ottawa, canada ✝
une photo : Le salon de la villa familiale. Un portrait de famille que l'on accrochera dans un bureau. M. James Deschanel est l'actuel ministre des Affaires étrangères canadien. Nous sommes en 1997, c'est sa dernière année en tant que tel. Il se tient droit dans son costume bleu marine, il a quarante-cinq ans et l'on ne sent pas le poids des années et des responsabilité sur ses épaules. A côté de lui, sa femme, de trois ans sa cadette, Emilia Foster, avocate québecoise. Elle aime à le rappeler à tous: elle n'est pas une canadienne comme les autres, sa langue maternelle restera le français et c'est d'ailleurs par celle-ci qu'elle s'adresse à ses trois enfants, qui ne sont pas très discipliné en cet après-midi. L'ainé est le portrait craché de son père malgré ses que huit ans. On lui a fait sur mesure l'exact réplique du costume de son père. Il est énergique et participe déjà à quelques compétitions sportives. Son père est fière de dire qu'il fera un jour parti de l'équipe de football ou de baseball d'Harvard, comme son père. Dans les bras de sa mère, une petite blonde, la benjamine de la famille, a une belle et longue chevelure blonde comme celle qui la porte. Elle n'a que quatre ans mais l'on sait déjà qu'elle sera la première de sa classe et fera Harvard, pour devenir une femme de pouvoir, comme sa mère. Elle a déjà énormément d'autorité sur ses frères et tente de discipliné son grand frère à coup de cris stridents. Sous elle, le timide de la famille, caché derrière ses grandes lunettes. A six ans, il est aussi exceptionnel que le reste de la fratrie. Il est musicien. Il joue du piano comme un virtuose et vient de commencer la guitare. Même si il n'est ni la fierté de son père, ni celui de sa mère, il est tout de même choyé comme les autres. Mais il ne parle quasiment pas, reste solitaire dans son coin à faire des gammes. Pour l'aider à s'ouvrir, ses parents l'ont inscrit dans une chorale d'enfants. Il excelle en chant mais n'est pas beaucoup plus sociable. Mais il n'a que six ans, et tout le monde pense que cela va s'arranger. Phoenix réajuste ses lunettes sur son nez, à l'appel du photographe et regarde l'appareil. CHEESE.
FLASH.wellington, nouvelle-zélande ✝
une fiche de liaison élève/professeur : [...]
Ecrivez un court texte de 250 mots environ pour vous présenter (vous, votre famille, vos amis, l'endroit où vous vivez, pourquoi faites-vous des cours par correspondance, ce que vous aimeriez faire plus tard ...)Je m'appelle Phoenix Deschanel et j'ai dix ans. J'ai un grand frère et une petite sœur. Mon père est ambassadeur et ma mère était avocate. Je suis né à Ottawa comme mon frère et ma sœur mais nous avons quitté le Canada quand j'avais huit ans. Mon père a d'abord été ambassadeur au Cap-Vert et maintenant nous sommes en Nouvelle-Zélande. Je sais déjà que nous n'allons sans doute pas rester très longtemps c'est pour cela que nous prenons des cours par correspondance, pour être suivi par les mêmes professeurs et ne pas être en retard sur le programme canadien. Je parle trois langues : l'anglais avec mon père, le français avec ma mère et j'ai appris le portugais au Cap-Vert. J'aime bien la ville de Wellington parce qu'il fait beau et que l'ambiance est sympathique. Je n'ai pas d'amis, à part mes professeurs de musique et les enfants de la chorale. J'aime lire aussi des comics et des livres de fantasy et SF en dehors de jouer de la musique. Je vais aussi souvent au cinéma. Plus tard, je vais aller à Harvard, aux États-Unis, comme mes parents le veulent pour mon frère, ma sœur et moi. Ils y ont été et ils veulent le meilleur pour nous. C'est pour ça qu'il faut que j'ai des bonnes notes à l'école. Moi, j'aimerais être un grand pianiste ou explorateur pour continuer à voyager dans le monde comme maintenant. Ou alors dessinateur ou écrivain pour faire des comics ou écrire des histoires d'elfes et de magiciens.
rio de janeiro, brésil ✝
une vidéo : à l'écran, la liesse. C'est le, fameux, Carnaval de Rio, tout en couleur et en musique. La population danse au son des maracas, le cliché pour lequel tous les touristes arrivent en masse à cette période. Le pays a besoin de l'argent qu'ils vont dépenser sans compter durant leur séjour et c'est pour cela que la fête doit être générale.
Sur un char, un groupe de jeunes parmi lesquels un qui n'est pas du tout le stéréotype du brésilien. A vrai dire, il n'est pas brésilien, mais canadien. Mais pour lui, cela n'a pas vraiment d'importance. Il s'est imprégné de la culture depuis son arrivée il y a quatre ans et sa présence n'est pas du au hasard. Il est avec son professeur, un cavaquinho à la main, et joue à la perfection une samba endiablée. Il a fait la connaissance de cet instrument durant les trois années qu'il a passé au Cap-Vert avec sa famille. Mais, pour tout dire, il ne va pas passer tout son temps dans la parade. Cette nuit, du haut de ses dix-sept ans, il fera danser un lieu inconnu des guides du routard, une boite de nuit pleine de locaux qui cherchent à oublier ce qu'on ne montre pas sur les photos de vacances.
Phoenix connait cette réalité et à dire vrai, il souffre de ne rien pouvoir faire. Même si il a la chance de vivre dans le luxe de l'ambassade du Canada, les brésiliens l'ont accepté parce qu'il est différent, et talentueux. Et c'est ainsi qu'il est aujourd'hui à Rio, sans escorte, loin de Brasiia et de sa famille. Parce que si il n'est pas encore un grand DJ, il s'est déjà fait un nom au Brésil.
Les danseuses passent, toutes de leurs plumes vêtues, au rythme de la musique. Les festivités vont continuer encore longtemps mais le malheureux touriste n'a malheureusement plus de batterie.
« Shit ! », l'entend-on dire juste avant que sa caméra ne s’arrête.
cambridge, usa ✝
une page d'un petit carnet de note : On va pas se mentir, Rio me manque. Déjà deux ans que nous avons quitté le Brésil et deux ans que je ne me sens plus vraiment à ma place. Il fut un moment de ma vie où je ne savais pas trop d'où j'étais, c'est souvent lorsque l'on quitte un endroit que l'on sait que l'on veut y retourner. Il paraitra sans doute bizarre pour le commun des américains qu'un petit blanc maigrichon aux yeux bleus affirme être brésilien mais c'est bien ce que je ressens au fond de moi. Si je n'avais pas été poussé par la suprématie familiale, je crois que je n'aurais jamais mis les pieds à Cambridge de ma vie entière. Je sais que depuis le retour de mon père à Ottawa et le nouveau poste de ma mère de ministre déléguée à la Francophonie, leurs enfants sont observés. Même si mon frère est un très bon sportif qui jouera un jour pour le Canada et ma sœur une future politique, je ne ferais jamais la fierté de ma famille. Après tout, est-ce que ça leur poserait un réel problème, deux réussites sur trois, c'est un bon score, et je ne suis pas non plus une honte : je suis juste invisible.