As the hearts burn we are glorious ─ James & Archer

On l'avait prévenu. Différents témoignages, un dossier revu ; ses préférences, ce qu'elle détestait, la force de son caractère, les extrêmes dont elle était capable, ses habitudes et autres détails important ─ comme son parfum préféré, selon certains. Bien évidemment il avait des doutes sur la véracité de chaque propos, car chacun avait sa vision de la jeune femme, et une chose était sûre : le portrait que sa famille en dressait n'était sûrement pas tout à fait représentatif de ce qu'allait être sa réalité à lui une fois qu'il se serait présenté. Occupant du penthouse à l'étage inférieur ─ merci au paternel qui le voulait au plus proche de sa fille chérie ─ Archer s'était apprêté pour faire les présentations. Il s'attendait à être accueilli en grandes pompes ─ dans la figure, comprenez ─ et se préparait déjà à un refus catégorique de l'avoir dans les pattes, quand bien même il était là pour assurer sa sécurité et veiller à éviter tout... incident. Quoique cela veuille dire, hein ?
La porte de l'ascenseur s'ouvrit et le... babysitter-garde-du-corps-envoyé-spécial-futur-larbin-punchingball-attitré de la jeune James Ellison s'avançait jusqu'à la porte. Elle avait tout cet étage pour elle seule, donc il n'y avait qu'une seule porte, très proche de l'ascenseur ; juste six pas pour l'atteindre. Doigt tendu vers l'interrupteur, et il annonçait sa présence, avant d'expirer longuement pour se détendre, une main glissant tranquillement dans la poche de son pantalon. Diantre, avoir des allures aussi riches, ça lui ressemblait pas.

Le retour à la réalité est plus compliqué que prévu. La nuit a été longue, même si elle n'a pourtant commencé à cinq heures du matin. Les images de son séjour en Somalie lui traitent dans la tête et si James a été tenté plusieurs fois d'appeler son meilleur ami à la rescousse, elle a finalemen opté pour une barette de bromazépam, dans l'espoir que ça lui permette de dormir et de ne plus trop réfléchir. Efficacité au maximum, elle s'est endormie trente minutes plus tard et commence seulement à émerger quand on sonne à la porte. Elle lève les yeux au ciel, ignore la sonnerie et se dirige vers la salle de bain pour se passer un peu d'eau sur le visage. James n'a aucune idée de l'heure qu'il est - c'est d'ailleurs peut-être la sonnette de la porte d'entrée qui l'a réveillé. Elle fronce les sourcils, ne croit pas à avoir prévu quoi que ce soit et se dirige vers l'entrée, quand la personne qui n'a décidément aucun savoir vivre commence à insister. Vêtue d'un débardeur et d'une petite culotte, elle ne s'inquiète pas d'ouvrir dans cet état et observer l'homme en face d'elle de bas en haut après avoir ouvert la porte. Elle arque un sourcil, notant clairement que si ses vêtements sont de qualité, il n'est à l'aise de temps et referme aussitôt la porte sans s'embarasser de plus de cérémonie. Elle n'a aucune idée de qui il peut être. Attrapant son téléphone, elle fait une note vocale à son père, sans se douter qu'il est derrière tout ça : Grand manitou, tu sais où ça en est du rachat du palier ? Il faut vraiment qu'on fasse installer une clé dans cet ascenseur pour que je sois la seule à y accéder. Marre de tous ces témoins de Jevoah qui viennent sonner là. A peine fini, elle abandonne son téléphone et lève les yeux au ciel quand la sonnerie retentit encore. Cette fois, elle va ouvrir, bien décidée à parler : "A cette heure-ci, je n'accepte que les visites avec un petit-déjeuner ou un cadeau. Vous n'avez visiblement rien de tout ça donc passez votre chemin, merci. Au revoir".

La porte s'ouvrait ; Archer eut à peine le temps de constater la tenue dans laquelle elle se trouvait et d'ouvrir la bouche, et la porte se refermait devant lui. « ? » Il ne s'attendait pas à un accueil chaleureux, certes, ce claquement de porte semblait étrangement... incorrect. L'espace d'un instant, il considéra revenir plus tard pour lui laisser le temps de se changer, mais un rapide coup d'oeil à sa montre lui rappelait que non, il devait se présenter maintenant. C'était l'heure... approximative qu'on lui avait donné. Oui dans ces eaux là ça ira, aussi vague cette réponse avait-elle pu être. Pour quelqu'un d'aussi carré que lui, il devait bien admettre que c'était assez bordélique et qu'il allait devoir beaucoup improviser. Bon. Il allait devoir insister, donc ; alors il sonna à nouveau, attendant quelques secondes. Elle allait bien finir par lui rouvrir, au bout d'un moment. Elle est têtu qu'on lui avait dit, il faut du caractère ! Certes, mais où était la limite ? Aucun soupir, mais la question trottait dans son esprit, et il sonnait encore, jusqu'à ce qu'on lui ouvre la porte à nouveau et l'envoie paître. Personne ne l'avait prévenue, visiblement ─ ils auraient dû, pourtant. « Votre père m'envoie, Miss Ellison. » précisait-il dans la foulée pour éviter qu'on ne lui referme la porte au nez. « Vous devriez avoir été informée de mon arrivée, à moins que l'information ne vous soit pas parvenue ? Je suis votre garde personnelle pour les prochains mois à venir. Archer Graves. » Il n'entrait pas, mais offrait son nom au cas où elle souhaitait vérifier ses dires. De toute évidence, soit elle n'était au courant de rien, soit elle n'en avait rien à faire, soit elle avait juste... oublié, peut-être ? Lui demeurait droit comme un I, n'ayant pas bougé, le regard rivé sur elle sans guère d'émotion. Et le ton neutre, comme toujours.

Agacée, James n’est absolument pas disposée à se montrer conciliante. Déjà, parce qu’elle n’a aucune idée de qui est cette personne et n’a donc aucune raison de le faire - même si, elle sait, de par son éducation, que c’est exactement pour ça qu’il faut qu’elle se comporte correctement. Elle soupire doucement et se retiendra donc de lui claquer la porte au nez une nouvelle fois. La jeune femme se redresse immédiatement quand elle l’entend parler de son père et arque un sourcil, attendant le déroulé de la suite de l’histoire. “Je n’ai pas été informée, non.” répond-elle, sèchement. James l’observe, lève les yeux au ciel en entendant parler de garde personnelle. Elle ouvre un peu plus la porte et s’appuyant sur la chambranle, croise les bras sur sa poitrine. “Aucune raison de vous croire. Si c’est une tactique pour faire de l’espionnage industriel ou je ne sais quoi, vous n’avez aucune chance. Oracle ne m’intéresse pas plus que ça - cela dépasse toutes mes compétences et j’ai d’autres sujets de conversation avec mon grand-père.” A dire vrai, James n’est pas surprise une seule seconde que son père ait pu mettre quelque chose comme ça en place - et encore moins qu’il ne l’ait pas prévenu, mais s’il y a la moindre chance que cette histoire soit fausse, elle compte bien la saisir. Dans le pire des cas, elle lui proposera simplement de le payer le double que ce que son père le paye pour avoir la paix. Quoiqu’il faudra peut-être clarifier l’étendue des missions de ce cher Graves… Si elle peut avoir l’équivalent d’un majordome ou assistant personnel aux frais du prince… James ne va clairement pas cracher dessus.

Pas informée, donc. Cela confirmait que la communication entre le paternel et sa fille n'était pas forcément idéale, et qu'il risquait ponctuellement de se retrouver le cul entre deux chaises, à devoir faire ping pong entre eux et tirer les informations sur le volet. Manque de bol pour le paternel, contractuellement il n'avait pas vu de clause l'obligeant à trahir les petits secrets de sa fille chérie ─ mais il y jetterait encore un oeil au calme, plus tard. « Je vois. » Archer inspira tranquillement et sortit de sa poche un téléphone dont il alluma l'écran, tapa rapidement un code, puis en deux temps trois mouvement de doigts, lui tendait pour qu'elle puisse le récupérer. Puis il sortait une carte, une enveloppe et un bijou. « Téléphone de secours dans lequel se trouve mon contact ainsi qu'un traceur. La carte contient également mes coordonnées, une copie physique du contrat se trouve dans l'enveloppe. et ce petit bijou est un bouton d'urgence en cas de besoin d'une intervention de ma part, à toute heure et en tout lieu. » Pas vraiment d'explication, juste un dépot de tout ça dans les mains de la jeune femme. Il n'était pas agressif, mais manquait visiblement de délicatesse. Maintenant qu'elle avait tout en main ; « Vous êtes libre de tout essayer, explorer, et de vérifier avec votre père pour vous assurer de la véracité de mes propos et de l'authenticité de ces biens. » Elle avait les cartes en main ─ et si elle appuyait sur le gadget, elle verrait la montre connectée d'Archer s'allumer. Lui la sentirait vibrer en plus.

L’éclat de rire qui s’échappe des lèvres de James est aussi inattendu que sincère. D’un moment à l’autre, elle s’attend à ce que les caméras se dévoilent et qu’on lui annonce qu’il s’agit d’un canular. Si les événements des derniers mois ont été tragiques à bien des égards, James doute d’avoir besoin d’un… garde du corps (?) avec elle et de tous ses éléments. Si sa famille est riche et attire les convoitises, elle n’est pas non plus la famille présidentielle et James ne pense pas être plus en danger maintenant qu’elle ne l’était avant. “J’espère qu’on vous a payé très cher pour faire cette blague, parce que c’est totalement ridicule.” Elle attrape quand même tout ce qu’il lui dit, parce qu’une part d’elle sait que son père en est capable et comme pour tester ses dires - ou déclencher la révélation de la blague, elle appuie sur le bouton qu’il lui a donné et arque un sourcil en voyant sa montre s’allumer. Feignant l'indifférence, elle lève le bijou à hauteur d’yeux et lui remet dans la main : “Je ne porte que de l’or, j’ai des allergies”. Elle n’en a aucune évidemment mais il n’a aucune chance de le savoir. “Bon, allez, c’est pas drôle. C’est quoi votre délire là ?” finit-elle par balancer, bien trop impatiente pour jouer le jeu plus longtemps mais bien trop consciente de la folie paternelle pour se contenter de lui claquer la porte au nez.