Ellie + last night.

Il est vrai que peut-être, cela peut venir de son humeur du jour, de son envie de liberté, de redevenir celle qu’elle a toujours été, mais l’entendre commander sa bière de cette manière si … passive, elle a éprouvé, une irritation aussi admissible qu’injustifiée. Sans aucun merci, aucun regard, simplement la demande balancée. Pourtant, elle a bien conscience que c’est tout à fait ce qu’on attend d’elle ici, dans cette vie. Qu’elle se fonde dans la masse, qu’elle soit invisible, que personne ne remarque sa présence, qu’elle n’amène personne à entrer véritablement dans son existence.

Alors oui, c’est entre la lassitude et l’énervement qu’une fois de retour derrière son comptoir, elle attrape une chope avec une pointe de véhémence et ouvre le robinet destiné à faire couler le liquide ambré. Dans sa tête elle laisse tourner une multitude de pensée, inverses et contraires, sans être véritablement capable de les ordonner. De toutes les façons, s’imposer de faire le tri, elle n’en a pas la capacité. Si bien qu’arrive le moment où elle doit redresser le récipient, pour que la boisson contienne la dose de mousse escomptée. C’est dingue comme ce simple mouvement peut la dépiter. Elle se devrait d’y trouver de la joie, de la reconnaissance d’être là, et quelque part, elle s’en veut un peu de ne pas ressentir ça.

Puis elle retourne en direction de cette table éloignée, armée de son plateau dont l’équilibre laisse encore à désirer. Après tout, ce n’est pas en quinze pauvres petits jours que l’on apprend un métier. A nouveau face au client, elle se pare d’un sourire de façade, balance sur la table un sous-verre cartonné, accompagne son geste d’un, « Et voilà, » son ton enjoué surjoué, mais c’est possiblement à cause du regard qu’elle lui lance de biais, qu’elle ne remarque pas son plateau qui se penche suivant la rotation de son visage, et c’est la bière qui dégringole sur le client… Bien sûr, elle devrait lui dire qu’elle est désolée, mais ce sont des mots qu’elle ne prononce pas naturellement, alors les forcer reste compliqué.