déjeuner en paix (Moira)

Première nuit à Miami. En soi elle n'avait pas été désagréable, l'hôtel n'était pas trop mal, plutôt confortable et accueillant dans son ensemble. En d'autres termes il faisait le taf. Bien sûr, tu ne t'attendais pas à loger dans un hôtel de luxe, après tout, tu avais gagné le séjour tous frais payés à une tombola organisée par la ville alors tu n'allais certainement pas faire la fine bouche. C'est surtout que la nuit avait été courte, tu ressentais la fatigue du voyage de la veille ainsi que les effets secondaires de la soirée de bienvenue à laquelle tu n'avais pourtant pas bu. Tu étais juste fatigué à cause des événements de ces dernières semaines qui n'avaient définitivement pas été de tout repos. Tu étais pâle comme un mort et tes cernes prononcés dévoraient la moitié de ton visage, pourtant ça ne t'empêchait pas d'être sur le pont de très bonne heure pour profiter du calme, du silence et surtout d'un bon petit-déjeuner. Vu l'heure, tu ne t'attendais pas à ce qu'il y ait foule, d'autant plus que la plupart de la population étudiante était très certainement en train de cuver leur alcool de la veille. Tu avais donc pris tes quartiers à la table associée à ton numéro de chambre et tu étais en train de lire le journal, en solitaire. Pour la première fois depuis des semaines, tu mangeais avec appétit, sachant que tu allais probablement jeûner jusqu'au soir puisque tu pratiquais  le carême, en accord avec ta foi. Lorsque tu eus terminé ton assiette, tu te levas pour retourner te servir et reprendre du café. Tu revenais avec tes victuailles quand tu eus la mauvaise surprise de constater que quelqu'un s'approchait de ta table. "C'est occupé." Tu dis en désignant du menton la place où tu te trouvais quelques instants plus tôt. "Il y a bien assez de place ici pour que nous ne soyons pas obligés de se mettre au même endroit, non? " Ce n'était pas une question. Tu glissas un regard vers l'écriteau qui portait ton nom et ton numéro de chambre et tu adressas un sourire poli à l'intrus. Quel que soit le motif pour lequel l'autre voulait s'incruster, toi, tu voulais juste finir ton petit déjeuner en paix.  

Ce n'est pas la première fois que le Musée m'envoie par-ci ou par-là, un peu partout dans le monde même parfois afin de ramener certaines acquisitions que "notre boss" a faites. Il faut dire il roule sur l'or ce gars, il n'hésite pas à dépenser des sommes faramineuses si tant est qu'une pièce ou un artefact lui plait. Personnellement, je préfère partir à la chasse d'objets encore à découvrir, dissimulés quelque part au fin fond du monde... Les fouilles me manquent, je l'avoue. L'adrénaline, la découverte, le danger. Cela fait bien trop longtemps que ne m'y suis pas frottée. Aujourd'hui, ce n'est pas plus loin que Miami où l'on m'a envoyée. C'est bien moins folichon mais bon. Cette nuit a été difficile. Du mal à dormir comme bien souvent. Je ne sais même plus quand était la dernière fois où j'ai dormi une nuit complète. J'ai appris à faire avec. L'hôtel est pourtant parfait. Au prix où sont les chambres et les suites, ce serait un comble de ne pas bien y dormir. Ce n'est guère lz première fois que j'y viens et le petit déjeuner est également à la hauteur. La plupart du temps, je ne déjeune pas le matin. Une habitude mauvaise habitude comme disait mon ex-mari de laquelle j'ai un peu de mal à me défaire. Mais, la journée risque d'être très longue. Enfin plutôt la soirée vu l'heure à laquelle mon contact est disponible. Alors ce matin, je fais exception. De toute façon, le matin si je n'ai pas pris au moins un café, je ne peux tout juste pas fonctionner. Parfois, il est même risqué d'entamer une conversation avec moi. Je suis exécrable quand je n'ai pas ma dose. Machinalement, je m'approche de la table que j'ai l'habitude d'occuper quand je viens ici, sauf que cette fois-ci la chambre habituelle n'était pas disponible. Mais, honnêtement j'ai tellement les idées pas claires sans mon précieux café que je ne m'en suis pas aperçue... jusqu'à ce qu'une voix retentisse et me signifie la place est déjà occupée. Mes yeux se relèvent alors instinctivement sur le visage de la personne qui me fait face et dont la voix vient persifler à mes oreilles et dont la seconde phrase passe quelque peu comme un léger reproche. Je pense qu'il peut noter que l'un de mes sourcils s'arque légèrement comme si j'étais quelque peu amusée de la situation. Oups, désolée j'avoue que j'ai pas fais réellement attention c'est la table qui est désignée à ma chambre habituelle. Mais, cette fois-ci ils m'ont mise ailleurs. Vous êtes donc la personne qui m'y a remplacé. dis-je sur un ton amusé en esquissant un léger sourire . Il a de la chance que je ne l'ai pas pris mal étant donné que je n'ai toujours pas pris ce fameux premier café. Je note qu'il semble quelque peu agacé. Comme s'il ne désirait pas forcément être ici. Parfois on dit qu'il vaut mieux être seul que mal accompagné. Parfois le contraire est aussi agréable. Tout dépend de la personne que l'on a en face.    

Il était si tôt en ce dimanche matin que tu ne t'attendais pas à ce que quelqu'un s'incruste à ta table, à plus forte raison que tu étais sans doute un des premiers à venir prendre ton petit-déjeuner pour profiter du calme avant que les premières vagues de touristes prennent d'assaut les tables de l'espace restauration. En l'espace d'un instant tu crus à une erreur - après tout, tu aurais très bien pu te tromper puisque tu avais encore la tête dans le cul, les yeux bouffis de sommeil - mais tu avais discrètement vérifié tes dires histoire de ne pas trop passer pour un con. Il s'agissait bien de la table associée à la chambre numéro 215, autrement dit, la tienne. L'intruse -puisqu'il s'agissait d'une jeune femme - n'avait qu'à aller squatter ailleurs. Bien que tu sois un brin agacé par ce qui ressemblait à un simple malentendu, tu n'étais pas un rustre, et pas de nature à t'énerver pour si peu. Le souci pouvait se régler très rapidement, très simplement, et sans heurts, de préférence. La raison que te donna l'inconnue te laissa à la fois sans voix, et en même temps te paraissait terriblement logique. "Oh." Tu laissas échapper, puisque tu avais sans doute pensé à tout sauf à cette explication, et par conséquent, tu te sentais vraiment bête. "Je vois." Tu regardas la jeune femme de la tête aux pieds, comme pour réfléchir à la situation, et décider ce que tu comptais faire. "Vous n'avez pas été informée que le spring break a commencé hier?" Tous les étudiants, d'Harvard entre autres, commençaient effectivement à investir les chambres d'hôtels et allaient les occuper pendant plusieurs semaines. "Mais oui, je fais partie de cette horde d'étudiants qu'il faut accueillir, quitte à bouleverser un peu les habitudes des habitués du coin." Tu confirmas, pince-sans-rire comme à ton habitude - tu avais le chic pour plaisanter tout en gardant ton sérieux. Tu te dis alors que, si cette femme n'avait pas été informée de la situation exceptionnelle, c'était que le personnel de l'hôtel n'avait pas correctement fait son travail et que par conséquent, elle ne devait pas subir les conséquences de cette erreur qui n'était pas de son fait. Dans ces conditions, qui étais-tu pour la blâmer? Avant de te rasseoir, tu ramenas tes affaires vers toi, de façon à lui faire de la place pour qu'elle puisse s'installer. "Ça ira pour cette fois." Tu dis avant d'attraper un couteau pour beurrer ta tartine méticuleusement. "J'imagine que vous n'êtes pas là pour le spring break?" Elle était une habituée du coin, mais cela ne disait pas si elle était ici pour le travail ou les loisirs. Elle semblait un peu âgée pour être encore une étudiante mais tu posais quand même la question, parce que tu savais que des non étudiants y allaient aussi, tant que ça ne les dérangeait pas de cohabiter avec les plus jeunes.

Le jeune homme qui me faisait face sembla assez étonné. Il me regarda un peu comme s'il me sondait ce qui m'amusa légèrement. Il me parla de " Spring Break" c'était donc cela, la raison de la cohue dans la salle de déjeuner ce matin. C'est vrai que je n'avait pas été habituée à tout ce monde les fois précédentes. J'avais déjà entendu parler de ces fameuses activités dans les universités canadiennes ou américaines mais, moi j'avais fait mes études en Irlande et cela ne se passe pas du tout de la même manière. Je pris un petit air intéressé tant qu'a faire puisqu'il en était aux questions autant m'intéresser un peu aux pratiques en cours ici. Je n'attendis pas vraiment qu'il me dise de m'assoir que je déposais déjà mon café sur la table. Spring Break? Pas vraiment je vis ici depuis trois ans. Je suis en Floride pour récupérer des artéfacts pour le musée d'Archéologie de Cambridge. J'ai fais mes études en Irlande et ce n'est pas la même chose là-bas. Je portais mon café brûlant à mes lèvres, scrutant le jeune universitaire quelques instants. J'avais répondu instantanément à toutes ses questions, de manière très fluide ce n'était pas comme-ci ma présence en Floride était un secret d'état. Je décidais alors que c'était à mon tour de poser des questions. A vrai dire, je n'étais pas contre le fait d'un peu de compagnie, ni d'une petite discussion, voir d'en apprendre plus sur ces fameux Spring Breaks... Quand je le vis pousser ses affaires je pris place à la table juste face à lui.   Donc tu es en vacances en Floride, cette destination te plaît? Vous faites quoi pendant cette fameuse semaine? J'en avais déjà vaguement entendu parler sans pour autant y accorder plus d'attention que nécessaire mais, puisque le jeune homme était là pourquoi pas. Au fait je suis Moïra. dis je tout de même, je manquais un peu à mes bonnes manières emportée dans le torrent de notre discussion qui avait si vite débuté. Je n'éprouvais aucune difficulté à parler avec les gens de par mon métier c'était même une aisance que je possédais. J'étais souvent joviale et sociable du moins lorsque l'on ne me repoussait pas dans mes retranchements. Tout en discutant avec lui, je pensais qu'il y avait bien longtemps que moi-même je n'avais pas pris de petites vacances. L'envie de partir en fouilles se fit alors encore plus ressentir. Je n'étais pas réellement faite pour la routine que je vivais en ce moment.   

Tu avais le chic pour te retrouver dans des situations sans queue ni tête. Le solitaire que tu étais râlait intérieurement à l'idée de partager ta table avec une inconnue mais tu étais en vacances et tu étais également là pour sortir de tes sentiers battus. Si tu espérais revenir de tes vacances en homme nouveau, prêt à affronter des nouveaux défis, alors il fallait amorcer le changement et cela commençait en faisant la conversation avec une inconnue un dimanche à huit heures du matin. Inconnue qui s'avérait surprenante puisqu'elle disait être archéologue et elle avait été dépêchée en Floride par un musée situé à Cambridge. "Quels artefacts et de quelle époque?" Tu t'enquis, avec curiosité. En tant que féru d'histoire c'était un sujet qui t'intéressait fortement et duquel tu pouvais discuter pendant des heures sans te lasser. Tu regardas la jeune femme qui te faisait face. "Je suis en pleine réorientation académique mais je songe de plus en plus à me diriger vers l'enseignement, j'hésite encore entre l'histoire et la littérature mais je penche assez du côté historique de la force." Tu te sentais obligé de te justifier pour que ta curiosité ne paraisse pas trop déplacée. Il faut dire que tu pouvais te montrer assez brut de décoffrage et c'était encore plus flagrant quand ça concernait un sujet qui pouvait potentiellement t'intéresser. Tu n'avais pas encore eu l'occasion d'évoquer tes projets professionnels avec ton entourage, c'était un travail que tu faisais avec l'assistante sociale depuis plusieurs semaines déjà. Tu avais besoin d'aide pour définir un plan qui tienne la route, tu voulais dire à ton père que tu voulais arrêter tes études à Harvard et faire quelque chose qui te plaisait vraiment, mais tu ne pouvais pas vraiment te pointer devant lui sans avoir de plan alternatif. Tu ne savais pas encore comment ton projet de devenir enseignant sera accueilli par le paternel, mais chaque chose viendra en son temps. Pour le moment, ta principale difficulté était de faire un choix car ton potentiel était multiple et tu ne pouvais pas tout faire, même si tu étais du genre à avoir plusieurs casquettes. Tu arquas un sourcil, par dessus ta tasse de café, quand elle te posa des questions sur la Floride et sur ce que vous faisiez pendant vos vacances. "Oui, je suis en vacances, je suis arrivé hier soir, je suis encore en train d'essayer de me repérer dans ces lieux." Il faut dire que l'hôtel était si grand. Étant de classe très moyenne, voire pauvre, tu n'avais jamais vraiment eu l'occasion de partir en vacances, et encore moins de mettre les pieds dans ce genre d'hôtel. En d'autres termes c'était une première pour toi. "Et le programme est assez libre, c'est selon les préférences de chacun. J'ai choisi les excursions qui m'intéressaient et j'ai déjà tout planifié. " Tu pinças les lèvres, attendant d'avoir fini de parler pour croquer dans ta tartine beurrée. Oui, tu avais d'ores et déjà tout organisé, sans rien laisser au hasard. C'était ton côté control freak qui avait pris le dessus, même en vacances, tu laissais rarement place à l'improvisation, ta vie semblait être réglée comme sur du papier à musique. "Landon." Tu te présentas à ton tour, ta petite cuillère serrée dans ton poing fermé. "Irlandaise, donc?" Tu relevas, rebondissant sur un détail qui s'était glissé dans les paroles de Moïra quelques instants plus tôt. "Ça en fait, du chemin, jusqu'à ici." Tes parents avaient fait eux-mêmes ce trajet depuis l'Angleterre, quelques décennies auparavant, bien avant ta naissance. Tu n'avais jamais compris ce qui avait été tellement attrayant pour eux, dans le trou perdu où ils vivaient mais les goûts et les couleurs...

J'en étais à peine à mon premier café et beaucoup savent qu'il m'en faut au moins deux pour avoir les idées claires. Du coup la question somme toute directe que le jeune homme posa, m'étonna. Un peu surprise voilà que je donnais quelques détails sur la cargaison que je devais récupérer au port Everglades. Précolombiens pour être plus précise d'origines Olmèques. Ils sont estimés à plus de 600 à 1000 ans avant J. -C. Enfin techniquement leur datation exacte n'as pas encore été établie. lui répondis-je sans grand mal, ce n'était qu'un étudiant, ce n'était pas comme si je lui révélais un secret d'état. Mais clairement en partageant mon déjeuner ce matin je ne m'attendais pas le moins du monde à discuter de ça avec un étudiant. Il était donc étudiant mais, pensait à changer tout ça, devenir enseignant pourquoi pas. S'il se sentait cette vocation autant suivre ses envies. Je vote Histoire pour ma part, enfin je veux dire c'était l'une de mes matières préférés à la Fac. Oui parce que de mon avis qu'en a-t-il à faire en soi je ne suis personne. Mais bon, dans un sens s'il m'en parle autant lui dire le fond de ma pensée. La littérature j'aime bien, enfin j'aime les bouquins, j'aime les auteurs, j'aime encore plus les bouquins d'archéologie ou de légendes si chers à mes yeux, enfin si précieux dans mes recherches. Mais, je ne me serais pas vu enseigner Shakespeare ou Molière ou peu importe quel autre grand génie de la plume à de jeunes gens. Par contre je le comprenais dans son envie de cesser ses études pour faire cette chose qu'il aime. C'était typiquement le choix que j'avais fais. D'autant plus à la disparition de mon père lors de ses dernières fouilles. Nous en étions venu alors sur le fameux Spring break que je ne connaissais pas... Il me disait avoir planifié ses excursions. Le jeune homme était tout mon contraire. Moi je n'aimais pas planifier, je partais toujours en fouilles sur un coup de tête non sans avoir bien entendu fais des recherches cela va de soi. Juste que je pouvais décider de partir à la dernière minute, comme ça juste parce que je l'ai décidé.  Enchantée, Moïra. Oui je suis irlandaise. Et à moitié mexicaine. Souvent les gens étaient étonné en entendant Irlandaise et pour cause j'avais beaucoup hérité de ma mère et je n'étais pas une fille aux cheveux de feu et aux yeux aussi bleus que l'océan. Ce n'était vraiment pas affiché sur mon faciès mais, j'étais aussi fière de mon mélange d'origines. Oui disons que j'en ai eu assez des châteaux hantés, des lutins et des leprechauns... dis-je en riant. Non ce n'était pas la réelle raison de ma fuite à Boston mais, celle-là je la gardais pour moi depuis si longtemps que d'en parler à quelqu'un et puis de toute façon je ne voulais pas que cela se sache. Voilà que je finissais mon premier café mais que l'envie d'un second me venait déjà. Honnêtement si tu veux mon avis sur ton envie d'avancer et de lâcher les études c'est pense uniquement à ce qui te rendrait heureux toi. Si la vie active te convient mieux lance toi. Après je n'étais personne pour le conseiller mais, j'avais l'habitude de dire très souvent ce que je pense sans que l'on me le demande.  

Curieux par nature, tu ne te rendais pas forcément compte que tes questions pouvaient être déplacées ou indiscrètes. Tout était bon pour nourrir ton intellect, à part peut-être les potins auxquels tu n'accordais aucune importance. Aussi, lorsque l'inconnue commença à évoquer son métier, tu te montras particulièrement satisfait de pouvoir avoir une conversation intéressante avec quelqu'un, ce qui te changeait de la pluie et du beau temps. Tu hochas la tête lorsqu'elle te renseigna sur la période de ses artefacts. La période précolombienne était très intéressante, comme quasiment toutes les périodes de l'histoire d'ailleurs, ce n'était pas pour rien que ce domaine d'études t'attirait particulièrement, bien plus que l'économie et la finance que tu étudiais actuellement. "Je vois." Tu acquiesças doucement, l'air songeur, alors que tu continuais à dévorer ton petit déjeuner. Tu remis un peu de confiture sur ta tartine, et la main qui tenait la cuillère resta suspendue dans les airs. La voilà en train de commenter ton choix d'études. Si, d'ordinaire, une telle ingérence t'aurait prodigieusement agacé, aujourd'hui tu ne dis rien. Tu comprenais qu'elle avait choisi ses études par appétence pour la matière et non par dépit, contrairement à toi. "J'ai fait mon choix d'études actuel par défaut, et Harvard m'intéressait non pour le prestige de l'institution mais pour le défi que cela représentait d'y entrer." Surtout que toi, tu n'étais pas le fils de, tu n'étais personne, tu étais sans le sou puisque tes parents étaient retraités et tu devais cumuler plusieurs boulots pour t'en sortir car ta bourse ne suffisait pas. La gageure t'avait coûté très cher, littéralement, mais tu ne regrettais rien. Au moins tu pourras te vanter d'être diplômé d'Harvard, ça ferait bien sur ton CV, et ça t'ouvrira de nombreuses portes. Tu ne fis aucune réflexion lorsque Moïra confirma être irlandaise. Tu ne faisais pas partie de ceux qui sourcillaient quand quelqu'un revendiquait des origines qui ne matchaient pas avec leur apparence physique, tu en avais eu l'habitude avec Sarah. Le souvenir de ton ex épouse s'évapora dans ton esprit tandis que tu terminais ta tartine. Du bout de la langue, tu récupéras une goutte de confiture avant qu'elle s'échappe sur ton menton. "Vos châteaux sont vraiment hantés ou c'est plutôt la légende noire qui les entoure qui les rend effrayants, comme celui de Vlad l'Empaleur et son abominable forêt des pals?" Si seulement il était le seul, mais nombreux furent les personnages s'étant illustrés d'une sinistre manière tout au long de l'histoire. Si tu posais la question sur les fantômes, ce n'était pas non plus complètement innocent, sans doute parce que tu avais une certaine sensibilité aux esprits et à toutes ces choses que le commun des mortels ne percevaient pas. "Ce n'est pas vraiment une question de préférer la vie active ou non." Tu contras, en faisant une légère moue. "Je n'ai jamais été un cancre, bien au contraire, j'ai souvent été premier de la classe, j'adore étudier. Seulement au moment où j'ai dû faire des choix pour mon avenir, je n'avais pas encore trouvé mon domaine de prédilection." Tu marquas une pause. "J'ai fait des études en économie mais je ne me voyais pas bosser dans un bureau à la solde d'un patron. Sans compter les collègues qu'il faut gérer, et que je ne supporte qu'à petite dose. Je suis très solitaire, le métier idéal me laisserait champ libre pour gérer mes tâches sans être obligé de sociabiliser avec mes collègues et je pense que professeur est un bon compromis, sans compter que ça a du sens, pour moi, d'instruire les générations futures." Après tout, tu pouvais préparer tes cours ou corriger tes copies en solo, et tu n'étais pas obligé de fréquenter la salle des profs aux pauses ou de déjeuner avec tes collègues. Moins tu avais d'interactions sociales et mieux tu te portais.