TW : droguesJouer la comédie. Enfiler un masque. Il était si aisé de faire semblant pour moi. Il était si facile d’agir comme si ça allait à la perfection et que rien n’était arrivé la veille. J’avais eu tellement l’habitude de le faire après l’accident. C’était une seconde nature si facile à adopter. C’était un costume si aisé à enfiler tant il me collait régulièrement à la peau. Harlem se trouvait dans mon studio. Harlem se trouvait face à moi. Et, je jouais l’innocent. Je jouais ce mec jovial pour qui tout allait bien. Je jouais l’insouciant pour qui rien n’était arrivé. Mais, putain, au fond, ça n’allait pas du tout. Les souvenirs de la veille cognaient vivement à l’intérieur de ma tête. J’étais parti le secourir une nouvelle fois après sa consommation. J’avais volé à son secours sans réfléchir. Et les dominos étaient tombés les uns après les autres. Lyssandre m’avait écrit pour me balancer des mots qui résonnaient comme une vérité que personne n’osait souffler. Je savais que j’étais foutu à présent. Je ne pouvais plus ignorer ces propos. Je savais qu’ils allaient alimenter les démons de ma vie. Je savais que ça allait juste rester comme une trace indélébile sur le corps. Dans le corps. C’était comme une marque noire pleine de poisson qui s’était infiltrée dans le corps. Une marque noire qui allait s’étendre petit à petit pour me tuer à petit feu. Et, comme si tout cet Enfer n’avait pas suffit, Yohan avait mit fin à notre histoire. Ça n’avait pas duré longtemps et, putain, c’était logique en fait. Je n’étais qu’un drogué veuf et hanté. Je n’étais qu’un mec indigne de confiance apparemment. Je n’étais qu’un déchet sur le chemin des autres. Yohan méritait mieux. Je n’étais pas celui qu’il lui fallait. Je n’étais pas celui qui le rendrait heureux. Je n’étais pas destiné à être heureux. J’avais passé ma nuit dehors à somnoler dans une quelconque ruelle à quelques minutes de l’appartement de Yohan. J’avais passé ma nuit dehors bien trop incapable de bouger une fois que je m’étais échoué en sortant de chez mon copa… Mon ex-copain. Je n’avais fait que somnoler de toute manière. Les mots de Lyssandre se répétaient en boucle dans la tête. La douleur de la rupture se propageaient violemment dans le corps. Et, lorsque le soleil s’était levé, j’avais finalement réussi à me lever. Les pas étaient incertains. Le visage était rouge d’avoir trop pleuré. L’être était tremblant de souffrir tant. Je m’étais mis à déambuler dans les rues de Boston. Sans but. Sans vie. Sans rien. J’avais marché pendant des heures avant que le destin ne s’en mêle de nouveau. Le café brûlant avait été renversé sur mon tee-shirt. Ça faisait mal, mais pas autant que la blessure dans l’être. Ça heurtait, mais pas autant que ces morceaux de cœur qui se détachaient. Ce petit incident avait pourtant été le déclic suffisant pour me pousser à rentrer chez moi pour prendre une douche. Une douche avant que je ne m’éclipse même si je ne savais pas où encore. Cependant, cela ne s’était pas passé ainsi. Harlem était arrivé entre temps et le face à face avait lieu. Ma tentative de fuite se révélait infructueuse alors j’acceptais de battre en retraite. J’acceptais de jouer un rôle, d’enfiler un masque. J’acceptais de jouer cette partie. Une ultime fois. Faire semblant malgré tout.
Les sanglots voulaient éclater. La drogue m’appelait vivement. La fuite me quémandait. Pourtant, je ne cédais à rien. Les larmes étaient contenues. La drogue était mise de côté. La fuite était toujours dans le coin de la tête. Je me concentrais sur l’instant quand bien même je me sentais trop déconnecté pour réellement suivre. Harlem semblait déconnecté lui aussi. Pourtant, il agissait et je suivais sans chercher à gratter sous la surface. Je n’avais pas la force de le faire aujourd’hui. Les ingrédients étaient disposés. Le silence régnait en maître. J’écoutais à peine les mots que le fantôme de mon passé lancé. Je suivais les instructions qu’il dictait. Je suivais les gestes qu’il produisait. J’agissais comme un simple robot programmé pour suivre. Ce n’était qu’une mécanique. Et, bien trop vite, le temps s’écoulait. C’était mis au four tandis que de nouvelles indications tombaient. Des indications qui donnaient tant d’indice sur la suite. Adieu le repas ensemble. Adieu le temps ensemble. Lui aussi voulait me fuir en fait. Peut-être qu’au final, depuis nos messages, il s’était rendu compte que son frère avait raison. Qu’il était mieux que je disparaisse de sa vie. Je ne relevais pas. Je restais parfaitement silencieux. Je m’installais dans un coin de la cuisine l’observant se laver les mains et laver le plan de travail. Bien trop vite, il terminait et se dirigeait vers la sortie. Je le suivais sans un mot. Je le suivais comme un simple fantôme. Les mots étaient lancés sans que je ne puisse y répondre. Ma gorge était nouée. Je m’étais trop battu. Je n’avais plus la force de le faire à présent. Pas maintenant. La douleur cognait une nouvelle fois. Trop intense. Trop violente. Trop présente. Je l’observais poser sa main sur la poignée avant de balancer une phrase censé donner le sourire. Ça ne m’arrachait rien malgré la révérence et le rire. Ça ne provoquait rien. Je restais juste là et il partait. Purement. Simplement. Réellement. La porte se refermait. Harlem n’était plus là. Tout semblait se terminer une autre fois. Encore un point final posé dans les chapitres de mon existence. Je restais quelques minutes à fixer la porte avant de bouger. Je me rendais dans la cuisine pour couper le foutre me foutant totalement du repas qui était en train de cuire. Je ne voulais pas manger. Je n’avais pas faim. Le ventre était bien trop tordu pour cela. Retournant dans l’entrée, je me plantais devant la porte une nouvelle fois. J’hésitais. Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix… Dix secondes. Je venais tourner la clé pour fermer la porte et j’agissais. Me plaçant sur le côté du meuble de l’entrée, je venais le pousser. Je le poussais jusqu’à ce qu’il soit entièrement derrière la porte d’entrée. Je le mettais en place pour empêcher toute ouverture de cette porte. Et, sans plus attendre, je me rendais dans ma chambre. L’hésitation planait encore un bref instant. Les dés étaient attrapés. Les dés étaient lancés. La réponse tombait. En quelques secondes supplémentaires, toute la drogue stockée dans le studio était étalée sur le sol. Je m’y laissais tomber à mon tour. Je retirais le pull enfilé. La seringue était préparée d’une main experte. Et, sans plus de cérémonie, l’aiguille s’enfonçait dans le creux du bras. Voyage entrepris loin de cette douleur qui me dévorait.
@Harlem WayneEnd