You wanna get away •• Kahena

You wanna get away

[Le 12 juillet, aux alentours de 17h00…] Tu ne vas pas bien. Je ne suis pas stupide, je le vois. Tu as cet air renfrogné, un peu perturbé ; tu as ces mots quelquefois tranchants qui ont tendance à me surprendre et à me désarçonner pour quelques minutes. Tu sais, même si je ne le montre pas, ça me perturbe aussi. Malgré une première rencontre quasi électrique, rimant avec suspicion, tu es désormais la personne normale et stable dont j’avais inconsciemment besoin. On ne dirait pas un compliment aux premiers abords, mais c’en est un – tu es comme ce rocher auquel je peux m’agripper. Tu m’aides à avancer, à dévier ou affronter tous les obstacles que je peux rencontrer. Et te voir t’effriter, te fissurer ? Je ne pensais pas assister à ça un jour. Et franchement ? J’en suis pas fan. Alors, pour essayer de réparer ces quelques brisures, me voilà le nez plongé dans une recette de cookies trouvée sur mon téléphone. Comme je n’ai plus de pépites de chocolat sous la main (j’y suis peut-être allée assez fort pour la première tournée… il y a beaucoup de pépites dans mes premiers cookies), j’ai dû improviser avec des sachets de gourmandises que j’ai réussi à dégoter. Des M&M’s, des Daims, toutes ces bêtises-là que tu m’as fait découvrir. J’espère que ça sera bon. En tout cas, la première fournée (extra pépites de chocolat) sent bon. Oui oui, j’ai utilisé le four toute seule – probablement la première fois, mais ça a l’air de fonctionner ! « Oh non, ça ne sera jamais prêt à temps... » que je souffle, un peu inquiète, en jetant un œil à l’heure. Il faut que je m’occupe de la nouvelle salve de cookies aux goûts un peu plus originaux (enfin, d’après moi), et j’ai encore de la pâte en plus… J’ai dû me louper sur les doses. Peut-être que j’ai mal utilisé ta balance ? Après, c’est l’intention qui compte, comme le dit l’article Comment remonter le moral à une amie ? 10 idées simples mais efficaces, non ? Avec tout ce que tu as fait – et que tu fais encore pour moi –, c’est la moindre des choses…

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@Kahena Malacki & @Eleanor Wilshere code by (c) lovebug

impression de tourner en rond dans un bocal qui se rétrécit à chaque nouveau tour complet. essayer de donner le change mais ça se voit sur ton visage, cette contrariété. ça s'entend à l'intonation de ta voix quand tu parles. ça se remarque dans ta façon d'écrire, même. mais faire semblant, tu n'y arrives plus, t'as perdu cette faculté en te rangeant dans un univers plus légal que celui qui t'a forgée. te demander même si t'as pas besoin de replonger dans les affres de cet enfer pour redevenir impassible et froide face à tes tourments. qui sait, peut-être même que ça fera taire le reste. cleo s'est absentée et tu peux laisser le masque tomber dans la solitude que tu recherches dans ta chambre. ton téléphone, tu l'as attrapé à de nombreuses reprises, déverrouillé, pour aller dans l'application de messages avant de te raviser. putain, quel enfer d'être dans le monde des mortels quand tu côtoyais l'insensibilité des immortels depuis si longtemps. fuir, seule issue qui te semble acceptable pour le moment. fuir pour ne pas éclater en plein vol, fuir pour ne plus créer de douleur, pour ne pas en ressentir. mais avant ça, tu devras en discuter, expliquer que tu as besoin de prendre le large seule pour te retrouver. deux heures se sont écoulées à regarder le plafond, fond de musique dans les oreilles pour ne pas laisser les pensées s'emparer de toi et prendre de décision sur un coup de tête. chercher l'apaisement dans les mélodies, attendre les réponses dans les paroles, mais aucun des deux ne s'est manifesté. sortir de la pièce, attirée par l'odeur de bouffe qui s'est éparpillée dans l'appartement, tu tombes sur Eleanor, devant le four. tu t'arrêtes un instant, dubitative, pas bien sûre de ce qu'il se passe. tu t'approches de l'ilot central en posant ton cul sur un tabouret, les coudes posés sur le faux marbre qui l'habille. « depuis quand tu cuisines, toi ? » sourire moqueur qui se tire timidement sur ton visage, tu te dis que le petit oiseau tombé du nid est presque devenue une grande et belle hirondelle prête à s'envoler.

You wanna get away

La cuisine est un sacré univers. À vrai dire, elle n’a jamais fait partie du mien puisque je ne gérais pas ces choses-là, au manoir. C’est toi qui m’as vraiment fait découvrir ce que c’était. Tu te rappelles ? Quand tu m’as montré comment utiliser les plaques de cuisson avant de partir aux toilettes, et que je ne savais plus comment arrêter l’eau des pâtes qui ne faisait que déborder ? Ou quand j’ai coupé des légumes pour la première fois ? J’ai bien cru que mon pouce avait sauté, ce jour-là. Cela fait des mois que nous cuisinons toutes les deux ensemble (enfin, quand on ne se fait pas livrer quelque chose par pure flemme de se mettre derrière les fourneaux) mais j’essaie de prendre de plus en plus d’initiatives. J’essaie d’être indépendante — oui oui, en cuisine —, d’apprendre à faire toute seule. Je sais que ça ne te rassure pas. Et que ce n’est pas économique car je les descends, les boîtes de pansements. Mais ça me permet de te faire une petite surprise qui, je l’espère, te remontera le moral (c’est ce que dit l’article, après tout). De loin, je t’entends arriver — et je ne sais pas pourquoi, mais ça me stresse un peu. Pas parce que j’ai peur que tu me juges. Mais peut-être parce que… « Ah, euh… » Je suis plus douée en cuisine qu’en parlotte. Pourquoi est-ce que j’ai l’impression d’avoir été prise la main dans le sac ? « Bah, depuis que tu m’as appris… Je me retourne, te lance un petit sourire innocent, avant de retourner à mes cookies et mon papier cuisson, on est d’accord que tu aimes bien les cookies, hein ? » Bien sûr, depuis le temps qu’on vit ensemble, je connais tes goûts mais… je ne sais pas, j’arrête pas de douter. Peut-être parce que j’ai envie de faire les choses bien, pour une fois ?

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