filature. (sienna)

La journée a été longue mais moins qu’à l’accoutumée, alors si Sienna a décidé de faire un tour par le Donovan’s. Point de repère des policiers, il est rare d’y trouver d’autres personnes, mis à part les amis et la famille. S’y aventurent parfois certains journalistes ou des personnes ayant envie de “provoquer du flic”, mais généralement, ce sont plutôt des touristes ou des nouveaux arrivés en ville qui s’y perdent. Sienna embrasse chaleureusement ses amis : “Toujours les mêmes devant le comptoir, vous bossez parfois ?” les charie-t-elle avant d’aller déposer ses affaires sur le porte-manteau à côté et de s’installer à proximité de ces gens mais laissant un tabouret entre. Se limitant à un coca zéro pour commencer, elle s’apprête à demander au barman des nouvelles de ses enfants quand une jeune femme - charmante - l’interpelle. Elle sourit sincèrement en entendant la voix familière et secoue la tête : “Bien tentée, Ornella, mais dans un bar de flics, j’en viendrais presque à croire que c‘est ce que tu cherchais.” Un léger rire s’échappe de ses lèvres. Si Sienna la charie légèrement, elle n’imagine pas une seule seconde que cela puisse être pour elle que Ornella a fait le déplacement dans cet endroit. “T’as un truc pour les flics, c’est ça ? Allez dis-moi lequel t’as repéré, je peux peut-être t’aider à récupérer son numéro.” lui souffle-t-elle, discrètement, prête à aider la jeune femme si besoin. Elles ne se connaissent pas beaucoup et leur conversation ont toujours été sympathiques, alors pourquoi pas. “Tu viens depuis quand ici ?” demande-t-elle, bien qu’elle ne sera pas surprise si Ornella lui répond que cela fait douze minutes.

Habituellement c'est pas ton genre de te servir des autres pour parvenir à tes fins mais cette fois tu t'es persuadée que t'avais pas d'autres choix. C'est plus simple pour toi de penser ça que de te faire une raison : tu sais que si tu retrouves pas ton job tu finiras par déprimer, te couper du monde et ça, ça te fait flipper. Un sourire se glisse sur tes lèvres - même si t'es là pour avoir des informations t'apprécies la compagnie de la jeune femme. D'une voix taquine tu répond à sa question en te penchant légèrement vers elle. ❝ Celui que j'ai repéré ? ❞ tu insistes bien sur celui, avant de regarder en direction des collègues de sienna. tu laisses durer le suspens puis te concentres de nouveau sur elle. ❝ En fait je suis déjà à côté d'elle. ❞ phrase de drague toute faite et pourtant la vérité. tu l'as repéré mais pour des raisons différentes. ❝ Mais depuis des années, tout le monde sait que c'est votre repère. Parfois les flics savent collaborer avec les journalistes sans que ça parte en conflit. Parfois ... ❞ t'as jamais été du genre à te mettre dans leurs pattes, toi. bon t'as bien dénoncé quelques violences policières, t'as pu être chiante pour obtenir des informations sur des crimes mais t'as jamais dépassé la ligne. Jusqu'à aujourd'hui en tout cas.

Amusée, Sienna secoue doucement la tête quand Ornella joue l’innocente quant au fait qu’elle ait venu là pour voir quelqu’un. Elle fronce légèrement les sourcils quand elle la corrige en précisant que c’est une “elle” qu’elle attends et sent son coeur prêt à lâcher. A-t-elle donné le moindre indice sur sa sexualité à la jeune femme ? Des rumeurs circulent-elles à son égard ? Bien qu’elle tâche de garder un visage impassible, l’éclat de panique qui traverse son regard ne trompe sûrement personne - et si c’est le cas, c’est sûrement le rose de ses joues qui la trahit. Sienna s’éclaircit doucement la gorge, baisse la tête et passe une main sur son visage, ne sachant pas vraiment comment répondre. “Ornella, je…” ne sais pas quoi dire, parce que la jeune femme est magnifique et Sienna n’est pas aveugle, mais s’imaginer qu’elle puisse la draguer dans un lieu public, un lieu où l’intégralité du commissariat se réunit… L’italienne préfère plonger la tête dans son verre pour tenter misérablement de se donner une constance. Elle a sans doute bien fait de ne rien dire de plus d’ailleurs car voilà que Ornella précise le fond de sa pensée. Sienna arque un sourcil, pas certaine d’avoir eu l’information qu’elle était journaliste, mais peu importe dans le fond. Sa compagnie est agréable, et la jeune femme n’a pas l’intention de donner la moindre information sur une enquête sensible. “Parfois les journalistes ne savent pas écouter les instructions essentielles au secret de l’enquête et à l’arrestation de malfrats…” Le ton de Sienna est doux et consensuel mais cela reste un message qu’elle tient à faire passer. La collaboration entre journalistes et officiers est devenue essentielle aujourd’hui ; que certains le critiquent encore est une réalité, mais l’impact des médias est indéniable, surtout pour les enquêtes où la vie de quelqu’un est en danger suite à un kidnapping. “Il faut que chacune connaisse ses limites, c’est tout.” précise-t-elle, pour bien montrer à Ornella qu’elle ne la classe pas dans une catégorie ou une autre.

Ton regard s'attarde sur le visage de ton interlocutrice, cherchant à percer les mystères de ses réactions. tu sembles percevoir comme une gêne, réaction presque attendue à ta remarque. parfois tu aimes prendre les gens de court ornella, les mettre mal à l'aise. pari gagné sauf qu'aujourd'hui ça te dérange presque comme réaction, la grimace déçue glisse sur ton visage l'espace d'une seconde. ❝ Je plaisante, détend-toi. ❞ tu ne comprends pas, t'es allée trop loin cette fois ? pourtant tu ne regrettes pas tes paroles, sienna est une très belle femme. une très belle femme avec laquelle tu n'auras sans doute jamais aucune chance. et c'est sans doute mieux ainsi puisque tu es là pour soutirer des informations. ❝ C'était une mauvaise plaisanterie. Comme quoi les journalistes n'ont pas l'humour aussi acéré que leur plume. ❞ rire qui s'échappe de ta gorge, espoir de détendre l'atmosphère qui te semble pesante. tu regardes autour de toi avant de glisser la paille de ton verre entre tes lèvres pour siroter ta boisson. la voix de sienna t'extirpe de tes pensées, tu ramènes ton regard vers elle. ❝ Disons que le scoop de l'année augmente considérablement notre salaire et notre réputation. ❞ et toi, ornella, tu n'es habituellement pas du genre à dépasser les limites pour une question de salaire. tu veux juste récupérer ta place, t'en as marre de la rubrique sportive. Tu te penches en avant pour la mettre dans la confidence, t'assures que les autres n'entendent pas votre conversation. ❝ Tiens par exemple, cette histoire de drogue du zombie. Je sais que les journalistes du Globe ont un indic' mais pour l'instant ils n'ont rien fait paraître. Quand ça va sortir ça va être une véritable explosion. ❞

Sienna retient un soupir quand Ornella lui dit de se détendre. Rien à voir avec la sublime jeune femme, au contraire, mais elle aurait aimé que cette remarque la laisse indifférente, tant au regard de ce que cela a fait naître au creux de son estomac que de la gêne que cela a causé. Elle sait pertinemment que cela peut être vu comme une marque de désintérêt, principalement parce qu'elle le percevrait comme ça mais la journaliste n'est évidemment pas interessée, et certainement pas par Sienna, alors elle essaie de ne plus se tracasser pour ça. "Ca va hein, je voulais juste pas te blesser." précise-t-elle, sincère au moins sur la seconde partie de sa phrase. "Je suis sûre que tu es drôle sur plein de sujets, mais c'lui-là, j'pense qu'on se connaît pas assez pour que je décèle le second degré." lui répond-elle, bienveillante quand Ornella fait référence à un manque de talent de sa part pour des blagues. Elle est sans doute bien loin de s'imaginer le sujet sensible sur lequel elle se livre, et si Sienna aurait pu tenter de lui faire confiance dans d'autres circonstances, c'est quelque chose de plus compliqué à faire dans un cadre quasi-professionnel, où l'intégralité des gens avec qui elle travaille au quotidien. Sans compter que ses collègues prennent déjà un malin plaisir à lui reprocher bien des choses... fausses. "Ouais... et je comprends, mais le journaliste est sensé servir à informer quand c'est utile, normalement. Pas à se faire plus de fric." C'est quelque chose dont elle ne démord pas, même si elle ne doute pas un seul instant que les choses sont plus floues en réalité, et qu'il est parfois difficile de savoir ce qui doit être diffusé ou non pour le bien du public. "Mais on gagnerait tous à apprendre à mieux travailler ensemble, j'te rejoins.". Lorsque la journaliste se penche vers elle, Sienna rapproche un peu sa chaise sans même s'en rendre compte et l'écoute attentivement. Ses sourcils se froncent légèrement : "Comment ça, ça va être une véritable explosion ?" Certains éléments de l'enquête sont restés secrets, naturellement mais des déclarations ont d'ores et déjà faites officiellement pour limiter les fuites justement. Les journalistes ne sont pas sensés avoir accès au dossier de l'instruction jusqu'à ce que le procès commence... Fronçant les sourcils, Sienna essaie de se rémémorer les scènes auxquelles elle a pu participer pour identifier la personne qui peut être ce fameux indic... "Dis m'en plus, ça m'intéresse." répond-elle, d'un ton qu'elle espère léger avant de prendre une gorgée de sa bière.