I’m having his baby…

Bien la première fois qu’il n’arrivait pas à se concentrer sur le travail. Sa force, c’était la capacité de faire abstraction du reste pour exceller dans son domaine. Pas en ce moment. Les décisions douteuses s’enchaînaient comme les disputes, et cette nouvelle tombée comme une bombe dans son quotidien déjà assez compliqué. S’il pouvait fuir facilement, ce n’était pas le cas avec Thea qui portait son enfant. Lui qui espérait pouvoir arranger les choses se retrouvait dans une impasse et il redoutait la conversation à venir. Alors quand elle annonçait son arrivée par la sonnette, il ouvrait même la porte pour la voir quitter l’ascenseur. Sans doute trop pressé de la voir, et à la fois calmé par sa froideur. – Salut. qu’il se contentait de répondre, se poussant pour la laisser entrer avant de refermer la porte derrière eux. – Comment tu te sens ? L’impression de tâtonner comme la dernière fois qu’ils s’étaient retrouvés dans une situation similaire. Excepté que cette fois-ci, la rupture avait bel et bien été marquée.

Les habitudes bien ancrées, difficile pour lui de l’accueillir à domicile sans la prendre dans ses bras. Loft qu’il avait fini par partager avec elle, tant ils passaient leurs nuits et temps libre à s’y retrouver dès que leurs emplois du temps le leur permettait. Et si la tempête avait été rude dernièrement, celle-ci était d’un tout autre niveau. S’il avait toujours senti qu’il était possible de recoller les morceaux, la dynamique était différente désormais. Cet enfant avait posé une lourde distance et dans ses yeux, il n’y voyait que ça. Que cet obstacle, qui l’empêchait de tenter une approche. Il se contentait d’hocher la tête, pas sûr que n’importe quelle réponse puisse apaiser sa peine, ou la sienne. Quelques pas faits pour s’installer sur le canapé. Distance raisonnable. – T’as appris ça quand ? Il ne savait plus si la précision avait déjà été apportée, tout était flou depuis que la bombe s’était posée. Et la réponse n’était pas forcément pertinente, mais lui avait besoin d’engager le sujet immédiatement car ce n’était que ce à quoi il pouvait penser depuis. – Et comment tu le vis ? Parce qu'il se souciait de son bien-être avant tout, même s'il craignait que la réponse ne fasse que creuser le fossé entre eux.

L'impression de vivre une mauvaise blague qui ne souhaitait pas prendre fin. Première tempête affrontée, voilà qu'une nouvelle lui tombait dessus. Bien plus dévastatrice. Cette fois-ci, pas de doute, c'était lui le père. Les deux événements étaient tellement rapprochés qu'il en venait à se demander s'il n'y avait pas un signe stupide derrière tout ça. S'exiler au bout du monde, probablement ? Au moins, cette fois, il l'apprenait en tout début de grossesse. Pas devoir se préparer à l'idée de voir un bébé naître avec ses gênes d'ici quelques semaines à peine. – Je comprends. Il appréciait que l'information lui ait été partagée directement. Et ce n'est pas comme si ils réussissaient à communiquer sainement, de vive voix. Pas sûr de savoir ce qui se tramait dans son esprit, mais le gel de ses ovocytes lui laissait penser qu'elle voulait garder l'option d'être mère un jour. C'était désormais concret, et la décision allait devoir être prise plus tôt que prévu. – Tu connais déjà ma position.. elle n'a pas changé. Qu'il confirmait. Même s'il ne souhaitait pas lui faire davantage de mal, il était important qu'elle sache. – Je sais que c'est toi, et que ça devrait être différent. Malgré tout, ça l'est pas. Parce qu'elle aurait sans doute pu être la seule à lui donner ce désir de paternité, mais ce jour n'était pas arrivé. Peut-être que c'était trop tôt, ou peut-être que ça n'arriverait simplement jamais.

Maladresse qui le pousse à être plus abrupt qu'il le souhaiterait. Il craignait de retarder l'échéance et laisser les paroles floues nouer plus d'espoir chez elle. Voir son regard qui ne ferait que créer la confusion chez lui, jusqu'à le pousser à se taire pour ne pas lui faire mal. L'urgence de la situation le poussait à être pragmatique, plus que de laisser le coeur le porter. Forcément, que cet épisode avec Hope allait lui revenir en pleine gueule. Disons qu'elle avait accéléré le travail. – Non. C'est parce qu'il y a eu ça avec Hope récemment que ça m'avait vraiment permis de me questionner sur ce que je souhaitais. Et elle a attendu parce qu'elle m'a laissé le faire et que ma priorité au passage, c'était de gérer les retombées avec toi. Je trouverais ça cruel de te laisser cultiver l'espoir des mois. Même des semaines, quand il penchait déjà lourdement de l'autre côté. – Parce que c'est pas une conversation qu'on devrait avoir par message ? Encore moins quand on interprète mal les choses à l'écrit et qu'on va juste se braquer un peu plus. Il voulait juste une conversation simple, Milo. Même s'il était souvent la raison pour laquelle les choses déraillaient, mais pas cette fois-ci. – Je suis désolé.. je le fais peut-être pas de la façon la plus douce, mais j'essaie de faire au mieux pour toi. Ça a toujours été ce que j'veux. Même quand c'était pas évident. C'est pas comme s'il avait déjà eu à gérer ce genre de situation avec la femme qu'il aimait, dans le passé.

C’est la colère qui l’a permis de se tenir éloignée de Milo jusqu’ici, du moins autant que possible, et à l’instant même où le test de grossesse a affiché un test positif, Thea a immédiatement su que cela ne serait plus possible. Car si elle n’a aucune idée de quoi faire, de quelle décision prendre pour le sort de cette grossesse, elle sait que ce n’est pas une décision qu’elle a envie de prendre seule, ni même qu’elle est capable de prendre seule. Ce dont elle a besoin, c’est d’en discuter des heures durant avec Milo, qu’ils en discutent des heures et des heures jusqu’à se mettre d’accord sur la meilleure réponse à apporter à une question qu’ils n’avaient pas envisagé de se poser dans leur relation, pas maintenant et peut-être même jamais. Quand le couperet tombe, Thea est prise de court. Malgré la colère des derniers jours, elle espérait sincèrement qu’ils pourraient en discuter avant d’énoncer des affirmations. Milo, lui, semble ne pas partager cet avis. Pas besoin d’en discuter ; il est clair sur ce qu’il veut, l’annonce sans détour. Le nom de Hope dépasse les pensées de Thea avant même qu’elle ne s’en rende compte, mais elle ne le regrette pas, quand elle a l’impression de devoir se battre contre quelqu’un qui ne mérite pas même d’être sur la liste des adversaires. “Je comprends pas comment aussi rapidement ça puisse aussi être clair pour toi.” répond-elle, sincère, malgré la colère qui durcit sa voix. Thea ne comprend vraiment pas comment il n’a pas besoin de prendre le temps d’y réfléchir ; la nouvelle n’a même pas quarante-huit heures. Elle soupire et acquiesce légèrement dans un signe de tête quand il dit qu’ils ne devraient pas avoir cette discussion par écrit. Il n’a pas tort, mais elle aurait tout de même préféré ne pas se prendre cette nouvelle en pleine face. Les yeux humides, elle l’écoute lui présenter ses excuses et se retient de lui dire que le mieux pour elle, c’est lui, parce qu’elle sait pertinemment que si c’est ce que lui dicte son coeur, son esprit, lui, est plus mitigé sur la question. D’abord, parce qu’il ne conçoit pas qu’il ait cédé à la tentation de flirter avec quelqu’un d’autre, aussi parce qu’il a bien entendu qu’il n’était pas prêt à avoir un enfant et que Thea ne s’est pas encore fait une religion sur la question. “Tu te poses même pas la question, Milo… Tu te bases sur une certitude avec une femme random, partant du principe que ça sera la même chose avec la personne qui a partagé ta vie cette dernière année…” Une larme perle sur son visage, mais Thea tâche de l’essuyer rapidement de ses doigts. Elle tient vraiment à ce qu’ils tentent d’avoir cette discussion calmement, et fondre en larmes n’aidera pas du tout à l’avoir. “Je mens pas quand je dis que je sais pas, mais c’est… perturbant que tu saches aussi vite.”

Contrairement à ce qu’elle pouvait penser, il s’était posé la question durant des années. Bien sûr, il était plus évident d’avoir une réponse négative sans attache à une relation, sans prendre en compte les sentiments. Que ça arrive concrètement, quelques mois plus tôt, lui avait donné l’occasion de se pencher plus sérieusement sur la question. Et lorsque ça avait sonné comme la pire chose au monde, il avait compris que ce n’était pas juste abstrait. Qu’il avait un réel blocage à l’idée d’être père, sans doute lié à son enfance. À son propre géniteur. L’histoire familiale sombre dont il n’avait jamais parlé à Thea, ni qui que ce soit d’autre de son entourage actuel. Les traumatismes qu’il préférait garder enfouis, dans le passé. Même si ça lui posait obstacle pour son futur. – Tu veux que j’te dise quoi, Thea ? Je veux pas de cette vie-là, et je l’ai jamais caché. Et il trouvait ça injuste qu’elle le lui reproche aujourd’hui, quand il n’avait jamais fait miroiter quoi que ce soit au cours de cette dernière année. L’agacement qu’il tente de canaliser face à la larme qui coule sur sa joue. Il se sent impuissant, en colère de les avoir mis dans cette situation. – C’est pas juste une certitude à propos d’une autre femme, c’est pas à propos de toi non plus. Tu te dis pas juste que c’est à propos de personne d’autre que moi ? Et peu importe avec qui ça arrive, c’est quelque chose que j’veux pas dans ma vie. Plus abrupte qu’il n’aurait souhaité l’être, mais sur ce point, il ne souhaitait pas qu’on le fasse culpabiliser.