Rolling Stone • Ellie

Nous étions dans un vieux bâtiment historique de Boston dans un des quartiers les plus huppés. Le choix de ce quartier avait été une évidence pour Tybalt, lui qui souhaitait toujours s'éloigner de ses origines modestes et de l'image qui allait avec. Son cabinet était lumineux et il avait été décoré avec gout dans un style industriel avec des canapés en cuir très confortable et des plantes disposés de manière recherché, probablement l'oeuvre d'un architecte d'intérieur.

C'était une journée qui se voulait banale avec un emploi du temps aussi chargé qu'à la coutumé, néanmoins j'avais beaucoup de mal à me concentrer. Observant mes phalanges encore blessés d'un règlement de compte, je me rappelais encore une fois cette nuit... La finalité aurait elle était différente si tu n'avais pas regretté ta demande...? Pourquoi je vivais ton départ comme un abandon...?

Serrant les dents, je donnais un nouveau coup dans le mur de la structure, reouvrant les plaies au passage. Et la sonnette du cabinet se mit à retentir, me faisant sortir de mes pensées. Attrapant un morceau de tissu qui traînait par la, je l'enroulais autour de ma main avant d'aller ouvrir. Mademoiselle Thatcher, entrez. Me poussant du passage pour la laisser entrer.

Tout ce qui pouvait être dit entre ses murs restaient entre ses murs. Même les paroles qui devraient briser le secret médical en temps normal. Les seules exceptions qui pouvaient se faire étaient les secrets qui pouvaient me rendre riche de manière immédiate mais ce n'était que dans certains cas particulier, dans le cadre de mes activités externes.

Ne faisant pas attendre les patients en liste blanche, j'ouvrais la porte une dizaine de secondes après que la sonnette ait retentit sans même prendre le temps de me rendre présentable. Bonjour. Je sentis son regard glisser le long de mon bras pour arriver jusqu'à ma main... Je l'avais déjà constater la dernière fois mais cela se confirmait aujourd'hui. Elle était très observatrice. Ca va aller, merci. Arrachant le tissu pour en faire une bande, je le replaçais autour de ma main avant d'attraper les affaires sur le bureau. Vous voulez boire quelque chose ? Lui montrant la machine à café/thé ou bien de l'eau. Posant le carnet et le stylo sur le fauteuil voisin au sien, j'allais me chercher un café en attendant sa réponse.

Visiblement la nuit de docteur avait été courte, il avait le contour des yeux légèrement rougit.

Comment vous sentez vous aujourd'hui ?

Je sens son regard insistant sur ma main avec la terrible sensation qu'elle restera bloqué dessus tant qu'elle ne aura pas la raison de ce bandage. Même si elle n'osera pas évoquer cette demande à voix haute. J'appuyais sur mes phalanges, les lèvres serrées, faisant en sorte que le sang cesse de couler. Le temps de faire les pas qui me séparaient de la machine à café pour lui preparer le dit breuvage.

Écoutant sa réponse encore une fois en demi teinte, je retirais finalement le bandage de fortune, le sang avait cessé de s'échapper. Je levais ma main presque de manière théâtrale pour qu'elle puisse voir d'elle même les plaies. Les ecchymoses étaient dissimulés par l'encre qui habitait mon épiderme mais il y en avait  probablement. J'espérais ainsi satisfaire sa curiosité même j'avais probablement réveillé son avis d'en savoir toujours plus au passage.

Je revenais à son niveau avec la tasse d'un café fumant, accompagné de lait et d'un sucre si besoin. Prenant place à ses côtés après avoir récupéré ma propre tasse, je me mis à prendre des notes.

Il n'y a rien qui vous procure un sentiment particulier ? Rien qui vous rende heureuse ? Qui vous énerve ?

J'entendais son retour de question et un léger sourire se dessina sur mon visage.  Nous ne sommes pas là pour parler de moi, Mlle Thatcher. Me permettez vous de vous appeler Ellie ?

Il y avait quelque chose de particulier chez cette patiente. Ce n'était pas la réserve habituelle dont faisait preuve les patients mal à l'aise avec l'idée de consulter quelqu'un. C'était différent de tous les cas que j'avais pu croiser jusqu'à présent. Et je comptais bien comprendre pourquoi, d'une manière ou d'une autre.

Préparant les cafés en commençant la séance, encore une manière de faire qui pouvait différer de mes ainés. Mais n'étais-je pas là pour faire les choses différemment, à ma manière ? Continuant d'observer chacun de ses gestes et chacune de ses expressions, je voyais des micros expressions se modifier sur son visage lorsque je lui posais des questions. C'était très discret mais elles restaient visible avec un œil assez entrainé.

Une fois la tasse entre ses mains, je m'installais non loin. Encore une fois son expression sembla se fermer un instant avant qu'elle ne marque une pause lorsque je demandais de l'appeler par son prénom pour plus facilité. Penchant légèrement la tête sur le côté, elle me demanda la définition d'être heureux. Qui bénéficie d'une chance favorable, que le sort favorise, ou alors Qui jouit du bonheur. C'était une question qui revenait régulièrement, j'avais fini par en connaitre la définition par coeur. Buvant une gorgée de mon café pur, je grattais sur le bloc note que j'avais avec moi.

Je continue d'étudier ses expressions et son attitude non-verbale. Quelque chose dissone entre les signaux et le discour. Oui, quelque chose ne va pas avec cette patiente. Un mensonge qui se veut ancré mais une vérité qui souhaite refaire surface... Portant le café jusqu'à mes lèvres pour en boire une gorgée après avoir énoncé la définition de heureux, je prenais des notes de ma main libre, attendant sa réaction.

Patient, je prend le temps de répondre sans montrer le moindre agacement. Personne n'avait la même évolution. Si vous avez besoin que l'on vous la donne, la réponse à cette question est non. Il n'était pas toujours facile de savoir si l'on était heureux ou pas. La plupart des gens se rendent compte qu'ils étaient heureux le jour où l'on arrache ce bonheur. En quoi vous estimez vous chanceuse ? M'enfonçant dans le fauteuil en continuant de l'observer.