the song is ended but the melody lingers on (marcus)

Les années passent mais la douleur résiste. Ne s'atténue pas. Elle reste tout aussi vive que le jour fatidique et tu haïssais chaque seconde de cet au revoir qui refusait de prendre fin. Sa voix avait pris fin dans cette chanson abandonnée, délaissée. Une mélodie qui continuait sans la chanteuse principale, c'était ridicule. Mais tu devais faire avec, Gracie. Les fins d'années étaient le plus ardues. Le retour à domicile, au domaine, là où les fantômes d'un passé glorieux, sans absent manquant à l'appel, ressurgissent et la poitrine se compresse. Chaque pièce recouvre une anecdote, un souvenir à ses côtés que tu gardes au plus profond de toi, enfoui précieusement ; tout était douloureux. Maman. Les cris étouffés pendant ton sommeil, tu le savais, t'en avais connaissance mais la gracieuse Gracie préfère tourner le regard. Ne pleure pas Gracie chérie, maman t'aime. Seule sa voix avait eu le don de t'apaiser après chaque cauchemar, le son mélodieux d'un chant presque envoûtant. C'était sa voix qui te manquait le plus. Et chaque année, tu donnerais tout pour l'entendre une autre fois, une dernière fois. Cette année n'échappait pas à la règle. Les pas pour te traîner sur sa pierre tombale résonnaient au rythme de ton pouls, lourds, étouffants. A la fois apeurée et impatiente quant à cette visite annuelle, ce recueil privé entre elle et toi. Une habitude que tu redoutais et attendais ne serait-ce que pour t'éloigner de ton père et tes autres aînés, qui semblaient tous avoir tourné la page. Ou presque tous. Une présence t'arrête dans tes pas, une silhouette au-dessus de sa tombe. Et tu le reconnais instantanément. Marcus. La surprise te prit de court, te fige de longues secondes avant de souffler. « Qu'est-ce que tu fais là ? » Sans vie, sans cette excentricité habituelle qui te caractérisait habituellement, loin d'ici, loin d'elle. Les sourcils se froncent, le mécontentement se dessinant petit à petit sur tes traits, contrariée qu'il vienne perturber ton moment de paix avec elle. « J'ignorais que tu connaissais le chemin vers sa tombe. » Gracie la piquante s'éveille.

Les minutes s'étiraient au rythme de mon silence, lourd, assourdissant. Assis sur le banc face à la tombe de ma mère, les yeux fixés dans le vide, je me recueillais à ma manière. Comme le jour précédent. Et sans doute comme le jour suivant également. Il en était ainsi chaque fois que je revenais au domaine familial. Pas un jour sans venir sur sa tombe, prétextant partir courir quand je venais m'imposer ce supplice de peine et de culpabilité. Je ne savais même pas dire si j'aimais venir ici et pourtant, je le faisais. Assommé par le lourd poids de la culpabilité quand je voyais son nom gravé dans la pierre. Quand moi, son propre fils, je l'avais abandonnée dans la maladie. Par peur, par lâcheté. Alors je m'étais imposé cette punition, rouvrant à chaque fois cette plaie béante au milieu de mes entrailles, espérant parvenir un jour à me repentir.
J'étais perdu dans mes pensées quand j'entendis la voix de Gracie. Je sursautais, me tournant vivement vers elle dans ma tenue de sport, le visage décomposé comme un enfant pris sur le fait de sa bêtise. Je fronçai les sourcils, accusant le coup de sa remarque. « Je m'en vais si c'est ça que tu veux » répondis-je en reprenant mon masque de glace.