LOREN ► We're home.

We're home.

Le trajet depuis leur ancienne demeure en Virginie-Occidentale avait été long et fatiguant. A plusieurs reprises, Joris avait dû s'arrêter pour que Loren puisse marcher et se dégourdir les jambes. Même lui en avait profité, en fait. Leur retour à Cambridge leur pris de longues heures, mais elles s'écoulèrent paisiblement. Le temps avait été clément avec eux autant que la circulation sur les autoroutes ; pas un seul embouteillage et pas une goutte de pluie. En revanche, la chaleur était de mise et même si Joris n'était pas amateur de climatisation, se sentant souvent mal à cause d'elle, il se sentit obligé de la mettre. Si le trajet fut calme, l'arrivée à Cambridge, elle, fut plus mouvementée.

Les klaxons, les rires, les cris des passants ; comme à leur départ, la ville débordait d'énergie. Arrêté à un feu rouge, Joris tourna la tête vers Loren, sourire en coin.

« Contente de revenir ? »

Même s'il se doutait que oui, il savait aussi qu'elle avait certaines appréhensions. Personne de leurs amis n'avait été mis au courant de leur départ, et encore moins sur les raisons qui les avaient poussés à partir. L'excuse du "elle est chez sa famille et j'irai la rejoindre plus tard", bien que répétée, semblait un peu maigre. Les autres n'avaient de toute façon pas besoin de savoir ce par quoi ils étaient passés.

Relançant la voiture une fois le feu vert, Joris s'engagea du côté de Havard Square. Ce n'était pas le coin qu'il avait eu en tête pour emménager, mais c'était ce qu'avait choisi son père ; en échange de vivre seul avec Loren, il devait vivre à proximité de Harvard pour être sûr de reprendre les études dès Septembre prochain. Le GPS annonçant qu'ils étaient arrivés, Joris regarda rapidement la résidence dans laquelle ils allaient vivre ; un peu en retrait finalement, apparemment calme, grande et neuve. Le portail s'ouvrit et la voiture s'engagea avant que Joris ne se gare dans le parking de la résidence. Tranquillement, le moteur de la voiture s'éteint. Après un court instant de réflexion, Joris tourna la tête vers Loren.

« Nous y sommes. Prête à découvrir notre nouveau chez nous ? »

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Avec le retour arrivait l'appréhension. Heureusement la route était longue et la fatigue, bien présente. Cette dernière avait, d'ailleurs, gagné pendant une partie du trajet. Une main sur le ventre, la tête contre la vitre, Loren s'était assoupie. Les quelques pauses avaient aussi fait le plus grand bien. Bouger, s'aérer, elle avait eu, petit à petit, hâte qu'ils arrivent. Pourtant à leur arrivée à Cambridge, une étrange sensation l'assaillit. Ce flottement passa alors que ses yeux parcouraient la foule. Puis à la question de Joris, son visage se tourna vers lui.

« - Contente d'être avec toi surtout... »

Réprimant un petit sourire, la jeune femme reporta son attention sur la route. Joris s'était occupé de tout, ce n'était pas nécessaire de stresser. Ce n'était pas non plus comme s'ils avaient annoncé leur retour en grande pompe. Tout se ferait en douceur, laissant le temps de trouver une explication plus solide face aux plus curieux. De toute façon parmi les nombreuses surprises des mois précédents, une raison s'imposait d'elle-même.

Bientôt la voiture s'engagea en direction de la résidence. Et lorsqu'elle la vit, Loren songea que le père avait dû décider. La mère de Joris aurait sûrement choisi qui aurait signifié, au premier coup d'oeil, Nous avons de l'argent ! . Passant une main dans les cheveux, la jeune femme resta silencieuse. L'endroit n'était-il pas trop grand pour deux personnes ? Détachant sa ceinture, elle finit par lâcher un soupir.

« - J'espère que ta mère n'a pas laissé... une petite surprise de bienvenue... »

Sur ses paroles, elle descendit de voiture. Et là, le flash. La décoration ! Et si, sa mère... Non, elle n'aurait tout de même pas...

« - Elle est déjà entièrement meublée ou... ? »

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Si sa mère était déjà passée par là ? Allez savoir, elle en était bien capable. Juste pas esprit de contradiction, pour faire taper du pied, râler, pour s'imposer, mais surtout, pour faire comprendre à Loren que malgré les apparences, cet appartement n'était pas le sien. Joris haussa de concert les épaules et les sourcils, ne connaissant pas la réponse à cette interrogation. Peut-être qu'elle n'avait rien fait non plus.

Loren descendit de la voiture et l'instant d'après, c'était au tour de Joris, qui gardait les clefs de la voiture dans la main. En sortant il constata à quel point la résidence était haute ; au moins neuf étages, sans compter. Eux, ils étaient au septième. Encore une chance que l'ascenseur existe, autrement il en connait une qui aurait eu du mal...
Se tournant vers Loren qui était de l'autre côté de la voiture, Joris croisa les bras sur le toit du véhicule, affichant un sourire amusé.

« J'ai demandé à mon père de nous fournir le minimum vital, mais pour le reste... je crois qu'on le saura lorsqu'on y arrivera. »

Laissant le toit, Joris avança jusqu'au coffre qu'il ouvrit ; il en sortit un sac et une valise. Le reste avait déjà été envoyé au préalable. Le sac à l'épaule et la valise derrière lui, le métisse referma le coffre et verrouilla enfin la voiture, puis s'avança vers l'entrée avec Loren.

« Au moins on habite pas dans le même quartier. Elle n'osera pas user ses talons pour venir jusqu'ici je pense, donc on sera tranquilles. Tu te souviens du code d'entrée d'ailleurs ? » demanda-t-il alors qu'ils arrivaient près de la grande porte vitrée.

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« - Hm, je crois ! » Au lieu de suggérer que sa mère pouvait, toujours, demander au chauffeur de la déposer ici, elle composa un code. « Si c'est pas ça, il y a peut-être un concierge... »

Mais un bruit s'éleva. Sans trop y croire, Loren poussa la porte avant de sourire. La tenant, elle laissa Joris passer. Il avait conduit jusqu'ici, il portait les affaires, il s'était occupé d'eux. Tout ceci lui donnait l'impression d'être une sorte de poids. Elle avait hâte de pouvoir être plus utile, pour lui rendre la pareille. En pensant à leur arrivée, une idée lui vint. Un petit sourire flotta sur ses lèvres alors que son corps se rapprochait de celui de Joris.

Devant l'ascenseur, elle appuya sur le bouton puis se tourna vers le jeune homme, l'air très sérieux. Bras croisés, Loren se lança sans hésiter.

« - Panda junior et moi avons une proposition à te faire. Une proposition que tu ne peux pas refuser. » Ses bras se décroisèrent et elle attrapa une mèche de cheveux, qui finit par être triturée. « Une fois arrivés, on pourrait rester à glander ? Les courses et le reste pourraient attendre demain. En plus, tu as besoin de te reposer. »

Bon, il y avait bien une autre raison mais celle-là était la principale.

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La porte s'ouvrit et Loren le laissa passer avec les affaires. A l'intérieur, il s'avança jusqu'à l'ascenseur. Il s'arrêta devant, légèrement sur le côté, et tourna la tête vers Loren lorsqu'elle s'adressa à lui. Un sourire étira le coin de sa lèvre et il fit mine de réfléchir.

« Hum je ne sais pas... Je suis un homme très occupé, tu sais. Je dois aller faire les courses, ramener des papiers à mon père, passer à la mairie... » Il laissa quelques petites secondes de silence, jusqu'à ce que l'ascenseur arrive et que les portes s'ouvrent. « Mais ça attendra. Si c'est un ordre de Panda junior et Big Panda, je peux pas y échapper. »

Après Loren, il s'engouffra dans l'ascenseur. L'ambiance était légère. Il ne sentait pas la pression qu'ils avaient pu éprouver en quittant leur précédent logement en Virginie-Occidentale. Probablement parce que là, ils étaient arrivés sans encombre et qu'aucun problème ne se profilait à l'horizon. Laissant Loren appuyer sur le bouton de l'étage, il posa le sac par terre et attira la jeune femme à lui pendant qu'ils montaient, posant ses mains sur ses hanches.

« Panda junior est aussi lourd qu'un bagage hein. » dit-il en s'adressant au ventre.

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Un geignement s'apprêta à sortir durant le court silence, mais à la place, un sourire le chassa. Entrant dans la boite métallique, Loren appuya sur le bouton avant de cligner des yeux. Son expression se fit à la gênée et tendre. Le comportement de Joris durant sa grossesse avait été une de ses grandes questions. Serait-il dégoûté ? Aurait-il peur ? Au final, tout se passait très bien. Attrapant une des mains du jeune homme, elle la posa sur son ventre.

« - Et Papa Panda aura-t-il la force de le porter ? »

Ses yeux fixèrent la porte. Panda. Porter. Une image se formait dans sa petite tête. Une scène tendre et drôle. Sûrement stupide et puérile pour certaines personnes. Mais si on ne pouvait plus s'amuser... En plus, ce serait un joli souvenir et un bon prétexte pour commencer un album photo.

« - Hey hey, on pourrait acheter des, merde comment ça s'appelle déjà... » Ses sourcils se froncèrent. « Des kigurumi ! Voilà ! Il doit bien y en avoir qui ressemblent à des panda, non ? Tu crois qu'on pourrait trouver toutes les tailles ? »

Et elle insista bien sur toutes. Si oui, il lui faudrait déjà réfléchir à la deuxième étape. Parce qu'elle doutait qu'une certaine personne fasse preuve d'une totale coopération. Mais quand Loren avait décidé quelque chose, parfois il était bien difficile de la faire changer d'avis.

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« Papa... panda ? » Une image apparu dans sa tête. « T'sais le panda est pas japonais hein. Et évidemment que j'aurai la force de le porter ! »

Petite taquinerie. La main sur le ventre, il regarda ce ventre rond qui n'avait pas fini de grossir. Le regard de Joris était doux, attendrit. C'était une surprise, mais pas un seul instant il n'avait songé à s'en débarrasser, malgré les difficultés. Loren se remit à parler et Joris releva les yeux sur elle, avant de froncer les sourcils à son tour.

« Des kigurumi ? » Il secoua la tête. « Oh non tu ne me feras pas porter ça ! Et puis c'est encore trop tôt, c'est peut-être une petite fille et tu préféreras la voir en papillon... »

Et moi en gros vert luisant ? Une petite sonnette brève se fit entendre, et deux secondes après les portes de l'ascenseur s'ouvrirent. Joris relâcha alors Loren et ramassa le sac tout en reprenant la poignée de la valise avant de sortir. D'un rapide coup d'oeil, il regarda deux numéros de porte et en déduisit la direction de la leur.

« C'est à droite. Sûrement la porte au fond du couloir. »

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Tu me parais bien affirmatif, Joris. Rien que pour ça, elle n'avait pas l'intention d'oublier les paroles de ce dernier. La fin l'interpella mais les portes s'ouvrirent avant que Loren ait eu le temps de dire quoique ce soit. Absorbée dans ses pensées, elle suivit le jeune homme, acquiesça d'un vague signe de tête puis lui emboita le pas.

« - Dis Joris... » Ses yeux glissèrent sur le dos du métisse. Il y avait une discussion qu'ils n'avaient jamais eu, pourtant il fallait bien en parler à un moment. « Tu préférerais une fille ou un garçon ? Même si, je suis sûre que tu l'aimerais, peu importe son sexe. Je me demandais... Si tu avais une préférence... » Sans hésiter, elle ajouta. « Tu sais, qu'on ait une fille ou un garçon, j'ai pas envie de les enfermer dans des stéréotypes. Genre, la chambre de princesse pour la petite fille ou que du bleu pour un garçon. »

Un soupir agacé ponctua sa phrase. Tout en s'approchant, un peu plus, son bras se leva. Ses doigts s'agrippèrent, doucement, au haut de Joris.

« - Est-ce que tes parents voudront le voir ? »

Sa voix avait changé en un murmure timide. Ou est-ce que l'avoir comme mère jouerait en sa défaveur ? Ses doigts relâchèrent leur prise alors qu'ils arrivaient à la porte.

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La question le surpris. Elle le surprit tellement qu'il s'arrêta et tourna la tête vers elle pour la regarder, se demandant si elle essayait de lui dire quelque chose. Il s'accorda un bref instant de réflexion, puis se détendit en haussant les épaules. Loren à ses côtés, il continua d'avancer vers la porte.

« Je n'y ai pas vraiment pensé. Si c'est un garçon je pourrai lui piquer ses jeux cela dit, qu'une fille ça va être plus difficile si elle est très coquette et Barbie. »

S'arrêtant devant la porte, il expira lentement, puis se tourna vers Loren. Il vint déposer un bref baiser sur ses lèvres et laissa son visage à proximité, lui murmurant quelques mots.

« Ma mère sera même la première à vouloir le voir. »

Sortant les clefs, il les inséra dans la serrure et ouvrit la porte, la poussant pour que Loren passe en première.

« Au lieu de parler de mes parents, il ne faudrait pas oublier de prévenir les tiens. Ta mère était inquiète à notre départ. Elle va s'imaginer que tu as accouché sur l'autoroute si on la rassure pas ! »

Il entra avec les valises, puis referma la porte derrière lui.

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