Comme par hasard... (Lyssandre)

Tu avais beau ne pas trouver ce que tu cherchais avec tant d'énergie, tu ne te sentais pas découragé pour autant. Il faut dire que tu pouvais t'avérer particulièrement opiniâtre, tu n'as jamais été du genre à abandonner la bataille, fut-elle compliquée. Quand Lyssandre était apparu dans ton champ de vision, tu n'avais pas eu d'autre choix que d'y prêter attention, tout occupé que tu étais à fouiller dans les placards à la recherche de ton saint graal, tu ne pouvais pas faire semblant de ne pas l'avoir reconnu, ou même l'ignorer délibérément. Alors, tu retardais le plus possible le moment où tu allais devoir lui faire la conversation, trouvant un prétexte bidon pour détourner son attention. Sans même t'en rendre compte tu lui lanças un regard noir quand l'autre Kirkland te dit que ça lui disait quelque chose. Tu roulas des yeux, voilà qui s'avérait très utile. Si je n'ai besoin de rien je t'appelle tu avais envie de lancer, mais tu n'en fis rien, simplement parce que tu avais mieux à faire. Toutefois, tu finis par tourner la tête lorsque le Wayne fit un boucan pas possible. Le tintamarre t'arracha une grimace, comme si tu étais aveuglé par un rayon de soleil trop intense. Cette agression sensorielle n'allait pas arranger ta mauvaise humeur, loin de là. Tu t'étais finalement arrêté de chercher, croisant tes bras sur ton torse alors que le Wayne était en train de retourner le contenu des meubles de cuisine. Tu te fis la promesse que tu allais mettre le nez là dedans un de ces quatre pour tout ranger parce que ce n'était vraiment pas possible d'avoir un tel bordel dans les placards. Tu ne serais pas surpris de trouver des trucs périmés, en plus de la vaisselle qui n'était pas à la bonne place. Tu arquas un sourcil lorsque ton camarade récupéra l'ustensile. Pour le coup, tu boudais intérieurement de ne pas avoir réussi à le trouver avant lui - tu pouvais réagir comme un vrai gosse par moment. Toutefois, même si la présence du meilleur ami de Jinx te stressait, tu n'en montrais rien, tu gardais un visage impassible alors que tu récupérais ton précieux. "Merci." Tu répondis, poliment, avant de te rapprocher de la plaque de cuisson pour commencer à faire cuire les crêpes. "Non, ça ira, t'inquiètes." Tu dis en toisant le grand brun de tes prunelles sombres. Cela se voyait que tu étais particulièrement fatigué car tes cernes étaient tellement prononcés qu'ils te faisaient ressembler à un panda - à la différence près que tu étais nettement moins mignon que ces grosses peluches. "Enfin, ça dépend si tu veux rester pour m'aider à nettoyer la cuisine de fond en comble, vu l'aventure que ça a été pour trouver une simple poêle, je me suis dit que ce ne serait pas du luxe." Ce désordre avait le don de faire câbler ton côté maniaque, mais d'un autre côté, il t'avait permis d'adresser au Wayne autre chose que des monosyllabes.

Tu n'étais pas doué pour les relations sociales, Landon, et encore une fois cela se confirmait malgré le fait que vous aviez une confrérie et des amis en commun. Alors, tu adoptais une posture un peu raide et tu gardais ta distance habituelle, sans jamais réellement t'investir personnellement. Ce n'était pourtant pas faute que, dans le fond, tout dans le fond, tu n'aspirais qu'à bâtir des connexions profondes avec les autres. Peut-être que tu t'y prenais très mal, que tu voulais bien faire mais ta notion de bien faire était très différente de l'idée que s'en faisait des autres. Tu te sentais agacé par cette soudaine intrusion alors que tu avais dans l'idée de passer du temps en cuisine, simplement parce que tu aimais ça. C'était une activité que tu appréciais faire en solitaire, et tu te retrouvais avec un commis de cuisine bien malgré toi. Son mérite aura été de retrouver la fameuse poêle que tu recherchais avec tant d'énergie, t'agaçant encore plus du désordre que tu trouvais sur ton passage. D'ordinaire très organisé, c'était typiquement le genre de chose qui te faisait câbler. Et, comme si cela ne suffisait pas, il faisait tout un remue-ménage pour t'aider dans tes recherches. La finalité, toutefois, restait la même, puisqu'il l'avait retrouvée. Après l'avoir remercié à ta façon, tu pouvais passer à l'étape suivante, qui était la cuisson. La première, inévitablement, fut un échec. Poêle pas encore assez chaude, la crêpe ne ressemblait à rien. Ce couac t'arracha un sifflement contrarié. Même quand tu faisais la cuisine, tu détestais le travail mal fait. "Tu en veux?" Tu proposas sans animosité aucune, ne serait-ce que pour t'assurer que ta préparation était mangeable. "Tu seras mon testeur." On ne va pas se mentir, les personnes qui se proposaient pour aider en cuisine n'étaient pas là pour mettre la main à la pâte mais pour la goûter, et ainsi lécher les fonds de saladiers et les cuillères. Les crêpes suivantes furent cuites presque sans encombres. Seule la remarque de Lyssandre te fit tiquer, mais ton visage resta dangereusement neutre, inexpressif. "Toute aide est bonne à prendre." Tu répondis, préférant te concentrer sur ta tâche plutôt que sur ce genre d'âneries. "Tu m'as demandé si j'avais besoin d'aide, après tout." Ce n'était pas une remarque désagréable mais un constat. Tu ne faisais qu'exprimer ce dont tu avais besoin en cet instant précis, même si tu ne le demandais pas avec des trémolos dans la voix et le regard enjoleur. Il faut dire que tu pouvais te montrer plutôt directif, comme si tu étais en train de distribuer des ordres. Certes, ce n'était pas la meilleure façon de donner envie aux autres de te donner le coup de main en question - la plupart auraient tendance à t'envoyer te faire foutre - mais c'était ta façon d'être et tu ne comptais pas t'excuser pour cela, c'était à prendre ou à laisser et tant pis pour ceux qui étaient trop susceptibles au point de se sentir agressés. La façon dont ils percevaient tes mots était leur problème, pas le tien. Appuyé contre le plan de travail, les bras croisés, tu jetas finalement un coup d'œil au Wayne. "Tu la veux à quoi, ta crêpe? Chocolat, confiture, sucre, nature?" Tu ne savais pas ce qu'il y avait dans les placards, tu avais ramené les ingrédients après avoir fait les courses de ton côté, il faut dire que tu n'avais pas spécialement les moyens de faire en sorte que les placards de la cuisine de la Kirkland soient toujours pleins.    

Tu faisais des efforts, Landon, tout du moins tu essayais très fort. Tu gardais bien en tête qu'il s'agissait d'un des meilleurs amis de Jinx, aussi c'était important pour toi d'avoir des relations cordiales avec lui. Vous l'aimiez tous les deux et ce serait sans doute mieux pour elle qu'elle n'ait pas le cul entre deux chaises. De plus, les raisons qui t'ont poussé à prendre tes distances avec Lyssandre - à savoir la jalousie - te semblaient bien futiles. L'histoire te l'apprendra bientôt de la plus cruelle des manières, mais le triplé Wayne n'était définitivement pas celui dont tu devrais te méfier. Nous n'en étions cependant pas encore là et pour l'heure, tu essayais de faire un geste envers l'autre Kirkland en lui proposant de goûter tes crêpes, non sans maladresse. Tu t'étais mis dans la tête d'en faire pour toute la confrérie alors autant qu'il en profite en avant-première. Promis, tu n'avais pas empoisonné la préparation, ce n'était pas ton genre, d'autant plus que cela impliquerait de gâcher de la nourriture et étant d'origine modeste, voire pauvre, tu comptais chaque centime et le gaspillage était une hérésie. "Je propose." Tu confirmas, en écho à ses paroles, alors que tu faisais cuire la fournée suivante. L'odeur des crêpes tout juste cuites commençait à embaumer la pièce et ton estomac se manifesta bruyamment. Il faut dire que tu n'avais pas encore pris le temps de manger et la faim commençait à se faire sentir. Tant pis. Tu dîneras après, une fois ta besogne accomplie. "Ce n'est tout de même pas un peu de désordre qui va te faire peur?" Tu demandas, une lueur de défi dans le regard. Si la méthode normale ne suffisait pas à le convaincre, peut-être que le mettre au défi serait plus efficace? Ça fonctionnait toujours, pour toi, tu avais suffisamment l'esprit de compétition et tu ne résistais jamais à un petit challenge. En l'occurrence le bordel qu'il y avait dans les placards représentait un défi de taille et vous ne serez pas trop de deux pour le relever. Un sourire carnassier étira tes lèvres lorsque Wayne te demanda quand tu voulais faire ça. "Maintenant?" Tu avais l'air tellement angélique qu'on pouvait presque apercevoir une auréole au dessus de ta tête. "Il faut battre le fer tant qu'il est chaud, après tout." Tu n'étais même pas désolé de l'avoir en quelques sortes attiré dans un traquenard, mais dans un sens, tu ne lui laissais pas la possibilité de s'échapper. Peut-être que tu avais tout calculé, en lui proposant de déguster une crêpe pour mieux l'amadouer. Après tout, n'étais-tu pas réputé pour tes plans impeccablement ficelés et d'une efficacité redoutable? "Ne vas pas croire que c'est une ruse pour passer plus de temps avec toi, hein. Je préfère préciser. " Tu ajoutas alors, d'un ton faussement bourru, bien que ce soit parfaitement inutile. Il ne faudrait pas que sa tentative de te faire du charme s'avère elle aussi efficace. Tu haussas un sourcil en entendant l'intonation de sa voix quand Lyssandre te demanda ce qui te ferait plaisir. Tu ricanas. "Ta voix de téléphone rose, là, tu la sors à tout le monde ou y'a que moi qui a le droit à un traitement de faveur?" Peut-être que c'était lui qui cherchait à t'amadouer, dans le fond, pour la simple et bonne raison que tu sortais avec une certaine rouquine qui était d'ailleurs dans la même confrérie que vous. "Si ce n'est que pour moi, tu te débrouilleras avec Jinx, je ne veux pas avoir de problèmes avec elle. " Tu haussas les deux mains, l'innocence incarnée, parce que si ça se trouve, c'est elle, qui devra te partager.  

On pouvait te prêter bien des défauts mais on ne pouvait pas te reprocher de ne pas t'intéresser à l'entourage de ta petite-amie. Même si tu ne feras pas de Lyssandre un de tes amis proches, tu pouvais tout au moins être courtois avec le Kirkland. C'était sans aucun doute son jour de chance puisque tu tolérais la présence du Wayne tandis que tu occupais la cuisine de votre confrérie. D'habitude, tu n'aimais pas que l'on empiète sur tes plates-bandes, tu préférais les activités en solitaire. C'était sans compter ta ruse qui te laissait entrevoir une des nombreuses façons dont le Wayne pourrait t'être utile, une fois ta besogne terminée. Il n'y avait là nulle malice de ta part, ni volonté de nuire, en fait tu n'y voyais là qu'une opportunité. Tu aurais tout aussi bien pu demander à n'importe qui d'autre qui serait passé par ici, mais le hasard a voulu que ça tombe sur lui. Un sourire entendu étira tes lèvres lorsque le violet confirma que le désordre ne lui faisait pas peur. "C'est ce que nous allons voir." Tu dis alors, toujours aussi sur de toi. Ton sourire se maintint même quand Wayne affirma que ses méthodes de rangement à lui pouvaient te faire peur. "Ça devrait aller, j'ai le cœur bien accroché." Des horreurs, tu en avais vu d'autres, d'un tout autre niveau que des placards en désordre et des moutons de poussière. C'était une de tes grandes passions dans la vie, de trier, ordonner, classer, c'était même une activité qui t'apaisait. C'était aussi une façon, certes métaphorique, de faire le tri dans tes pensées bouillonnantes. Tu ne perdais pas ton calme olympien lorsqu'il sous-entendit que tu l'avais fait exprès pour qu'il passe plus de temps avec toi. "j'ai l'air si désespéré que ça?" Au point de gratter l'amitié à n'importe quel quidam qui voudra bien te l'accorder? "T'en fais pas, si c'était le cas, j'aurais été nettement moins subtil." On t'aurait même vu venir à des kilomètres, sur tes gros sabots. Tu ne savais pas faire dans la subtilité, pas plus que tu savais faire montre de tact. C'étaient des notions absentes de ton vocabulaire, tu étais très direct, pas du genre à tourner autour du pot trop longtemps. Tu n'avais aucune patience pour les jeux de séduction, préférant aller droit au but - de toute façon tu étais complètement nul pour ça. Tu croisas les bras sur ton torse, oubliant presque la crêpe en train de cuire dans la poêle et qui finira sans doute cramée. "Tu aimerais bien que ce soit le cas, hein?" Tu t'enquis, penchant la tête sur le côté pour le regarder entre tes cils épais, ce qui donnait de la profondeur à ton regard. "Que je cherche ta validation? " Ce n'était pas déconnant, en soi, de devoir montrer patte blanche à l'entourage de sa moitié, tu ferais pareil avec tes potes, protecteur comme tu l'étais. Tu fronças le nez en sentant l'odeur caractéristique du brûlé. "Merde!" Tu juras en attrapant le manche de la poêle pour la retirer prestement du feu. "Tu vois, tu me troubles tellement que j'en viens à faire cramer mes crêpes." Après tout, c'était de bonne guerre, de lui mettre cet échec sur le dos. Son charme était peut-être un peu trop efficace.