Feelings don't lie
Enième gala de charité sous lequel se cache la véritable raison de ta présence : le portefeuille d'affaires de ton père. La représentante Borgia sur le territoire américain que tu es est lassée, fatiguée. Sur le toit-terrasse ton regard s'échappe entre les lumières vibrantes de la ville, animée de klaxons, de rires ou de cris. C'est à peine 20 heures et tu veux déjà rentrée. Le rôle de pantin, de représentation jeune, dynamique et glamour de ton père a pu être amusant et challengeant durant des années, mais il ne l'est plus. T'as 26 ans et le croquis de cette vie déjà toute tracée n'est plus source de hâte mais d'angoisse. Tu prends une grande inspiration par le nez, tu dois y retourner. T'as laissé Ottis seul dans cette fosse aux requins, et c'est de base ton fardeau pas le sien. Tu retournes à l’ascenseur, qui te ramène dans le grand hall d'un institut des arts, aménagé pour l’occasion en grande piste luxueuse, bars de chaque côtés de la pièce et scène au fond, où les prises de paroles se suivent et ne s’arrêtent plus. Tu repères très vite Ottis, au milieu d'un petit groupe, deux couples et un associé américain de ton père, qui lâchent de grands éclats de rires et sourires. A cette image, toi aussi tu souris. Tu soupçonnes même tous ces requins d'être rendus à préférer Ottis que toi, depuis des années qu'il est à ton bras. Parce qu'il a toujours le mot juste, le mot léger, le mot pour rire, et qu'il est cette fraîcheur et cette spontanéité que plus aucuns de ces vieux hommes d'affaires n'ont dans leurs vies. Toi ces derniers mois t'as le regard plus vide, l'air ailleurs, les pommettes moins rosées et les épaules légèrement plus voûtées. Parce que le poids du divorce des Borgia pèse si lourd sur tes épaules. On te demande de prendre parti dans une guerre qui n'est pas la tienne, et t'es épuisée. Tu redresses le menton et les épaules, forces un large sourire et fais claquer tes talons sur le marbre du sol pour avancer vers eux. ─ Andrew, ne prenez pas trop d'avance, je dois vous parler de Liverpool tout à l'heure. tu lances avec un ton taquin au partenaire d'affaires de ton père qui a déjà pris pas mal de coupes de Champagne et a qui tu dois parler d'un projet sur le territoire Anglais. Conversations banales, surfaites, tu fais ce qu'on te demande de faire (être polie et charmante) avant de finalement glisser une main dans le creux de son coude, chercher sa paume avec l'autre main et t'adresser aux autres ─ Si vous voulez bien nous excuser, je vous l'emprunte. Te voilà enfin échappée de cette mascarade pour retrouver la direction des ascenseurs, l'endroit le plus au calme de cette soirée. ─ Je suis désolé de t'avoir laissé plus de cinq minutes avec eux, j'avais besoin de respirer. Tu te places en face de lui, pupilles qui cherchent les siennes, et finalement approche la bouche de la sienne pour l'embrasser mais encore une fois, t'es en apnée. Alors tu chuchotes simplement contre ses lèvres ─ D'ailleurs c'est toujours le cas, on peut monter un peu ? Le toit-terrasse était littéralement le meilleur endroit et le seul où tu n'avais plus besoin d'être une Borgia, mais juste envie d'être toi.
(Katalia Borgia)