FROM HELL
Jour de repos, pas de passage à la salle de boxe pour aujourd’hui. Tu préfères retrouver une amie, une étudiante d’Harvard, d’où t’as présence dans les couloirs de la prestigieuse université. Elle fait partie de ton paysage à présent, il y a bien longtemps que tu as arrêté de t’émerveiller devant sa façade chargée d’histoire, la grandeur est devenue banalité. A vrai dire tu n’y es pas beaucoup attachée non plus, pas vraiment destinée aux grandes études. C’est le ring qui t’a appelé très tôt, assez tôt pour que tu aies le temps de te former et de devenir l’une des meilleures boxeuses d’Italie. Si aujourd’hui tu as troqué tes vêtements de sport pour une tenue plus classique, l’effort se fait toujours sentir au niveau de tes cuisses. La séance de la veille a été particulièrement chargée et tes courbatures peuvent en témoigner. C’est cette raison qui te pousse à trouver un endroit où t’asseoir pour te soulager un peu. Pas le moindre banc dans le couloir, tu entres dans la première salle ouverte que tu trouves et prends place sur une chaise près de la fenêtre au soleil. Yeux fermés tu passes ta main dans ta longue chevelure pour dégager ton visage et cueillir les rayons printaniers, laissant tes boucles brunes retomber librement dans ton dos. Libre. C’est ce sentiment de liberté qui t’anime depuis plusieurs semaines. Ta vie a drastiquement changé ces derniers temps et ça t’a fait beaucoup de bien. Tu as déménagé, tu travailles dans une nouvelle salle de sport et tu as fait le ménage dans tes relations. Tu as été trop gentille, trop complaisante, naïve, pas assez méfiante, et tu n’as récolté que douleur et tristesse. Ça t’apprendra. Le mur est érigé autour de ton coeur, plus solide que le précédent, incassable. Perdue dans tes pensées, tu ne l’entends pas entrer dans la pièce. C’est sa voix qui te ramène. T’ouvres brusquement les yeux, ton coeur rate un battement. Non. Pas maintenant. Tu sais qu’il est là, tu reconnaîtrais sa voix entre mille, mais tu ne veux pas l’accepter. Tu fixes le mur devant toi, immobile, comme si cette immobilité allait te rendre invisible alors qu’il n’y a que toi dans la pièce, avec lui. Il faut que tu sortes, tout de suite. Tu te lèves, réalises trop tard qu’il se tient devant la porte fermée. Ton regard croise le sien et c’est comme si on te brisait le coeur une seconde fois. Il faut que tu sortes. Tu le contournes, attrapes la poignée et pousse, plusieurs fois. « Aller, s’il te plait… » Murmure qui ne sert à rien, tu es coincée. Tu le sais, pourtant tu continues de t’acharner sur la porte.