Walking in circles like she was lost

La joie de Neptune est terriblement contagieuse, ses rires sans fin t'arrachant, malgré toi, maintes sourires radieux. La présence des proches aidant, chaque coup d'œil envers ta fille t'octroie une paix intérieure que tu ne pensais plus exister depuis de nombreuses années. Les efforts - majoritairement fournis par ta cadette, soyons honnête - n'étaient pas vains et sans compter les quelques caprices de la petite auprès de ses oncles et tatas et une inquiétude naissante pour une de ces dites tatas, la fête frôlait la perfection, le bonheur. Malgré sa présence, son attention particulière à Neptune et ses attaques de tendresse, Thea, son regard ne trompe pas, ne te trompe pas. Plusieurs fois, tu te surprenais à froncer des sourcils entre deux conversations avec les invités lorsque vos deux pupilles se rencontrent. Plusieurs fois, t'étais on ne peut plus tenter de l'embarquer dans une pièce parallèle, loin du brouhaha, et lui tirer les verres du nez. Mais Neptune méritait ton attention première durant cette journée, l'interrogatoire de Thea devant être relayé en fin d'après-midi, après une demande - un ordre - de ta part pour qu'elle reste une fois les invités partis. Elle aussi méritait sans doute un peu plus qu'une brève altercation en pleine fête d'anniversaire.
Lorsque le silence règne - enfin - dans l'appartement et qu'une Neptune plus qu'exténuée se laisse emporter par Morphée, tu ne perds pas de temps à la rejoindre, dans la pièce centrale. Les pas d'abord pressants finissent par ralentir et s'arrêter net quand tu fais face à la scène se jouant devant toi. Une Thea, debout, près de la table à manger, joues rougies, yeux gonflés, larmes en cascade. Désemparée. Une seconde de surprise te suffit avant de réagir et anéantir la distance entre vous. En deux pas, tes bras l'entourent sans réfléchir, se chargent de l'enlacer fermement. Hey hey, ça va aller.. Un simple murmure presque inaudible, se contentant surtout de la réconforter physiquement dans tes bras, avant de forcer une quelconque explication malgré ta confusion, malgré les scénarios catastrophes défilant dans ton esprit anxieux à cet instant.

Par chance, les festivités du jour ont engendré une telle fatigue que Neptune s'était d'ores et déjà endormie dans tes bras, sur le chemin de la chambre. Aucun caprice ce soir ne t'a retenu, ne t'a retardé dans le tête-à-tête avec Thea qui semblait visiblement plus que nécessaire. A peine rentré dans la pièce qu'elle s'effondre, s'enfouit dans tes bras que tu lui imposes sans attendre. Ses sanglots résonnent dans la pièce silencieuse, interceptés par quelques caresses et des mots censés être rassurants en guise de consolation. Parce que le moment t'avait pris de court, parce que tu préférais laisser sa détresse s'élargir, s'exprimer au lieu de l'interrompre. Quand elle passe ses bras autour de ta taille, renforçant l'étreinte, tu laisses encore une fois le silence jouer son rôle, tentant de maîtriser à tout prix tes pensées allant milles à l'heure. Tentant de ne pas s'éparpiller dans une centaine de scénarios conclus par un embarquement au poste de police - la tienne - dû à ton impulsivité. Non, tu pouvais attendre ses explications, tu attendrais. Elle parlerait quand elle le souhaiterait. Chose qu'elle le fit, assez vite, plus vite que tu ne l'avais prévu. Milo. On est séparés. Si l'arrêt durant une milliseconde de tes mouvements trahit ta surprise, tu tentes de la cacher aussi vite que possible en reprenant les caresses discrètes sur les bas de ses reins. Qu'est-ce qui s'est passé ? Qu'est-ce qu'il a fait ? Evidemment, il était derechef le fautif à tes yeux. Mélange de curiosité et d'inquiétude - surtout d'inquiétude. Un murmure dans sa chevelure, toujours engagés dans cette étreinte que tu ne romprais qu'à sa demande. Tu veux en parler ? Après avoir repris ton souffle. Peut-être que tu aurais pu sortir une blague pour détendre l'atmosphère sur son élocution saccadée et son souffle digne d'un marathonien amateur mais l'inquiétude primait sur l'humour.

Thea s’abandonne totalement dans cette étreinte, épuisée de lutter contre trop d’émotions. Une part d’elle déteste se retrouver aussi mal pour une rupture, surtout une qu’elle a elle-même provoquée mais c’est la surprise encore plus que la séparation qui l’a brisée en mille morceaux. Milo lui manque plus qu’elle n’a de mot pour l’exprimer, mais après près d’un an à ses côtés, elle avait décidé de mettre derrière elle toutes ses craintes, de leur donner une vraie chance sans partir du principe que leur histoire aurait forcément une fin. L’idée restait d’avancer à leur rythme, sans se précipiter mais en avançant tout de même… Lui proposer de vivre avec elle est quelque chose qu’elle n’aurait jamais envisagé lui proposer quelques semaines auparavant, encore plus vu comme sa dernière histoire s’était soldée, et voilà que maintenant, elle est en larmes dans les bras de son meilleur ami, incapable de relever la tête de l’eau. Le temps fera son travail, Thea n’en doute pas mais en attendant… Elle soupire, renifle un peu dans les bras de Haze et finit par lui avouer la cause de son désarroi. Le corps de son meilleur ami se tend instantanément et Thea se mord les lèvres. Une part d’elle pense immédiatement qu’elle aurait dû se taire, la seconde sait pertinemment qu’elle aurait dû parler à un moment ou un autre. Elle le serre un peu plus fort, autant pour le calmer, enfin calmer son système nerveux que le sien et limiter la crise d’angoisse qui monte en elle. Elle secoue doucement la tête, quand il lui demande si elle veut parler mais pourtant, quand elle se détache légèrement de son étreinte, elle prend la parole : “Je suis partie une semaine en vacances sans lui, lui ai proposé qu’on emménage ensemble et au retour, j’ai trouvé des messages dont j’me serai bien passé dans son téléphone”. Elle relève le regard vers Haze, essuie ses larmes du revers de sa manche et attrape doucement sa main, sachant pertinemment l’accès de colère qui va le traverser. “Ca va, c’est juste… j’ai pas le temps de réfléchir la semaine avec mon rythme, alors j’me prends tout dans la gueule le weekend.” Thea dit vrai, sauf sur le fait que ça va mais c’est plus fort qu’elle d’essayer de rassurer son meilleur ami, de dire que tout va bien, quand elle ne va pas bien - et c’est sans doute la raison pour laquelle elle en est là aujourd’hui. Thea préfère enfouir ses blessures plutôt que de les assumer et de les traiter avant de les laisser pulluler. Elle aurait sans doute pu mieux gérer cette histoire de messages, rester aux côtés de Milo et l’écouter, mais c’était prendre le risque d’avoir raison d’être blessée, trahie et de le détester, pour de bon… Alors partir, avant d’être quittée, est-ce que c’est si terrible ?