War Never Changes (ft Salomée & William)

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I will never disappear
For forever, I'll be here

Jamais il n’aurait un jour cru côtoyer une princesse. Ni quelqu’un qui se rapprochait du portrait caricatural dont l’on s’en faisait de nos jours… et encore moins quelqu’un qui possédait le réel droit divin de régence dans son sang.

Et pourtant, les voies du destin sont impénétrables.

Depuis les angoissants épisodes de 2018, l’existence de la descendante de la lignée d’Orange-Nassau maintenant exilée au nord du défunt New Netherlands et le fonctionnaire fédéral Bennett avait commencée à s’entremêler de façon mystérieuse. Elle, qui parcourait le monde, dînait aux meilleures tables en compagnie de ce que le restant du monde considérait à peu près comme les acteurs du nouvel ordre mondial. Lui, qui mangeait un cheeseburger avec frite chez Johnny, le roi de la patate, seul, à quelques kilomètres de chez lui à 23h du soir.

Pourtant, en quelque part, leur vie tangentielle parvenait toujours à trouver quelques petits points d’intersection. Points qui se faisaient même de plus en plus fréquents, notamment depuis son propre déménagement sur Boston, mais également dans les derniers mois. À cause d’une résurgence des tentatives de Monsieur pour imposer une réalité imaginaire.

Parce que Bennett ne se voilait pas la face : elle lui offrait le privilège de son auguste compagnie pour le remercier de son soutient à certains moments cruciaux. De l’histoire, il n’était que le chevalier, après tout. Pas qu’elle le prenait de haut. Au contraire, même. Mais il ne se voilait pas la face. Ils appartenaient à des sphères d’existences bien distinctes. Même si ça heurtait son orgueil de l’admettre

Aujourd’hui appartenait à l’une de ces intersections. Lors de l’une de leurs conversations, alors qu’il se lançait la balle avec Junon dans le jardin de Salomée, il avait mentionné son intention de participer, comme à chaque année, aux cérémonies entourant le jour du souvenir. Et, spontanément, elle avait proposé de l’accompagner. D’abord surpris, considérant la nature hautement politisée de cette journée, il avait fini par accepter avec joie.

Habillé sur son 31, avec son uniforme des plus grandes occasions qu’il ne mettait plus si souvent que ça, ils assistèrent dans un silence respectueux aux cérémonies officielles. Ils se dirigèrent ensuite doucement vers le jardin de drapeaux érigé spécialement pour l’occasion. Encore empreint de la solennité de l’événement.

Sans se retourner vers elle, il lança, en continuant de regarder le sol devant ses pieds.

«Je t’ai déjà dit que j’ai failli m’enrôler ? »

Il était généralement avare de commentaire sur sa personne. Il ne parlait réellement de lui que lorsqu’on lui posait des questions directes, et n’avait évoqué que très succinctement son divorce d’avec Ilithya, le départ de ses sœurs, le renouveau de sa relation avec Victoria, ainsi que la fin abrupte de celle-ci.

Mais étrangement, maintenant, il se sentait plus près de Salomée que jamais. Parce qu’au fond, ils avaient traversé une guerre en quelque sorte, eux aussi. Et que rien ne parvenait à rapprocher plus efficacement que de traverser ensemble un champ de bataille, main dans la main, sous le feu de l’ennemi. Peu importe tout ce qui les séparait.

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Why do you risk your life for others?
Why do you inflict so much pain on yourself?

Pour n'avoir jamais véritablement goûté à la réalité, n'ayant connu que ses propres combats, elle avait grandi dans l'opulence de son château, entourée de servantes dévouées. Salomée avait joué avec les règles du jeu, et s'était retrouvée enceinte d'un roublard. Par désir de respecter le sang noble d'une destinée trop accablante, Lomée n'avait jamais pensé à autre chose qu'à elle-même. Telle était la règle d'une reine, ou du moins d'une future reine. Il y a de cela quelques années, autant d'années que l'âge de son fils, elle avait renié son identité, mais, contrainte de jouer les diplomates, elle avait fait acte de présence. Un affront pour la famille royale, elle se tenait sur le sol américain lorsque William lui parla de cette journée particulière de souvenir. Elle en fut émue, n'ayant jamais envisagé une telle situation. Elle se l'avoua... elle aussi souhaitait sortir de sa zone de confort, décoller l'étiquette d'une Orange-Nassau et marcher parmi les autres, dans les méandres des souvenirs d'une vie passée, qui ne cessaient de raviver les blessures du présent.

«Je t’ai déjà dit que j’ai failli m’enrôler ?»

Elle se tourna vers lui, sa robe moulant ses courbes avec élégance. Elle contempla l'attirail presque parfait de William, mais une chose la gênait : son col et sa cravate. Elle posa délicatement ses mains dessus, les desserra et refit le nœud, un regard insistant lui indiquant de ne pas insister davantage. Elle s'arrêta un instant, ses paupières se plissant dans une expression d'incompréhension ou de surprise. Tant de questions surgissaient en elle. «Qui êtes-vous vraiment, monsieur Bennett?»La princesse se retourna légèrement, adoptant une posture olympienne. Elle soupira légèrement... «J'en apprends chaque jour sur toi" et, regardant droit devant elle, ajouta : «et pourtant, il reste tant de mystères et si peu de réponses?». Elle avançait, l'invitant à la suivre, le travail d'une vie entière de prestance et de faux-semblants... Tandis qu'elle souriait et saluait quelques visages familiers à distance... «Raconte-moi...» dit-elle, curieuse, s'arrêtant au milieu de la scène, se rapprochant de lui... «Pourquoi? Pourquoi ne pas avoir cédé? Je t'imagine bien sur le front et, en même temps... je me demande pourquoi tu aimes tant risquer ta vie pour celles des autres...» Son regard se perdait sur le côté... «Tu aurai pu être l'un de ces héros anonymes... un simple nom, oublié... pour avoir tout sacrifié.»  Salomée soupira.

On donne sa vie pour une princesse, pas le contraire. Elle ne savait pas si elle pourrait en faire autant. Cependant, lorsqu'elle voyait le visage rayonnant de son fils, elle savait qu'elle donnerait tout pour qu'il soit heureux. La princesse remarqua les flashs des appareils photo qui crépitaient autour d'elle. Avait-elle attiré la presse? Elle se sentit mal à l'aise... lança un regard à William, un signal silencieux de ce qu'elle ressentait, pour toutes ces années à la protéger, ce preux chevalier, sans jamais faillir, à chaque priorité, à chaque angoisse et crainte... Il avait été d'une aide inestimable. Alors, quand elle se sentit assaillie par le bruit des flashs, elle posa ses lunettes noires sur le bout de son nez, son visage se figea... elle se rapprocha de lui, se sentant en sécurité à ses côtés.

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For forever, I'll be here

Une fois la surprise de voir sa royale accompagnatrice se planter devant lui pour ajuster son nœud de cravate, il ravala ses protestations et adopta une posture similaire au garde-à-vous. Il se targuait normalement de son habitude de sortir adéquatement vêtu. Il repassait lui-même ses chemises avec minutie et ne sortait que très rarement, pour ne pas dire jamais, en tenue décontractée. Un leg de son père.

Ses petits efforts individuels pour soigner son apparence ne soutenait cependant aucune comparaison face aux pratiques de n’importe quelle cour royale, avec ses siècles d’expérience à entretenir une minutie qui, dans n’importe quel autre contexte, serait considérée maladive.

Il demeura donc ainsi, stoïque, avec un léger sourire en coin, le regard plongé dans des yeux qui ne voyaient que les plis rebelles de sa cravate, dans un geste d’une familiarité à laquelle il ne s’attendait. Il n’y avait eu que deux femmes qui s’étaient permise un geste similaire. Sa petite sœur, Erza, dans ce qu’il avait toujours considéré être sa façon à elle de tendre la main vers son monde à lui. Et son ex-épouse, Ilithya, qui ne le faisait pas tant pour corriger son accoutrement, mais bien pour se donner du courage à elle-même.

«Est-ce ainsi qu’on porte la cravate au palais royal d’Amsterdam ? »

Il se demanda brièvement sur qui elle avait pratiqué sa technique, mais il n’osa pas aller plus loin dans cette réflexion, craignant de connaître la réponse.

Il ne put réprimer un bref ricanement sarcastique lorsqu’elle lui demanda, rhétoriquement, qui il était. Si elle savait à quel point sa question était juste. Il y avait maintenant plusieurs années que plus personne ne détenait cette réponse. Pas même William…

«Tu exagères, Salomée. Je suis simplement de la vieille école. Je ne trouve ni pertinent, ni intéressant, de tenter d’expliquer qui je suis autrement que par la façon dont je vis, tout simplement. »

En proportion, il connaissait effectivement beaucoup plus de détails de sa vie à elle qu’il n’en avait laissé filtrer de la sienne. Mais, contrairement à elle, à part cette aura de mystère légèrement artificielle, il n’avait rien de tangible à offrir…

Only smokes and mirrors

À sa prochaine question, il chercha l’inspiration dans les milliers de drapeaux qui les entouraient. Avant de finalement reporter son attention sur la jeune princesse en exil.

«Principalement parce que nous ne sommes pas gouverné par une jeune reine humaine, courageuse, curieuse, bienveillante et amoureuse du monde. Là, je n’aurais pas su résister. »

Il lui accorda un bref sourire, question de l’aider à devenir à quelle reine il faisait allusion, puis il poursuivit, en détournant le regard vers l’ouest.

«Je ne sais pas exactement pourquoi. Un ensemble de petite chose, je dirais ? Mes sœurs, déjà. La plus jeune n’avait que 8 ans quand je suis tombé en âge de m’enrôler. Ça m’aurait manqué, de ne pas pouvoir la voir grandir. Ma copine de l’époque n’était pas très chaude à l’idée non plus. Puis, les événements se sont enchaînés, et quand j’y ai songé à nouveau, on m’a offert une opportunité que je ne pouvais pas refuser. »

Opportunité qui l’avait conduit au FBI.

Il se retourna ensuite vers Salomée.

«Je te corrige, par contre : l’altruisme n’a jamais fait partie de mes motivations. Pour moi, s’enrôler est au contraire quelque chose d’intimement personnel. C’est une puissante affirmation de soi. De ce qui nous importe vraiment. Et de ce que nous considérons absolument inacceptable. »

Il y pensait encore, occasionnellement. Même si à son âge, les paramètres de son ‘enrôlement’ seraient complètement différents.

L’ambiance changea rapidement lorsque, attirés par les différents dignitaires rassemblés pour l’événement, les flashs des médias officiels et des photographes opportunistes se firent plus insistant.

«Tu sais, ça fait longtemps que j’aurais dû te dire ça, mais… »

Il prit une profonde respiration, avant de souffler :

«Ils peuvent te voir même lorsque tu mets tes lunettes. »

Espérant que son trait d’humour suffise à détendre un peu la néerlandaise, il installa néanmoins l’oreillette qu’il avait prévu pour l’occasion, avec le fil blanc tortillé que le cinéma nous avait appris à associer aux agents de protection. S’assurant qu’elle soit bien en vue des photographes. Si ça pouvait faire en sorte de lui éviter quelques rumeurs gênantes…

«Viens- vas serrer la main du sénateur et de sa femme ? Ça leur fera plaisir, et peut-être qu’ils te laisseront en paix par la suite ? »

Il parlait bien entendu des photographes. Et tandis qu’il l’incitait à avancer pour rejoindre le groupe qu’elle avait salué précédemment, il poursuivit.

« Dis-moi, tu es encore populaire, aux Pays-Bas ? Ça vaut combien, un cliché de toi ? Asking for a friend, bien entendu…»

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Why do you risk your life for others?
Why do you inflict so much pain on yourself?

"J'ai souvent aidé mon petit frère..." Elle sourit, un souvenir traversant son esprit... Mon père était si strict à ce sujet. Finn, malgré son intelligence et sa beauté, avait du mal à s’y faire et me demandait toujours de l’aider. Puis, j’ai souvent fermé les yeux avec le père de mon fils. Il n’aimait pas ce genre de tenue. Elle pensait à tous ces principes qu’elle s’efforçait de réprimer, mais William faisait raviver ses habitudes, ces siècles de bonnes tenues... qui l’obligeaient à se rappeler qui elle était par la même occasion.

"Mais, je ne voudrais pas que tu manques cette chance exceptionnelle de te faire remarquer par ces jeunes demoiselles." Elle rit légèrement. Observatrice, elle sentit son regard posé sur elle et, tout en finissant d’ajuster son col, elle murmura : "Tu es distrait, William," avant de s’éloigner.

"De la vieille école ?" Elle glousse... "Nous n'avons qu'une année de différence et pourtant, j'ai l’impression que tu es mon grand-père." Elle accroche son avant-bras..."Tu ne m’auras pas, William", pense-t-elle, mais elle continue dans ses réflexions.

"Une jeune reine humaine, courageuse, curieuse, bienveillante et amoureuse du monde. Là, je n’aurais pas su résister."

Elle rougit tandis qu’elle se tourne vers lui. "William," elle rit doucement, "quel beau parleur ! C’est bien la première fois que je reçois autant de compliments." Elle joint ses bras contre son ventre, une manière de se consoler elle-même. Elle avait toujours été perçue comme la femme insaisissable, celle qui détruit les cœurs, qui fait mal, qui fuit. La Lomée qui disparaît enceinte, qui n’a pas le droit de dire qu’elle a souffert aussi, celle qu’on déteste et critique... cette Lomée-là, peu de gens ici à Boston la comprendraient. Ils la voient comme la princesse déchue, la fugitive des sentiments, la femme impitoyable.

Mais derrière cette façade de dureté, il y avait des blessures, des peurs et des regrets. Les années à fuir ses responsabilités royales et ses relations l’avaient marquée plus profondément qu’elle ne voulait l’admettre. Sa vie était une suite de décisions difficiles et de sacrifices cachés. Chaque sourire masquait une tristesse, chaque éclat de rire une douleur refoulée.

Il n’y a que Junon, son fils, qui l’aime véritablement et sans condition. Lui, innocent et pur, voit au-delà des titres et des histoires. Son amour est authentique, un phare dans la tempête de sa vie. Elle sourit silencieusement en pensant à lui, une chaleur douce envahissant son cœur. Le pourpre rosi envahissait ses joues blanches, un mélange de honte et de gratitude.

William, avec ses mots gentils et ses regards compréhensifs, réveillait en elle une vulnérabilité qu’elle avait appris à cacher. Pour la première fois depuis longtemps, elle se sentait vue, pas seulement comme une figure publique ou une princesse en disgrâce, mais comme une femme avec des rêves, des peurs et des espoirs. Ses compliments n’étaient pas seulement des mots, ils étaient des ponts vers une part d’elle-même qu’elle croyait perdue.

"Merci, William," murmura-t-elle, presque pour elle-même. C’était un début, un petit pas vers la réconciliation avec son propre cœur. "Alors donc, tu es consciencieux... tu penses plus aux autres qu’à toi-même... surprenant." Elle n’avait vu jusque-là que le côté très autoritaire, réfléchi, un sérieux sans limite lorsqu’il bousculait les règles pour la protéger, elle et son fils. Ses mots résonnèrent en elle. Elle posa une main sur son épaule...

Et lorsqu'il lui parle d'altruisme, elle répond : "C’est magnifiquement dit." Une prestance qui semblait la toucher, et elle se retourna, la gorge tiraillée, comme si elle se réalisait manquant de conviction pour quoi que ce soit.

"Ils peuvent te voir même lorsque tu mets tes lunettes."

L'ironie battant son myocarde, elle se retourne boudeuse vers lui et le pince fortement. "Hahaha, William, tu es tellement marrant, William..." avance-t-elle en soupirant. Elle suit l’instruction du jeune homme, s’avance vers le sénateur et tend la main qu’il n’hésite pas à baiser... gênée face à cet homme d’une soixantaine d’années, sa femme sourit également nerveuse...une habituée. "Quelle organisation !" renchérit-elle, "je suis si heureuse de pouvoir participer à cet événement." Il rebondit, insistant sur le fait que c’est la première fois qu’ils ont une princesse néerlandaise, généralement d’autres pays, comme l’Angleterre. Elle rétorque en disant que les temps ont changé et que la Hollande s’ouvre plus au marché international. Avant de siffler entre ses dents lorsqu’elle s’éloigne... elle rigole lorsque William la taquine. "Oh non, je suis réduite au titre de comtesse, pour eux, je ne suis pas bien intéressante dorénavant... Mon frère est beau, tous les tabloïds s’arrachent sa vie..."

Elle ne veut pas avouer qu’elle est aimée du peuple et qu’il lui pardonne à chaque fois ses excès. Comme une jeune Diana, ils l’adorent et espéraient qu’elle puisse gouverner. Elle représente le cœur et la ferveur, Finnick le sérieux et la droiture, et certainement une rigidité qui fait peur aux Hollandais. "Par contre, un cliché de moi vaut tout de même 150 000 dollars, tu sais... une reine déchue, il y a de quoi écrire dans les tabloïds. Et je sens déjà les prochains gros titres : 'Relation cachée avec son agent secret'" elle rigole... "Si tu continues de te coller à moi," qu’elle lâche pour le provoquer, creuser une fausse distance pour avoir été fouillée dans son être... "1 mètre de distance." Son regard devient froid. "Allez hop, encore et encore..." elle rit... "Tu es si docile, William..." Elle se retourne. "Nous verrons ce que diront les tabloïds... demain." Elle tourne sur elle-même et marche à reculons. "Et si je me mets en danger..." qu’elle chuchote, "tu crois que nous risquons de gagner quelque chose ? Ces journalistes n’attendent qu’une histoire croustillante à se mettre sous la dent... et tu verras si je suis toujours aussi populaire..." Elle touche la cravate... "C’est un jeu, ne l’oublie pas... Je te rappelle que si tu t'attaches, nous risquons de rompre le contrat et bien évidemment ce n’est pas ce que nous souhaitons, n’est-ce pas ?"Elle rit. "Asking for a friend... Tu es du genre à t'attacher à tes principes ou à savoir changer d’avis ?".

Elle recule, les yeux pétillants, des flashs apparaissant et la faisant rire, intensifiés... ils devraient se calmer.

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Elle lui rappelait une actrice. Ou la mer. Toujours changeante, fluide, s’adaptant et réagissant aux courants. Aux vents. Au passage de la lune. Et à une myriade d’autres forces millénaires et imperceptibles. Parfois calme et paisible. D’autre, joueuse et amusante. Turbulente et dévastatrice ? Il n’en avait pas encore fait les frais, mais il ne doutait pas une seule seconde qu’elle pourrait le faire couler d’un claquement de doigts. Quand bien même ses intentions soient des plus innocentes.

Il se demandait, parfois, souvent, si elle savait seulement ce qu’elle voulait être ? Si elle parvenait parfois à se façonner elle-même, plutôt que de subir les forces extérieures ?

Et si elle prenait conscience d’à quel point elle entraînait tous ceux qui l’entouraient ?

Il siffla avec admiration lorsqu’elle lui dévoila un montant.

« Ah ouais, quand même.»

Il sortit dans le même geste son téléphone et s’empressa de croquer sur le vif un portrait de sa partenaire de la journée. Rapidement suivi d’un deuxième et d’un troisième.

« Je t’ai mentionné que j’ai rempli les documents de ma démission ?.»

Sa boutade sur les verres fumés semblait avoir suffit à lui insuffler un second souffle, et à transformer l’angoisse initiale provoquée par les photographes en une exubérance presque adolescente. Une jolie mer du mois d’août, sur laquelle il fait si bon naviguer. Comme si il n’y avait plus rien à craindre.

Comme s’ils ne parcouraient par le dernier repos d’un millier de soldats anonymes, morts pour des libertés dont ils ne profiteront jamais.

Il se contenta de répondre avec un discret sourire à son manège, continuant d’avancer en ligne droite d’un pas lent tandis que la comtesse s’amusait avec les distances. Il s’agissait après tout d’un jeu où les mêmes règles ne s’appliquaient pas à chaque joueur.

Un de plus.

Réalisait-elle que la seule source de danger ici, c’était elle ?

Il écarquilla brièvement les sourcils en s’arrêtant temporairement.

« Docile ?»

Puis, il reprit son avancée tandis que, piqué par le ‘jeu’ qu’elle évoquait, les engrenages de son esprit commencèrent à se synchroniser. Dans tout jeu, il y a toujours un opposant et une victime. Le secret, c’est de savoir quand nous sommes la seconde, afin de devenir le premier.

« Danger, dis-tu ? »

Il s’arrêta à nouveau, regardant d’abord à gauche, puis à droite, avant de reporter toute son attention sur Salomée, une étincelle d’amusement au fond des yeux tandis qu’elle se plantait devant lui pour laisser son doigt errer sur sa cravate.  

« Je ne sais pas à quel jeu tu fais allusion, mais il n’y a aucun danger ici. »

Il s’avança de quelques centimètres, réduisant à bien peu de chose la distance qui les séparait.

« Invite-moi plutôt à un de ces galas officiels où tu fais miroiter ta royauté. Là, on verrait bien l’étendu de ta popularité… »

S’attacher ? Si seulement elle savait à quel point il était tout bonnement incapable de ne PAS s’attacher aux quelques personnes qui croisaient sa route…

« Je m’inquièterais pour toi, d’abord. Selon les rumeurs, tu as un faible pour les roturiers… Et je ne me souviens d’aucun contrat… Mentionnait-il un dresscode ? »

Parce que clairement cette robe compliquait les choses.

Il rit à son tour lorsqu’elle reprit son expression avec brio.

« Tu pourras dire à ton amie que je suis aussi immuable qu’un roc. Je ne prends jamais aucune décision à la légère...  »

Même celle d’être là, aujourd’hui, en sa compagnie.

Ainsi que celle de ne pas reculer

Il lui devait bien au moins une vérité ?

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« Démission ? » .chuchota la princesse, sa voix à peine audible, comme si ce mot l’avait frappée de plein fouet. Elle se retourna lentement, l’air troublé. Pourquoi ? Ses paroles la transperçaient, résonnant en elle avec une douleur inattendue.

« Tu... on ne se reverra plus ? Ou... je n’ai pas besoin de m’inquiéter ? ». demanda-t-elle, sa voix vacillant légèrement, trahissant l’émotion qu’elle tentait de dissimuler.

Comme s’il pouvait vraiment lui manquer.

Elle le fixa finalement avec un sourire amusé, éprise par ses paroles. Les flash continuant de perturber sa vue. Il pensait tout maîtriser, n’est-ce pas ? Comme un capitaine qui croit dominer les flots. Mais elle, elle savait mieux. Ce jeu-là, elle l’avait initié il y a bien longtemps, et chaque mouvement, chaque parole était savamment orchestrée. Le danger dont il parlait ? Il était réel, mais pas celui qu’il imaginait.

Lomée pencha la tête légèrement sur le côté, l’observant d’un air faussement innocent, tout en laissant son sourire se muer en quelque chose de plus énigmatique.

« Un gala, dis-tu ? ». Elle laissa échapper un petit rire, doux, presque charmeur. « Voyons, tu sais très bien que là-bas, tout est une question de paraître. Tu n'as pas le niveau. C'est un terrain où les apparences règnent, et où ceux qui croient avoir le contrôle finissent par se perdre. »

Elle leva les yeux vers lui, faussement intriguée, mais le feu dans son regard ne faisait que grandir.

« Et si ce n’était pas de moi qu’il fallait s’inquiéter ? Tu parles de ne jamais prendre de décisions à la légère, et pourtant te voilà ici, dans un jeu dont tu ignores encore les règles. »

« Le danger, » dit-elle sans se retourner, « ce n’est pas celui que tu crois. Mais continue de jouer, et tu le découvriras bientôt. » La vie de Lomée peut être sulfurante, elle peut t'aspirer, t'englober. Tu peux y croire le court d'un instant et succomber. Ce luxe qui fait tant rêver, c'est de cela dont les gens tombent amoureux.

Princesse avança d’un pas vers lui, réduisant à néant la distance entre eux. Sa main remonta le long de sa cravate jusqu’à atteindre son col, effleurant à peine sa peau. Resserrant ses crocs peu importe les dira-t-on.

« Un faible pour les roturiers, peut-être... » murmura-t-elle, son souffle effleurant à peine son oreille, « mais il faut bien un défi pour rendre le jeu intéressant, n’est-ce pas ? ». Elle pose une main sur son torse et laisse pianoter ses doigts sur le coeur...« et le dresscode, je viens de l'ajouter ».

Puis, avec un clin d’œil, elle se détacha de lui, le laissant sur place, cette fois c’était elle qui prenait les devants. Elle se retourna, marchant doucement mais sans se presser, certaine qu’il la suivrait.

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Oh, la douce ironie, pensait-il alors que la fragrance de la dignitaire étrangère s’éloignait doucement et que son cœur ralentissait aussi doucement que péniblement. Il ressentait encore simultanément l’euphorie de l’intensité du moment passé et la honte de la leçon qu’elle venait de lui servir. Lui qui rêvait tant de jouer dans les hautes sphères du pouvoir de l’humanité, au point où il est venu à se convaincre que, par son caractère, ses aptitudes et sa force de volonté, il y avait sa place. Comme un gamin qui s’imagine pouvoir jouer dans les ligues majeures parce qu’il lance trop rapidement pour son frère de 5 ans son cadet.

‘’He mistook the stars reflected in a pond for the night sky**.’’

Et elle venait de le lui rappeler avec le panache d’une reine, dans une démonstration qu’il n’était pas près d’oublier. Pour de multiples raisons, d’ailleurs.

Comment avait-il pu être aussi bête. Croire que, parce qu’il était parvenu à manipuler quelques jeunes femmes vulnérables, il pourrait faire danser quiconque à sa mesure ? Salomée avait raison sur toute la ligne. Il ne savait pas dans quoi il s’embarquait, et il n’avait clairement pas le niveau de ses ambitions.

Mais pourtant… elle était-là, n’est-ce pas ?

Il avait misé trop fort, trop tôt et s’était brûlé les mains. Soit.

Il était cependant loin d’avoir dit son dernier mot. Ceux qui croient avoir le contrôle finissent par se perdre, n’est-ce pas ?

Reprenant ses esprits sur un bref soupir, il ramassa à la petite cuillère son orgueil moribond et opta pour se diriger vers les photographes. Sortant son téléphone, il prit quelques clichés rapides de ces derniers, avant d’aborder le plus près d’entre eux.

« Messieurs, est-ce que l’un d’entre vous a réussi à prendre une bonne photo de ce qui vient de se passer ? Pourriez-vous me la faire parvenir ? »

Il sortit quelques cartes d’affaires de la poche intérieur de sa veste sur lesquelles on distinguait indubitablement son affiliation au FBI et les distribua à tous ceux qui ne s’étaient pas retirés suffisamment rapidement.

« Ma mère sera si fière…et maintenant… Rendez la vôtre fière, et laissez un peu d’intimité à la brave dame en cette journée de commémoration, ok ? N’oubliez pas que, maintenant, je connais tous vos visages….  »

Il agita son téléphone qui contenait lesdits visages avant de leur faire dos, sans vérifier l’impact de sa menace voilée. Il entreprit ensuite de rejoindre au pas de course Salomée qui, bien entendu ne s’était pas arrêtée pour l’attendre. Lorsqu’il l’eut finalement rejointe, il calqua son pas sur le sien et entreprit de ranimer la conversation.

« Pardonne-moi – je suis allé demander un souvenir. Alors, éclaire-donc un peu ma lanterne. C’est comment, d’être l’astre autour duquel tout gravite ?»

Au nom de qui tous ses braves soldats sont morts. Il choisit cependant de taire cette réflexion.

« D’être celle qui dicte les règles ? »  

Après un court silence, il poursuivit en la regardant avec un sourire bon enfant.

« Mais surtout : qu’est-ce qu’un homme du vingt-et-unième siècle doit faire pour devenir un baron, ou un duc ? »

C’était laquelle de ces espèces qui se reproduisait avec les princesses, déjà ?

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Il détourne le regard un instant, écartant calmement les paparazzis d'un geste subtil, son cœur manquant un battement lorsque ses yeux se posent au sol. Mais lorsqu'elle relève doucement le menton, contemplant l'horizon, quelque chose change. Il l’a vue mille fois sous les projecteurs, encerclée par la foule, mais à cet instant précis, un bref éclat de vulnérabilité transperce l'armure qu’elle porte avec tant d’élégance. Il n’a pas seulement cherché un souvenir, non… il l'a protégée, lui offrant une éphémère échappatoire à l'enfer médiatique.

Elle se racle la gorge, esquissant un sourire, ses prunelles, juste un instant, le voient différemment.

« Être l'astre, dis-tu... » Elle glousse doucement, portant sa main à sa bouche alors qu'un couple de dignitaires passe à côté d'eux. Ses yeux pétillent de malice. « Tu as une telle aisance avec ce genre de… termes. » Un silence s’installe, plein de sous-entendus, de pensées non dites.

Puis, elle rit. Un rire adouci, presque tendre, qui se mélange à l’air autour d’eux. « M'embrasser, prétendre m'aimer…? vous avez l'air si sûr de vous William, si confiant. » Son regard s’intensifie, se plongeant dans le sien avec une force nouvelle.

« Les spots sont là, et tu n'en profites pas, » dit-elle en indiquant les flashs qui crépitent au loin. « Les rois… les rois prennent des risques que les ducs ou même les barons n'osent pas. Ils connaissent les dangers, et pourtant… ils avancent. »

Elle se rapproche encore, son souffle effleurant sa peau tandis qu’elle chuchote, presque complice : « Si tu veux vraiment jouer dans ces sphères, tu devras faire plus que te tenir à mes côtés... il faudra que tu sois prêt à tomber. »

Elle réduit à néant la distance entre eux, son regard brillant d’une intensité magnétique. « Le champ est ouvert. » Sa voix devient un murmure, ses mots caressant l'air entre eux. « Saisis ta chance, Bennett, ou alors… c'est moi qui jouerai avec toi. » L’insistance sur son nom de famille accentue son ton, à la fois un défi et une invitation.

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For forever, I'll be here

Une seule règle. C’est tout ce qu’il lui restait de ce code moral si cher à son cœur. Ce même code qui le distinguait tant des autres et qui avait alimenté la détermination l’ayant conduit à surpasser tous les défis auxquels il s’attaquait. Dans les dernières années, cependant, il les avait toutes bafouées, page après page après page à un rythme exponentiellement croissant. Mensonges. Abus de confiance. Chantage. Vol. Consommation. Violence. Manipulation. Pot de vin.

Meurtre.

La seule chose qui lui restait encore de la meilleure version de lui-même ?

Never kiss without intent.

Même s’il avait l’air d’un dinosaure dans cette ère où l’intimité humaine ne savait plus s’exprimer que dans l’excès, ça avait toujours été l’une de ses balises les plus importantes. De n’effectuer le premier pas qu’avec la certitude d’être prêt à arpenter ce chemin à deux jusqu’à la fin de ses jours. Même après son divorce, même lorsque tous les pans de son existence s’effondraient les uns après les autres, cette notion lui était demeurée sacrée.

Et là ?

Si on lui demandait d’écrire lui-même le scénario de la tentation ultime, il n’aurait pas su mieux faire. D’un seul geste, elle lui faisait miroiter un accès à ce qui lui prendrait encore quinze, vingt ans à obtenir par lui-même. Voir jamais…

Sans parler du geste en lui-même, empreint de très généreuses promesses.

Il avait besoin de plus de temps pour réfléchir. Les risques étaient gargantuesques, et son cœur n’était pas encore à la bonne place. Mais il savait qu’une occasion comme celle là ne se représenterait probablement jamais…

‘’Hell hath no fury like a woman scorned’’

« Je le suis, » répondit-il en déposant sa main gauche dans le creux de ses reins.

Confiant. Si confiant.

Prêt à avancer.

Prêt à tomber, s’il le fallait. Mais pas avant de livrer la guerre de toutes les guerres.

Il déposa doucement sa main droite sur la joue de Salomée, la caressant doucement du pouce. Le regard plongé dans le sien.

« Je ne perds pas à beaucoup de jeu... »

Puis, délicatement, il vint déposer ses lèvres contre celle qu’il avait jadis secourue. Un baiser prudent. Un baiser qui ne se pressait pas. Un baiser rare et précieux, jusque dans ses plus infimes instants.

Il se détacha tout aussi lentement, en conservant les yeux mis clos. Avant de se redresser et d’envoyer sa main droite rejoindre la gauche, dans une étreinte qui lui rappela ce que voulait vraiment dire vivre. La proximité d’une femme lui avait définitivement manqué…

« Ma parole – c’est donc vrai ce qu’on dit à propos de la magie des baisers de princesse… » , murmura-t-il en appuyant son front contre le sien avec un sourire satisfait.

tw ✧ séduction 

Why do you risk your life for others?
Why do you inflict so much pain on yourself?

Les lèvres ont délicatement effleuré les siennes, tel un papillon se posant sur une fleur, avant d'en faire leur captive. Un frisson électrique parcourt son corps, comme si le temps lui-même retenait son souffle. La pression s'intensifie doucement, et elle s'abandonne, l'espace d'un battement de cœur, dans les bras de son sauveur improvisé. "Je le suis", murmure-t-il, prêt à plonger dans ce jeu égoïste qui les consume. Le doute l'effleure à peine, car il est joueur dans l'âme, aussi séduisant que dangereux. "Je ne perds pas à beaucoup de jeux..." Sa main, chaude et assurée, se pose sur sa joue droite, et son cœur, endormi depuis si longtemps, s'éveille en sursaut. Dans ses yeux, le brun profond semble soudain se teinter d'azur - comment n'avait-elle jamais remarqué la beauté de son regard ?

Les lèvres se cherchent, et Lomée insuffle un rythme nouveau à leur danse, un rire cristallin s'échappant de sa gorge tandis que ses bras enlacent son cou. Il recule légèrement, mais l'étreinte de leurs corps rapprochés fait battre son cœur d'une cadence folle, nonchalante absurdité qui rate quelques mesures. Sensation vertigineuse, comme si la mort elle-même la frôlait, lui faisant réaliser la portée de ses actes.

Tachycardie.

Leurs fronts se touchent, et elle fond comme neige au soleil.

Mais l'histoire n'est pas finie... La grenouille s'est métamorphosée en prince ; ses mains trouvent naturellement leur place autour de son cou pour un nouveau baiser, ses joues s'empourprant délicatement. "C'est pour les caméras", souffle-t-elle dans un murmure complice. "Ferme les yeux, je suis un peu rouillée..." "C'est vrai", admet-elle doucement, "elles ont ce pouvoir magique de transformer les grenouilles en princes". Son regard le scrute, comme s'il s'était véritablement métamorphosé, mais Lomée doit revenir à la réalité, bien que l'instant semble suspendu dans l'éternité. Sa main s'attarde sur son torse avant qu'elle ne s'écarte, attrapant ses lunettes noires pour les poser sur son nez, rempart fragile contre le torrent d'émotions qui la submerge. "Nous voilà liés pour un moment... mon roi". Comme sur un échiquier, où la reine règne en maîtresse absolue tandis que le roi, bien que vulnérable, demeure la pièce maîtresse du jeu. "Honore ta promesse... Si tu aspires au trône, sois prêt à tout sacrifier pour l'atteindre".

Elle s'éloigne avec grâce, pivote sur elle-même et tend une main élégante dans sa direction... "Shall we, Monsieur Bennett ? Vous demeurez, après tout, mon fidèle protecteur, n'est-ce pas ?" L'avenir dira ce qu'il adviendra de cette danse. Dans l'air déjà, elle perçoit les échos insistants des appels de sa mère, comme un rappel du monde réel qui les attend.