(archer) face à la mer

Les jours de tempête et de mauvais temps étaient souvent accompagnés du confort du domicile et des loisirs sous toit, mais tout le monde ne saisissait pas les occasions de la même façon. Le vent soufflait, et le soleil caché derrière les nuages renforçait les visions chaotique de l'océan qui se déchénait sur les rochers de la plage.
Archer n'était pas de ceux qui se planquaient de la pluie, du vent ou des éclaboussures. Être témoin de la brutalité de la nature lui plaisait comme un amateur d'art contemplait un tableau aux coups de pinceaux énervés. Mais ça, il ne se l'expliquait pas. Ça l'apaisait juste, d'une certain façon. Et a priori, il n'était pas le seul, à en juger par une présence un peu plus loin. Manque de chance pour elle, le vent renvoyait la fumée en direction d'Archer, et il n'était pas assez loin pour que l'air marin efface complètement l'odeur de ce qu'elle fumait. Il reconnaissait cette odeur, très facilement ─ mais il ne servait plus le gouvernement, et n'avait plus à fliquer les gens. Alors malgré son regard sur la jeune femme, il finit par détourner les yeux pour observer le large. L'odeur revint ; et il se posa enfin la question pourquoi ? Du coup de l'oeil, il l'observa à nouveau, essayant de voir si elle allait bien ou s'il y avait un problème. S'accordant quelques secondes de réflexion, il finit par expirer en douceur, avant de finalement pivoter les talons et se rapprocher, jusqu'à s'arrêter à une distance raisonnable, faisant bien attention à apparaître dans son champ de visions avant de lui parler pour ne pas la brusquer. « Est-ce que... vous allez bien ? » Il lui laissa le temps de réaliser sa question, avant de s'expliquer. « Je peux sentir l'odeur depuis là-bas. » Il pivota tout juste sur lui-même pour indiquer du menton l'endroit d'où il venait.

Rares étaient les personnes qui l'observaient en retour, mais la jeune femme n'avait aucun mal à le faire. Un long échange de regards, n'exprimant nulle animosité ou méfiance. Juste une simple curiosité, elle-même légère et peu désireuse d'être intrusive. L'inconnue semblait véritablement songeuse, et elle affirmait bien se porter d'une voix un peu étouffée par le bruit des vagues. Elle regardait à nouveau le large, et Archer suivit son regard, contemplant à nouveau les vagues. Remettre les choses en perspective, disait-elle. Vraiment ? Est-ce que ces vagues avaient le même effet sur lui ? Il y songea quelques secondes, inspirant à son tour l'air marin. La perspective, pour lui, changerait s'il était au milieu des vagues. Les tumultes, ça avait été sa vie. « Peut-être. Il vous inspire quelque chose de spécifique ? » demandait-il, le regard glissant à nouveau vers elle. Quelle pouvait être sa perspective ? La sienne, à lui, était que ce chaos était calme. Il n'y avait rien d'agressif, rien de dramatique, et semblait même plus... normal et représentatif de sa vie, que ne l'était une mer calme. Mais elle ?

Sans tourner son visage vers elle, Archer l'écoutait. Ses yeux l'observaient du coin de l'oeil, discrets, alors qu'elle s'exprimait. En temps normal, un tel échange serait perçu comme étrange et singulier, mais pas pour lui. Il ne portait pas de jugement, écoutait simplement, et même, appréciait qu'elle le mène à réfléchir, d'autant qu'il lui semblait comprendre l'idée de l'ordre dans le désordre. Lorsqu'elle lui retournait, Archer reposait à nouveau le regard sur le tumulte aqueux, rompant ainsi l'échange, juste le temps de sa réponse. « Ce chaos n'est pas le mien. » déclarait-il, monotone. « Que la mer soit calme où agitée, je me tiens sur mes deux jambes, immobile, et à l'extérieur de ses états. Je les observe, les constate, mais ce ne sont pas les miens. » Une façon de dire qu'il était éternel spectateur. Qu'importaient les intempéries autour de lui si l'endroit où il se tenait n'en était pas affecté. Tournant à nouveau le visage vers la jeune femme, reprenant ainsi leur échange de regards, il s'adressait à nouveau à elle. « Une mer n'est jamais réellement calme, cela dit. Nous n'en voyons toujours que la surface, à moins de se rendre dans ses profondeurs. »

La jeune femme semblait intriguée par sa réponse, même si lui n'y voyait rien de particulier. Elle le regardait, sans plus détacher son regard, et il faisait de même. Aucune gêne, timidité ou provocation ; il la regardait comme on regarde attentivement quelqu'un que l'on écoute. Elle avait toute son attention, pas juste une partie ; et à sa question, il n'eut aucune réaction. La réponse semblait toute faite, lui venir aussi naturellement qu'une respiration irréfléchie. « Non. Nous avons tous le choix de nous plonger dans les eaux au moment voulu, ou de rester en retrait. » Peut-être était-ce là, la différence. Il n'était pas happé par les vagues, il restait là où il était ; mais il pouvait, à tout moment, faire le choix de s'y engouffrer. « Et parfois, les eaux ont besoin de se heurter au statique pour se calmer. » Comme la roche sur laquelle s'éclataient les vagues. Elles aidaient à la contenir, l'empêcher de déborder. Jamais la roche ne quittait sa place pour rencontrer la mer ; c'était toujours l'inverse. Une force calme.

De cet échange, il ne pouvait qu'espérer que cette inconnue en ressorte apaisée. Elle s'identifiait à la mer, et lui savait qu'il se rapprochait de la roche. Leur discussion pleine de métaphores s'alignait avec la réalité dans laquelle il se trouvait, et quand bien même la jeune femme regardait l'horizon, Archer continuait, lui, de la regarder, elle. « Puisque nous sommes sur les métaphores de la mer... il y a un vieux proverbe qui dit que le phare n'éclaire pas son pied. » Il ne connaissait pas ses tourments, ni sa vie, mais savait d'expérience que bien souvent, l'essentiel était le plus facile à rater. Son regard quitta la demoiselle, passant sur la mer agitée pour terminer sur le phare, au loin. « Peut-être en avez-vous déjà un, mais ne l'avez pas encore remarqué. » À nouveau, ses yeux revinrent vers elle. La proximité, l'évidence ; si facilement manqué. À trop regarder l'horizon, ce qui se trouvait au pied du phare n'était jamais éclairé, jamais remarqué ; alors que la fondation de sa stabilité était là, juste sous ses pieds. Pas de l'autre côté de l'océan.