qu'est-il resté de frantz ?
une inscription : après un long égarement, le retour.
les moires sont-elles cruelles ou bien s'acharnent-elles sur elliot ? c'est une question qu'il se pose lorsqu'il sillonne les longues allées de la bibliothèque de boston. ses mains cherchent timidement son graal ⸻ les damnés de la terre de frantz fanon. un livre qui lui échappe incessamment, puisqu'il, visiblement, ici aussi manque. d'abord, il croit à un complot. ensuite, à une plaisanterie divine (car n'y a t-il pas plus farceur que le tout-haut ?). mais il doit se rendre à l'évidence : ce n'est pas aujourd'hui qu'il trouvera son dû. il doit donc s'en remettre à un autre. lequel ? il l'ignore. hasardeusement, il jette son dévolu sur une nouvelle énigmatique : notes of a dirty old man de charles bukowski, le sardanapale des pauvres. truand, aède, poète et clochard dans un seul et même corps : monroe empathise avec ce trimard, pitoyable avec sa mine d'escroc. c'est lui qui distraira son esprit. c'est une certitude qui l'éprend dès lors qu'il se saisit de sa tranche.
journal d'un vieux dégueulasse* est un recueil de chroniques ⸻ écho d'un temps révolu, d'une lointaine époque. l'est-il tant ? l'auteur y dresse le portrait de la société des années soixante. il en dépeint les excès, les failles et les tares en en exhumant la grossièreté autour de ses propres expériences. on y ouvre chirurgicalement son cadavre béant : on y parle de ruine, de sexe et d'alcool, dont l'empirisme laisse un goût âcre ; dont l'odieux ton donne à gerber les mots. c'est sale, crade, comme un parangon de répugnance, mais c'est pourtant le merveilleux crache-misère d'un marginal qui se révolte contre son monde. à bas la bourgeoisie, dirait-on : son écriture prône le mauvais goût ⸻ relent d'un art malade qui vomit ses tripes pour donner à souper le plus brillant des ichors. le plus illustre des dégoûts.
kundera disait ainsi :avant d'être oubliés, nous serons changés en kitsch.
le kitsch, c'est la station de correspondance entre l'être et l'oubli.
une station dans laquelle elliot tend à s'immortaliser, si ça lui donne la peine de mourir.
assis dans le coin d'une pièce, rongé dans son mutisme, il suspend le temps entre ses lignes. une éternité passerait qu'il ne le réaliserait pas : chaque atome du cosmos est retenu au creux de ses pages, emprunt des caractères gras du livre qu'il triture entre ses doigts. rien ne saurait alors troubler cet équilibre immuable : seul à pareille heure, l'air paraît sanctifié par une liturgie sacrale.
pourtant, une brise s'agite.
et le menteur fixe droit devant soi.
(Elliot Monroe)
--- this is not a burial
it's a resurrection