(Iseul) lunch break

Cela fait maintenant deux semaines que je travaille chez VF et j'ai pris mes marques petit à petit. J'avais travaillé pendant une bonne partie de mes études au Boston Globe, mais c'était tellement différent. Là-bas, j'étais la petite étudiante et j'ai dû faire mes preuves pour qu'on me prenne au sérieux. Chez Vanity Fair, ça a été différent dès le départ. Avec mon diplôme et mon expérience au Globe, on m'a tout de suite fait confiance et je dois dire que ça me fait un bien de fou. Retrouver Boston n'a pas été facile mais je ne regrette pas du tout mon choix de revenir dans cette ville qui m'a accueillie durant toutes mes études à Harvard. Midi, je propose à Ise de manger dehors sur le bord des quais pour profiter du soleil et discuter un peu. Petite salade dans mon sac que je jette sur l'herbe une fois arrivée, la gourde d'eau que je sors de ce même sac, je m'installe sur la pelouse et je dégaine ma crème solaire pour me tartiner les bras et le visage. Ma peau de rousse ne tiendra pas 10 min au soleil avant de prendre un coup. "T'en veux ?", que je demande à la brune en lui tendant la bouteille de protection solaire.

depuis l'obtention de ton diplôme il y a presque deux ans, tu n'avais pas quitté la ville à l'inverse de certains de tes collègues de promo. ta vie de famille t'obligeant à rester là, tu avais néanmoins réussi à te faire un bagage suffisament conséquent pour que ton profil puisse retenir l'attention de la rédactrice en cheffe de Vanity Fair. ton double cursus dans la mode et le journalisme avait également retenu son attention pour le poste auquel tu candidatais. aujourd'hui, tu avais le plaisir de compter une de tes amies parmi les nouvelles employées du magazine.
pour fêter la nouvelle, vous aviez décidé de vous retrouver, profiter des premiers rayons du soleil. tuperware et gourde rangés dans ta besace avant d'la rejoindre au point de rendez-vous.

désormais à ses côté, les lunettes de soleil sur le bout d'ton nez alors qu'tu fouillais ton sac à la recherche de la tienne. pestant doucement, elle avait du t'entendre au vu de la proposition.
j'veux bien purée, j'croyais avoir pris la mienne attrapant à ton tour la bouteille, peau pas si fragile, mais à protéger pour ne pas finir toute ridée plus vite que prévu.
ça fait du bien l'soleil purée..., qu'tu lâchais en étalant l'produit sur ton visage avant de le lui rendre.

Si on m'avait dit il y a quelques mois que j'allais bosser pour Vanity Fair, je ne l'aurais pas cru. Non seulement parce que ça n'était pas forcément dans ma ligne de mire, mais aussi parce que ça me semble trop beau pour être vrai ? J'ai travaillée comme une folle à la fac pour avoir les meilleurs résultats possibles et j'avais des lettres de recommandation en béton en quittant l'université grâce à tout le travail que j'ai pu faire. Faut dire que le journalisme, c'est vraiment une passion et si j'ai adoré cette petite expérience en journalisme d'investigation que j'ai fait à New York, l'environnement que m'offre VF me convient parfaitement. J'essaie toujours se faire profil bas après ce qu'il s'est passé à New York car même si ma parano a un peu diminuée, j'ai toujours peur qu'on vienne me chercher des emmerdes à nouveau à cause de mon nez que j'ai voulu fourrer dans ce qu'il ne me regardait pas.

Je file à Iseul ma crème solaire, "C'est clair... mais j'peux te dire que je peux vraiment pas vivre sans ça", que je lui dis en allongeant les bras face à moi. "Si j'en mets pas toutes les deux heures, je finis rouge écrevisse et je chope un coup de soleil" Même en temps nuageux je peux avoir ce genre de péripéties. Je prends mon tuperware et je commence à piquer dans la salade pour en manger une bouchée. "Faut que tu me racontes les gossip du boulot. J'ai l'impression que y'a une gue-guerre entre la team culture et la team mode, je rêve ou ?" Petit sourire en coin. "Y'a Jessica qui me fait les yeux doux depuis que j'suis arrivée, j'crois qu'elle m'aime bien" Elle m'aime même un peu trop si elle veut mon avis. Mais si ça peut m'attirer les faveurs d'une membre de l'équipe, je ne vais pas le plaindre hein.

pas l'genre de peau chargée en mélanine, mais finalement tu t'en sortais pas si mal que ça, ayant la chance d'avoir un teint halé à force d'exposition au soleil, on pouvait pas dire que t'étais bronzée, juste un peu moins claire que l'hiver.
on peut pas avoir ta chevelure et supporter l'soleil.., léger rire dans ta voix, t'avais toujours été admirative d'la belle chevelure rousse qu'avait ton amie.
ohla ... tu sais, j'suis revenue y a pas longtemps au boulot, j'étais en arrêt et télé-travail pendant presque un an... j'ai l'impression d'être aussi nouvelle que toi, y en a pas mal que j'ne connais pas encore mais j'ai remarqué qu'les filles de mode avaient un esprit un peu peste des fois alors ça m'étonnes pas, j'préfère rester loin d'tout ça pour l'instant j't'avoue.. maintenant que ta vie s'était enfin appaisée, qu'tu avais retrouvé et trouvé des nouveaux repères, t'avais pas la tête aux rumeurs de bureau.
comment ça les yeux doux ?, qu'tu lâchais en écarquillant les yeux, tu veux dire qu'elle te fait des avances ?, qu'tu lâchais en riant doucement.

Légère grimace sur mon visage, parce que je sais qu'elle a raison. "Ouais, c'est vrai.. je préfère avoir mes cheveux", que je lui dis en lui souriant grand. Faut dire que c'est un peu ma caractéristique : mes cheveux de feu qui attirent tous les regards, qu'on hésite pas à complimenter. Je l'écoute parler et je ris un peu alors que je pique ma fourchette dans ma salade. "C'est vrai, j'avais oublié ce détail..", que je dis en haussant les épaules. Être en télé-travail, ça n'est vraiment pas pareil que d'être en physique au bureau, donc tu m'étonnes qu'elle se sent un peu comme une nouvelle. "J'avoue qu'elles ont pas l'air commode..", que je dis en faisait référence à la team mode. Je secoue la tête en riant, cachant ma bouche. "Non elle me fait pas directement des avances", que je dis avant d'hausser les sourcils de manière exagéré. "Mais tu sais.. les regards, ça trompe pas", que je dis avant de poser ma salade devant moi. "Elle est mignonne, mais j'peux toujours pas m'empêcher de... enfin, tu sais" Comme si ne pas dire "Billie" à voix haute rendait la chose moins réelle. Faut vraiment que je me l'enlève de la tête, sinon je vais jamais avancer... mais c'est compliqué de faire alors, que je suis de retour ici.

Il y a toujours un espèce de paradox entre la manière dont les gens me perçoivent et qui je suis réellement. Je passe facilement pour la demoiselle douce qui n'arrive pas à faire entendre sa voix, or, ça n'est pas moi. Douce oui, je le suis, mais je peux montrer mes crocs lorsque j'en ai besoin. Je n'ai pas été présidente de la Dudley pour rien, après tout et ça montre que j'ai clairement du caractère. Alors j'hoche la tête quand Iseul me propose d'intervenir et de lui faire part d'un quelconque malaise, parce que je sais que ça part d'un bon sentiment, mais je ne pense vraiment pas que j'en aurais besoin. Après tout, c'est mon sale caractère et ma détermination mal placée qui m'a poussée à quitter New York de manière précipitée pour revenir à Boston. Mais ça, Iseul ne le sait pas, car je n'en ai pas parlé à beaucoup de gens. Je soupire longuement quand elle me demande comment je me sens par rapport à tout ça. Je présume qu'elle parle sentimentalement parlant. "Honnêtement j'en sais rien, c'est... compliqué", que je dis avant de grimacer en regardant ma salade dans laquelle je mets quelques coups de fourchette. "J'ai vécu beaucoup de ruptures et de déceptions amoureuses mais bizarrement, celle-là est vraiment.. différente" Dans le sens où ça va faire un an que Billie et moi sommes réellement séparées et bien que j'essaie de tourner la page, il y a toujours un petit truc au fond de moi qui fait que je n'y arrive pas totalement. "Je sais pas pourquoi.. peut-être parce que j'ai l'impression qu'on a laissé notre relation pas réellement terminée ?" Dans le sens où on s'aimait encore, on arrivait juste pas à passer au dessus du sentiment de trahison qu'on ressentait chacune l'une envers l'autre. "Des fois j'me dis que j'aurais dû me battre plus pour nous" Et après j'me souviens aussi des perspectives d'avenir qui posaient déjà problèmes, rien que dans le fait que je voulais des enfants et pas elle.