— give a fucks' on vacation (astoria)

deuxième étage du bateau qui servait de boîte de nuit, accueillait le groupe d’étudiantes qui célébrait les résultats des examens. elle s’octroyait cette folie, de veiller très tard. vêtue de sa plus belle robe, sur la piste où les éclats de rire se faisaient trop forts sous la musique. le besoin de remplir son vide, et la voilà qu’elle rejoignait le comptoir en forme de cercle pour passer commande. son regard qu’elle laissait promener dans cette foule, s’arrêtait sur un visage devenu inconnu mais à jamais familier. près de deux ans passés depuis qu’elles avaient été dans la même pièce. incapable de savoir ce qu’elle ressentait, flora. figée devant cette vision, les mains entourant le verre nouvellement rempli un peu plus fort. en bonne compagnie. et elle le reconnaissait, ce regard. transportée en arrière, lorsqu’elle jouait de ses charmes pour la rendre malade. le goût assez amer en bouche pour laisser l’impulsion dicter ses pas, en leur direction. – ah, t’es là ! grand sourire aux lèvres, le regard directement posé sur elle. – oublie pas de passer par chez moi, j’ai ton traitement pour les mycoses. qu’elle dit suffisamment fort pour que lui aussi puisse entendre. qui voudrait séduire une inconnue à l’infection contagieuse ?

j'avais l'impression d'en avoir besoin, de ça. cette adrénaline qui monte dans le corps quand on sent qu'on y presque, qu'on repartira peut-être avec quelqu'un, ce soir. je devais passer à autre chose et j'enchaînais les corps, j'enchaînais les âmes, je cherchais des morceaux d'elle dans chaque regard, chaque courbe. j'observais les démarches, j'observais les ridules au coin des yeux, le pli des lèvres. forcément, j'avais un type : celles qui lui ressemblait. pour les hommes, c'était différent, je m'en moquais. et là, d'un coup, alors que mon rire se mêle à celui d'en face, ce fantôme qui me hante apparaît. – ah, t’es là ! un électrochoc du cœur, sortez moi de là, je ferais beaucoup pour que ce sourire me soit adressé le plus sincèrement du monde. – oublie pas de passer par chez moi, j’ai ton traitement pour les mycoses. bien sûr, flora se doit de faire ça. mon visage reste de marbre, je prends une gorgée de mon verre et souris, voyant mon intéressée dire qu'elle va se rafraîchir. – wow super, et maintenant quoi flora ? la colère qui s'entends dans la voix, parce que voilà, c'est fait, et on fait quoi ? – tu vas repartir de ton côté, moi du mien, donc t'as gagné quoi là ? j'avais oublié à quel point t'était belle, à quel point tu m'attirais encore plus, quand t'était jalouse.

la scène des retrouvailles imaginée mille fois. chacune de ses visions teintée de rancune, le goût amer de l'abandon qu'elle ressentait encore près de deux ans plus tard. en face, rien n'était plus. l'arrêt du myocarde un court instant, pour finalement ne rien contrôler de ses gestes et ses paroles. sourire placardé, la cible si facilement vaincue. sans jamais la quitter des yeux, elle. son visage détaillé, comme pour la redécouvrir, ou y retrouver cette familiarité. rien n'était plus jubilatoire que ça. ce sous-ton de colère maîtrisé. qu'elle reconnaitrait toujours, flora. sa voix qu'elle avait presque oublié, sans qu'elle ne l'ait pour autant réellement quittée. le raz de marée qui l'envahit. elle se souvient des rires, des paroles douces de cette même voix, celles qui l'avaient faite tomber. des cris, des mots tranchants qui l'avaient brisée. – tu repartiras seule, j'ai déjà gagné. l'aveu sans vergogne. sans la fierté qui s'était trop mise entre elles, pour finalement les séparer. rien à perdre, pour celle qui n'avait plus à garder. le plus raisonnable aurait été de tourner les talons et retourner vers ses amies, mais son groupe était aux oubliettes dès lors que les yeux s'étaient posés sur astoria. – bois un verre avec moi. la place réchauffée par le flirt du soir, désormais occupée par l'ex.

j'en ai rêvé, ses traits, ses mots, son odeurs, ses mouvements. je l'ai imaginé mille fois, dans des lieux différents, dans des tenues aussi bien comme celle de ce soir ou bien plus légère. je l'ai rêvé, ce moment. si bien que maintenant, je suis désarmée, désemparée, je sais même plus où aller. – tu repartiras seule, j'ai déjà gagné. et tu vois, toi tu prends ça pour un jeu mais moi je sais que j'ai déjà perdu. j'ai perdu tellement de fois, flora. j'ai perdu le jour où je t'ai quitté mais j'ai aussi perdu le jour où j'ai décidé de te suivre. Wow, félicitations Flora pour ce soir du moins, parce que maintenant que t'es plus là, je ne compte pas mes sorties et je suis sûre que toi non plus. on a certainement connu des corps, mais peu de cœurs. de mon côté, du moins, je peux te l'assurer. pas à voix haute, par contre, ça jamais. égoïstement, j'ai pas envie de savoir ta réponse, j'ai pas envie de savoir si oui ou non, quelqu'un a réussi là où j'avais moi même échoué. – bois un verre avec moi. regarde la femme, impossible de lui refuser quoi que ce soit. seulement si c'est toi qui paie. tu viens de faire partir ma compagnie du soir, tu me dois au moins ça. je pose les armes, m'assois à côté d'elle, posant mon regard dans le sien. alors, comment ça va, depuis le temps ? une seule question me brûle les lèvres : est-ce que t'a trouvé quelqu'un, mais je la poserais pas, et si t'es ici avec moi, j'en doute. ou alors, je doute que ce soit très sérieux. est-ce que je te manque comme tu me manques, parfois, flora ?

vision lunaire. proche de celle qu’elle a tant aimé, sans y avoir le même accès. les souvenirs remontent. toutes ces soirées à se provoquer, à avoir mal de la sentir trop proche d’autres. de toutes ces actions faites pour se blesser mutuellement. les habitudes ne partaient jamais, comme celle de se débarrasser de la menace. – ça me va. armes déposées, place prise à ses côtés. l’envie de rire face à sa question, sa volonté de rattraper le temps perdu. par sa faute. – génial. j’suis passée vice-capitaine de l’équipe de tennis à harvard, on va sans doute se diriger vers le championnat la rentrée prochaine. son but depuis son arrivée, dont elle lui avait tant parlé. l’envie de prouver que ça allait, sans elle. que sa vie s’était pas arrêtée quand elle l’avait quittée. pourtant, ça avait été le cas. que le tennis pour la raccrocher et pas lui donner envie de tout foutre en l’air. le coeur était plus, mais la carrière restait. – tu l’aurais su, si t’avais pas disparu. l’attaque impossible à retenir. ne pas paraître amère. son regard tourné pour passer commande au barman. se décrocher de la rancoeur qu’elle sentait remonter à la surface, l’inspiration discrètement prise pour avoir le courage de la regarder à nouveau. – et toi ? tu deviens quoi sans moi ? la question plus directe.