On est passé par pas mal de chemins, pas mal d' esclandres, de démonstrations, on a été flamboyants, on s’est aimés puis broyés. On s’est presque perdus, plusieurs fois. On a été trop loin, plusieurs fois. On s’est prouvé aussi, on s’est gravés la peau, rectifiés, re gravés, effacés. Des stries sur la peau, un peu partout, sont des signes de nous. J’crois qu’on a fini par arrêter d’être fantasques. Maintenant, on échange un jardin contre l’entretien d’un balcon. Maintenant, on s’touche plus. J’peux plus me contenter de la flamme ridicule d’un briquet que t’allumes puis laisses se faner. On est presque plus que du passé. Et crois moi, à penser et verbaliser, ça m’arrache la gueule. J’me demande si je ne préférais pas la guerre, à ce drapeau gris ridicule autour duquel on danse. "Parce que c'est pas la seule raison pour laquelle je reste." Evidemment. Dans notre ronde, on se mord chacun les mollets, de plus en plus mollement. Mais, toi, tu n’sais plus comment te sortir de ce carrousel, accrochée par cette tige qui te maintient solidement entre nous. Et, moi, j’ai appris à marcher à ce rythme ralenti. Je marche, je marche, je marche. J’me satisfait de seulement voir ton dos, et parfois un morceau de tes lèvres, quand tu viens me lancer un regard. J’pensais pas être encore capable de casser le rythme, de foutre un peu le bordel dans la partition. Tu veux qu'on mange ensemble ? Les pieds plantés dans le sol de ma métaphore, et les orbes plantés dans les tiennes, y a un bref : “J’ai pas faim.” Et puisque c’est faux, rajoute plus plausible : “J’dois me doucher de toute façon, j’vais y aller.” Deux excuses collées l’une à l’autre, qui espèrent en simuler une réaliste. J’me relève, d’un coup, sans prendre la peine de jouer aux transitions ou même d’attendre un délai raisonnable. Demain, j’recommencerais à marcher, mais aujourd’hui j’en ai plus envie. Ou seulement pour amorcer un départ, de quelques pas. C’est pour ça qu’on parle plus des vraies choses, et qu’on regarde toute la pièce sauf l'éléphant énorme en plein milieu, avec nos noms dessus. Me demande pas pourquoi, là tout de suite, j’ai décidé de m’en prendre à lui. J’m’en pince les lèvres, pas assez fort puisque ça passe trop fort. “Tu vas jamais choisir, c’est ça ?” On est tous en position en stand bye. Lui, moi, en tout cas. On fait semblant avec des compagnies qui pourraient tout remporter, on passe à côté de chances trop belles pour nous, parce qu’on est en stand by. En attente, chacun d’un côté. Et toi, pas foutu de faire un pas et d’perdre l’autre. “Quand est-ce que tu vas comprendre qu’il vaut mieux deux heureux que trois malheureux, Leandra ?” T’as jamais été aussi cruelle que dans cette position, même si tu t’auto convaincs de faire le bon choix. En ne tranchant aucune tête, tu nous gardes tous les deux, les amoureux à portée de cœur. La réalité, c’est que t’as peur de perdre l'éconduit. La vérité, c’est que t’as peur de me perdre.
(Jasper O. Ellington)
deux verres vides et le bruit dehors, on habite dans un corridor, tu t'abrites dans ce faux décor. prends moi la tête tant qu'on peut encore, et dis-moi que c'est trop tard, je serais d'accord. deux pièces vides qui résonnent trop fort ; on habite dans un désaccord. - mentissa