhume. Le vent, habituel, qu'importe la saison venait frapper avec douceur les vitres de l'hôpital et un bruit de frottement résonnait dans l'ensemble du bâtiment, c'était une partie du décors qui ne s'entendait même plus, et c'était le bruit du silence pour la plupart des gens. La chambre était assez grande, une lumière jaune donnait des airs rassurants à la pièce, le lit était recouvert d'un linge vert foncé. Loin de ressembler à un établissement hospitalier habituel, les murs blancs étaient ici d'un violet très clair et le sol était en bois tout comme les meubles. Sur les photographies, on aurait pensé à une chambre tout simplement. L'accouchement de ma mère fut rapide fort heureusement, et je quittais l'hôpital assez vite afin de rejoindre la maison familiale. Une maison à l'écart de la ville, au milieu d'un jardin somptueux, entretenu par une dizaine de jardiniers toute l'année. La maison était splendide elle aussi, un grand escalier à l'entrée comme dans les plus grands manoirs était représentatif de la richesse et de l'aristocratie de mes parents. Des gardes se trouvaient aux quatre coins de la bâtisse, ce qui pouvait se révéler rassurant mais aussi embarrassant lorsque l'on souhaite sortir en douce. Mon père était à la tête d'une grande banque internationale ce qui ne lui valait malheureusement pas que des amis, surtout que certaines de ses activités en dehors de ses affaires honnêtes n'étaient pas très glorieuses. Mais qu'importait, ma mère, Irinuchka, s'en contentait et préférait regarder son mur de chaussures plutôt que les papiers de mon père. Ma mère n'était rien si ce n'est la descendante d'un grand aristocrate dont je ne citerais pas le nom car il n'est pas préférable que cela se sache. Elle mettait de la poudre aux yeux à chaque personne qu'elle rencontrait et dépensait sans compter. C'était la femme au foyer, riche, qui était plus là pour l'argent que pour l'amour qu'elle avait envers mon père. Mon père, lui, se contentait de son adoration même s'il savait pertinemment que ce n'était pas un amour parfait, car il savait au fond de lui que ma mère serait toujours là pour lui, l'habitude, une fois installée avait créé entre les deux une complicité unique. Une complicité qui pouvait résister à toutes épreuves, ils étaient unis pour la vie et ils le savaient. D'ailleurs, ils le sont toujours, un sourire suffit pour transmettre un message, mon père connait chaque expression de ma mère et peut les analyser en quelques secondes, alors, oui, ce n'est pas le véritable amour, le vrai, le pur, l'excitant, mais encore aujourd'hui, je reste en admiration devant leur relation. Néanmoins, cette relation, je n'en veux pas, tout ce luxe me donnait la nausée étant petit. Je rêvais, tel un bohème, d'amour et d'eau fraiche. Je voulais voyager, vivre avec le peuple et tomber amoureux. Mes parents savaient tout cela et laissaient mon esprit vagabonder. Je voulais vivre au jour le jour, dans l'insouciance et je le faisais modérément. J'allais à l'école chaque jour en levant les yeux au ciel, observant chaque bâtiment dans les moindres détails, j'aimais les détails. Chaque centimètre d'un bâtiment était unique, il renfermait une histoire, il avait des yeux invisibles qui contenaient tant de souvenirs. J'étais plus un artiste observateur qu'un bohème mais je ne le savais pas, je me voyais à la fin du 19ème siècle à Paris au milieu de tous les autres bohèmes. Sous mes airs de gosse de riche je cachais une sensibilité artistique et humaine incomparable. Je vivais d'une manière décalée jusqu'au lycée. Scolairement, j'étais le meilleur, malgré moi. Je dévorais les livres des philosophes et j'essayais de comprendre le monde qui m'entourait. Sartre était devenu mon Dieu et ses livres étaient ma bible, je ne voyais que lui, j'avais même donné son nom à mon poisson rouge. Je dévouais plus d'amour aux livres et à l'observation qu'à ma famille et au luxe qu'elle m'apportait. Je me foutais de tout, j'étais tel un autiste qui se renfermait chaque jour un peu plus sur sa passion. Aujourd'hui, j'assume pleinement cette partie de ma vie car elle m'a apporté tellement, outre une culture parfaite et une bonne carrière, une maturité si grande que je ne pourrais la décrire sous peine de faire preuve de prétention. Je ne me sens pas supérieur, loin de là, mais je pense juste avoir acquis une maturité plus tôt que les gens qui avaient mon âge, j'avais déjà lu tellement de choses que je voyais le monde différemment de tous les adolescents qui ne pensaient qu'à des éléments si futiles. J'arrivais au lycée et je n'avais pas beaucoup d'amis, et un jour, sans savoir pourquoi, j'ai changé, comme ça. J'avais terminé d'être un rêveur et philosophe amateur, c'était fini les longs discours à table dont ma famille se lassait. Je devais découvrir la vie, et profiter de l'instant présent, j'étais assez intelligent pour ça et je devais m'adapter à la société qui m'entourait. C'était loin d'être un ralbol mais plus une évolution intérieure, oui c'était ça, j'étais devenu plus grand et je venais d'acquérir, de nouveau, de la maturité. J'étais si gentil avant, enfin, je voyais les êtres humains comme innocents et ils étaient loin d'être ma priorité. Mais à présent, je voyais leurs défauts, je voyais les mauvaises facettes et j'avais envie de vomir face à ma naïveté passée.
En me relisant je me rends compte que j'ai oublié de parler d'un élément important qui fait que je suis aux Etats-Unis aujourd'hui, cet élément s'appelle Audrey. C'était mon meilleur ami depuis le berceau, c'était le seul qui supportait mon comportement et mes différences, et surtout mon dédain pour lui. Je ne le méprisais pas vraiment, mais j'étais tellement aspiré par ma vie imaginaire qu'il était toujours au second plan. Sans que je sache pourquoi, il m'aimait vraiment, une amitié véritable que j'ai compris lorsque j'ai changé. Je suis devenu quelqu'un de meilleur, et j'ai vraiment appris à connaitre le jeune homme. Il me permettait de découvrir le monde extérieur que j'avais trop longtemps ignoré. Nous sortions, nous buvions et nous faisions n'importe quoi, comme n'importe quel adolescent russe. Je connaissais mon premier amour, une jolie blonde qui s'appelait Alexandra. Elle était peut-être aussi dérangée que moi au fond mais nous vivions une idylle presque parfaite. Quand je repense à cette époque, c'est la nostalgie qui m'envahit. C'était l'insouciance et la douceur qui faisaient mon quotidien, j'étais heureux et je ne pensais pas trop. Alexandra était plus âgée que moi et elle eu le permit de conduire assez tôt ce qui permettait de découvrir de nouvelles choses. La liberté était là, et Alexandra, Audrey, Veronika et moi partions en aventure chaque week-end. On était d'une insolence inébranlable, de vrais petits cons, mais dieu que c'était bien. Je prenais confiance en moi et je ne supportais pas la moindre altercation, je voyais cela comme une provocation et je voulais montrer ma supériorité. Esprit bagarreur? Surement, malgré mon self-control je ne pouvais résister à l'appel que certains me lançaient. Si j'avais décidé quelque chose personne ne pouvait me retenir, c'était comme ça. Néanmoins, devant ce tableau si parfait, ou le ciel était bleu, je voyais au loin l'orage arriver. Veronika, une amie que je connaissais depuis longtemps, une brune au sourire charmeur, commençait à me faire tourner la tête. Je l'avais toujours vu comme une amie, je lui confiais mes secrets, lui parlait de ma relation avec Alex, elle était une personne très proche mais rien d'autre. Je n'avais jamais eu dans la tête de lui plaire, mais un jour alors que nous étions dans la voiture, je l'ai vu. J'ai enfin vu la fille qui se cachait derrière ce corps, vous allez me dire que c'est stupide, mais non. Je ne l'avais jamais regardé, je n'avais jamais réfléchi à ce qu'elle pouvait être. Mais là, je la voyais, elle brillait telle une étoile qui est en train de naitre. Le souffle coupé, je la fixais pendant que ses cheveux dansaient au rythme du vent qui passait par la fenêtre de la voiture. Elle souriait de bonheur je pense, et moi à côté d'elle, je regardais chaque détail de son visage. Je me laissais aller à cette occupation durant tout le trajet, et j'essayais de donner une signification à la sensation que j'avais en moi. Alexandra ne me faisait pas cet effet, je la regardais en tant que femme, elle, et pourtant je ne ressentais pas ça. C'était indescriptible, et tout mon monde s'effondrait. J'aimais profondément Alex qui était une personne magnifique, et je ne voulais pas la perdre, mais je voulais aussi... Je la voulais, Veronika. Tout était si compliqué, je commençais à me renfermer de nouveau sur moi-même... Un jour alors que j'étais avec Audrey, voulant lui avouer mon amour pour Veronika, car oui c'était bien cela, le jeune homme me dit qu'il aimait également la belle. Les yeux ronds, je ne disais rien pendant un laps de temps assez court, j'étais choqué. J'étais vraiment aveugle, car oui je n'avais rien vu. Je ne savais pas quoi lui répondre, car je ne savais pas non plus ce qu'elle aussi ressentait. Néanmoins, une chose était sûre je ne pouvais pas lui avouer que j'aimais aussi Vero. Une compétition arrivait, je le savais, je ne pouvais laisser mon meilleur ami être avec la jeune femme, c'était impensable, il n'y pouvait rein et moi non plus. C'était plus qu'un triangle amoureux basique, c'était beaucoup plus fort, et je ne savais pas ce que je préférais, être avec Veronika, ou non et garder mon meilleur ami. Je portais en moi un poids, un poids tellement lourd qu'il m'était impossible de le porter éternellement. Quelques mois passèrent et j'observais, muet, le rapprochement entre les deux tourtereaux. Mais Veronika n'était pas dupe, je le voyais bien, elle voyait comment je les regardais, et elle voyait également qu'avec Alex ce n'était pas la joie. Je ne faisais plus attention à elle, malgré mes efforts, elle s'éloignait de moi et après une longue aventure, elle me quittait. Je me demande encore pourquoi je suis resté avec elle si longtemps, au fond je ne voulais pas être seul je pense. La solitude c'est ce qu'il y a de pire. Je pourrais vous raconter en détail la suite des événements mais vous la devinez... Veronika et Audrey apprirent mon amour et la situation délicate dans laquelle nous étions ne pouvait pas durer, alors il fallait faire un choix... Vous vous souvenez quand je parlais des événements malheureux et douloureux? Pour moi, c'est celui dont je vais vous parler, c'est celui où Veronika a préféré choisir Audrey et non moi. Mon égo et mon estime en prenaient un coup, j'étais seul et je ne voyais aucune issue. Je ne comprenais pas, je me voyais plus intelligent que Audrey qui n'était qu'un homme basique, sans réelle culture. Je perdais de mon objectivité et je ne pouvais le nier, et pourtant, mon chagrin était si fort que je ne pouvais faire qu'une chose : ruminer à longueur de journée. Mais un jour, on se relève, on lève la tête et on décide qu'il faut de la nouveauté dans notre vie, je ne pouvais plus parler à mes anciens amis car je ne voulais tout simplement plus les voir, ils ne méritaient pas mon amour, ils avaient préféré être ensemble plutôt que de préserver notre amitié, tant mieux. J'allais de nouveau au lycée bien habillé et mes notes remontaient, j'allais obtenir mon diplôme avec mention. Je voulais devenir chirurgien. J'étais plus fort, je ne me faisais pas marcher sur les pieds, ma forte personnalité prenait le dessus. Je reprenais ma vie tranquille, j'avais de nouvelles fréquentations, plus calmes et sérieuses. Ils venaient tous de familles riches avec des manières, c'était fini les bêtises adolescentes, j'étais en train de devenir un adulte et je m'entourais des bonnes personnes. Seulement, encore une fois, telle une malédiction, quelque chose venait gâcher le tableau... Mon passé allait me rattraper plus vite que je ne le pensais. Alors que je me promenais en ville avec quelques amis, mon téléphone vibrait et je recevais un appel du père d'une vieille connaissance... Veronika. Il m'apprenait une nouvelle terrible : Audrey avait violé Veronika. Un choc. J'étais véritablement choqué et je ne savais pas comment réagir ni quoi penser. Mais au fond, j'en avais terminé avec eux, et mon égo ne pouvait subir à nouveau une humiliation pareille, alors mon côté têtu plus fort que tout me dit de ne pas aller la voir. Elle, elle n'avait pas été là quand j'étais au plus bas, ils avaient décidé de vivre égoïstement, tant mieux mais ce n'était plus la peine de compter sur moi. J'oubliais cet appel afin de continuer ma vie. J'y arrivais très bien, j'étais respecté et apprécié de beaucoup de gens, tout allait pour le mieux. Je savais d'une bonne connaissance que Veronika avait quitté la Russie pour les Etats-Unis afin d'aller à Harvard. Qu'elle y reste. Elle avait tout quitté même sa meilleure amie, elle était lâche, voilà tout. J'essayais de me convaincre qu'elle ne méritait pas mon amour et mon attention... mais je ne pouvais être véritablement en paix, je le sentais... C'était là, en moi. Je devais en finir avec elle et je n'avais pas eu l'occasion de le faire véritablement, alors c'est là que j'ai décidé de venir à Harvard afin de lui parler, d'en finir. Et puis c'était une très bonne école, rien de mieux pour mes études. Maintenant, il ne me reste plus qu'une chose à faire, mais pas la plus facile : lui parler. Après, je pourrais continuer ma vie, qui est encore bien longue.