HOLDEN THORPE ✧ aaron taylor johson

"Plus personne ne te fera du mal, Holden..." – il se souvenait de ces paroles comme si c'était hier, prononcées par sa tutrice alors qu'il avait seize ans. Il avait survécu à l'enfer. Les mains et les mots de son bourreau étaient si loin désormais. Pourtant, quand il fermait les yeux, il se revoyait encore dans ce trou noir et insalubre, là où il tentait de hurler mais où personne ne l'entendait. Alors, quand elle s'était approchée de lui et lui avait dit tout bas que tout ça était terminé, il était resté méfiant. Comme si l'oncle Tom pouvait à tout moment surgir du creux d'un mur, de la télévision, là où il le voyait menotté, prêt à être enfermé à son tour.

"Tu n'es pas fait pour la médecine", avait-il glissé des années plus tard entre deux phrases à un de ses camarades de classe. C'était exactement la raison pour laquelle il n'avait pas d'amis. Chaque personne qu'il rencontrait devenait soit un adversaire, soit quelqu'un à manipuler. Il voulait mener le jeu et asseoir sa dominance auprès de tous. Beaucoup pensaient qu'il le faisait par plaisir, mais en réalité c'était plus fort que lui. Parce que s'il contrôlait tout, il était sûr de gagner à chaque fois. Quitte à faire pleurer, à rabaisser, à mentir. Il n'avait connu que ça de toute façon. Même bien avant de l'enfermer dans le sous-sol, l'oncle Tom lui répétait tous les jours à quel point il était inutile, que sa mère aurait dû l'avorter ou le tuer à la naissance.

La vérité était que Holden aurait aimé être comme les autres. Il aurait voulu montrer aux autres qu'il ressentait de la compassion, que parfois son cœur était touché. Il aurait aimé laisser paraître ses émotions sans qu'une petite voix ne lui dise : "Non, oncle Tom n'aimerait pas ça, un homme n'a pas le droit de pleurer." Parfois, lorsqu'il se regardait dans le miroir, le cœur lourd, il ne se reconnaissait pas. Son corps avait changé, il avait grandi, mais il portait toujours la rage de ce petit garçon. Ce petit garçon dont les parents étaient démissionnaires, ce petit garçon qui avait eu une seconde chance mais où le mal avait déjà été fait.

Il avait trouvé quelque part une rédemption en s'impliquant dans la médecine, même si parfois c'était difficile. Quand il voyait des parents aimants s'occuper de leur enfant, son cœur se serrait et il devait dire au petit Holden d'aller se cacher tout au fond de lui. Pourquoi n'avait-il pas eu ce droit ? Il avançait dans la vie handicapé. Tout le monde le pensait méchant, dépourvu d'empathie, mais il explorait le monde de la seule manière qu'il avait toujours connue : avec violence.

"Je t'aime, Holden..." La gamine se tenait là, au milieu de son salon, les bras ballants. Elle savait bien qu'elle n'obtiendrait rien en retour, à part peut-être un sourire. Nova était la fille des Beaumont, la famille d'accueil dans laquelle il avait atterri à 16 ans, après des années d'abus et un an enfermé dans un sous-sol sombre par son oncle. Elle était celle qui se rapprochait le plus d'une sœur pour lui. Chez les Beaumont, il avait pu voir à quoi ressemblait une famille aimante. Même si la plupart du temps passé chez eux avait guéri des centaines de ses blessures et lui avait permis de construire un avenir, parfois la rage reprenait le dessus. Celle de ne pas avoir eu la chance, comme Nova, d'avoir toujours été aimé. Celle de ne pas être aussi doux et patient qu'elle. Alors, il avait toujours dû garder ses distances avec elle. Malgré tout, elle avait toujours voulu s'approcher de lui, toujours avec plus de tendresse et de patience.

Là, elle avait fait des kilomètres et pris un avion pour venir lui rendre visite à Boston. Elle s'efforçait de jouer au frère et à la sœur parfaits avec lui, même s'il ne lui avait jamais rendu ne serait-ce qu'un quart de tout ce qu'elle faisait pour lui. Le silence régnait dans l'appartement, il pensait qu'elle s'était figée tellement le temps paraissait long. Mais soudain, elle s'approcha de lui d'un seul coup et le prit dans ses bras, l'enfermant dans une étreinte. Holden ne sut comment réagir, alors il la laissa faire. Il était un peu surpris de cette démonstration soudaine. Puis des images lui revinrent en tête, lui à 11 ans cherchant de l'affection auprès de son oncle, le rejet de ce dernier.

Soudain, les muscles de son corps ne furent plus raides, il se détendit et lui rendit son étreinte. Il laissa juste l'espace d'un instant cette rage qu'il portait depuis si longtemps sur le côté.