What was I made for? (Lena)

Elle est sauvage, écorchée. Petit animal brisé. J'ai pris pour habitude de passer ma route. La nature humaine est impitoyable. Parfois empathe, mais aussi dépourvu de pitié pour les plus vulnérables. Elle s'est façonnée sa propre carapace par des miettes de paillettes et de soieries qu'elle viendra exposer dans ce club bon marché. Une précieuse qui pourtant ne se trouve pas à sa place. Et j'ai ce goût pour l'obsession lorsque les choses ne sont pas à leur place. Lorsque ça ne tourne pas rond. Immanquablement, tu dénotes dans ce décor et tu l'ignores encore. D'abord montrant tes crocs face à mon approche, elle m'a rassuré sur le semblant de raison que tu peux avoir dans tes errances. Tu te protèges et c'est bon signe. Je t'ai dit commencer à 9 heures mais c'est bien sur faux, je suis debout depuis l'aube, j'ai réalisé mon jogging et déjà mes échauffements, ayant pris le temps de travailler déjà mes propres enchainements pour avoir le temps avec toi. Si tu ne viens pas, ce sera seulement pour moi du temps supplémentaire. Mais je dois l'avouer, je me plais à espérer que tu viennes. Tu m'intrigues. On pourrait dire que je perds mon temps. Des partenaires, j'en ai à la pelle, beaucoup de mes collègues aiment travailler avec moi, mais elles n'ont pas cette pureté que tu possèdes et moi surtout, j'ai ce goût irresistible du challenge. Les notes de musique résonnent, alors je me remets en mouvement, travaillant ma ligne de trois mouvements, ce qui ne me mettra pas dans cette position inconfortable d'attente. Mes yeux s'ouvrent sur la salle après mon dernier saut. Tu es là. Bien que le marbre de mon visage bouge peu, une amorce de sourire s'offre sur ton entrée. « Bienvenue Lena. » Tu es là. Et je me demande ce que le futur nous réserve.

rencontre inédite. regard différent des autres, tu es de ceux qui saisissent l’âme avant le corps. l’être avant les artifices. ceux qui m’encombrent, dans lesquels je me noie pour qu’ils n’attrapent que mon ombre. qu’ils se contentent, de la poupée aguicheuse, de la constance de la luxure vendue aux plus pauvres d’esprits. à ceux qui ne cherchent rien d’autres qu’une fuite, à ces infidèles d’une nuit. déclenchant les fantasmes dans une dentelle peu garnie. mais, il y a eu toi un soir. parmi les chiens affamés, les billes nobles. cherchant l’art avant les plaisirs déchus. la curiosité, l’adrénaline, la passion me pousse jusque devant la haute bâtisse. majestueuse, de ses ornements. les yeux se lèvent, admire les sculptures princières. trop bien pour moi. aspire à l’excellence, celle qui t’habite mais n’est pas pour moi. et, pourtant, j’en rêverais presque. d’être l’une d’entre elles, aux talents inépuisables. un body noir, un short cycliste qui colle à la peau, premiers pas dans un autre monde. regard silencieux, s’arrête sur ta silhouette animée. se délecte du spectacle unique, les derniers pas joués. l’élégance et la force dans un seul rythme. l’écho de tes pieds qui retombent adroitement, marque la fin. le début. immobile, à quelques mètres j’attends que tu me remarques. encore. - ça a l’air très.. solennel ici. différent du bar. des néons. des lumières tamisées. différent de la débauche, des aspirations. - j’me sens pas à ma place. regard qui s’absente autour de nous.

Tigresse perdue dans la noblesse du décor, dans son absence de paillettes et d'artifice. Ici on prône l 'excellence et le pragmatisme pour l'atteindre. Les espaces sont épurés et aérés afin de nous permettre de livrer notre art dans la brutalité gracieuse qui lui est nécessaire. « Oui, ça l'est. Seule la discipline compte ici. Le niveau technique et artistique qu'on peut atteindre. » Je laisse mes bras reposer contre mon corps, esquissant quelques pas vers toi, le regard solennel tout comme le décor qui nous enveloppe. Phalanges tendues vers ton corps mal à l'aise. Etrange premier contact alors que mes yeux s'abaissent sur ton visage de féroce angoissée. « Alors tu vas apprendre à la faire. » Qui a sa place ici au départ ? Personne. Mais on a cet amour de la danse en commun et c'est ici la seule chose qui puisse compter. « Tu n'as rien à prouver pour être acceptée. » Pas d'enjeux, si ce n'est ceux que tu te fixeras pour toi-même. « Viens. » dis-je avec un mouvement d'encouragement, jambes pliées et buste en arrière, j'esquisse un mouvement. « Laisse simplement ton corps s'exprimer. » Quoi de plus galvanisant mais aussi d'angoissant que l'improvisation ? L'ultime lâcher prise. « Quel genre de musique aimes-tu ? » Histoire de favoriser un minimum la création.