AZALEE SÄDE OKSANEN ► Amanda Hendrick

Mon histoire

Papa est parti et il a prit Niko avec lui. Maman n’a pratiquement rien dit. J’ai présumé qu’elle ne l’aimait pas vraiment. Après tout, Niko n’est pas son fils. Il n’est que le bâtard d’une autre femme. Enfin, c’est ce qu’elle répète souvent. C’est ce qu’elle dit tous les soirs lorsqu’elle pleure devant sa bouteille de vin. Je la soupçonne de mentir. Mais beaucoup plus à elle-même qu’à moi. De toute manière, je suis encore beaucoup trop jeune pour en savoir quoi que ce soit. Du haut de mes deux ans, qui pourrait se douter qu’une si petite fille comprenne quoi que ce soit? Papa me manque, mais je suis aussi soulagé qu’il ne soit plus là. Je n’aimais pas lorsqu’il donnait des coups à maman ou à Niko… Il ne l’a fait qu’une seule fois avec moi et après c’est maman qui s’est tout prit à ma place. Je ne comprenais pas, mais je pleurais dans mon lit. Pourquoi est-ce qu’ils ne font pas comme dans les films papa et maman? Pourquoi ils ne sont pas souriants et amoureux à en faire pousser des fleurs sur leur passage? Une fleur… Bonne idée, je crois que j’en donnerai une à maman, ça la fera sourire.

Elle était étendue sur le sol parmi les débris de verre de notre fenêtre du deuxième lorsque je l’ai retrouvé ce matin. Äiti… Maman… Le vin n’était plus aussi grisant après ces quatre années sans lui? N’étais-je pas suffisante à ton bonheur maman? Mes fleurs n’étaient pas assez belles? Encore toute petite. Encore trop jeune. Elle ne comprendra pas. Il faut l’envoyer en thérapie. Elle aura un traumatisme. Voilà ce que j’entends partout autour de moi. Mais je la vois encore moi, maman. Elle a sauté? Personne ne veut me dire la vérité à moi. Trop petite, trop jeune…. C’est Mummi qui m’a prit chez elle. Grand-mère. Elle est merveilleuse et elle ne cesse de répéter qu’elle aurait du avoir ma garde bien avant. J’aime être chez elle. Je m’y sens bien. Chez moi plus que n’importe où ailleurs avant ce jour. Chez elle, il y a toujours une odeur d’encens très agréable et son chat vient toujours se coller contre moi. Lorsque je ne vais pas bien, elle me prépare toujours une tisane à base d’herbes séchées de son jardin et elle dit qu’un jour, elle m’apprendra tout ce qu’elle sait.

J’avais tout juste dix-sept ans lorsque Mummi est décédée. À vrai dire, je crois qu’elle était beaucoup plus âgée qu’elle n’en paraissait ou ce qu’elle voulait en dire. Une femme sans âge si vous voyez le genre. Elle était ce que j’avais de plus cher au monde. Elle avait toujours été là pour moi, une famille à elle seule bien meilleure que celle que j’avais pu avoir auparavant. Et maintenant je n’avais plus rien. Sans nouvelle de papa depuis son départ et impossible de retrouver Niko. Il ne me restait rien sinon un héritage substantiel et un chat blanc à l’exception de cette tache en forme de lune sur son front.  Pourtant je restais calme, imperturbable. Peut-être que ça avait un truc à voir avec ma consommation. Je l’avais toujours caché à Mummi, mais j’avais, moi aussi, un jardin personnel…  Non, en réalité, je sais que c’est tout ce qu’elle m’a enseigné. Et je crois que je ferai ce qu’elle aurait toujours voulu que je fasse. J’irai à Harvard comme elle en avait toujours rêvé. J’irai pour elle, en sa mémoire…