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They live happily ever after
L’été a un goût de vacances et ce n’est certainement pas les rayons dorés du soleil se décomposant dans l’horizon qui diront le contraire. Pour la dernière fois avant un moment, Joyce a rangé son bureau à Harvard, relevé les résultats de ses dernières analyses et refermé la porte du labo. Elle part demain pour Athènes où elle embarquera pour un mois complet sur la Méditerranée dans une aventure qui la terrifie autant qu’elle a conscience de son importance. C’est mettre un pied – et tout un corps – en dehors de sa zone de confiance et de connaissance. Mais c’est important et puis elle sait qu’elle sera bien encadré par l’ancien élève et ami de ses parents. Son sac est d’ailleurs déjà prêt et elle a minutieusement suivi ses consignes ; il ne lui reste plus qu’à prendre l’avion pour embarquer dans la grande aventure.
mais avant ça… Avant ça encore un autre projet, de nature bien plus inqualifiable. Une enquête où elle se prend pour James Bond au côté d’un homme qui en a bien plus le profil et l’habitude qu’elle. Aucune envie cependant de reculer, et en descendant les escaliers de la Maison Dudley, elle en profite pour déverrouiller son téléphone portable. Rapide tour dans les images pour faire défiler celles qui ont été prises lors du bal, jusqu’à ce que son doigt s’immobilise au-dessus du couple ds visages riant de William et elle, main dans la main en train de se regarder, le tout auréolé du soleil couchant. C’est presque niais, mais c’est surtout parfaitement crédible ; on dirait un vrai couple qui vient de se marier et qui profite du plus beau jour de leur vie. Parfait. Quelques clics et la photo apparaît sur son écran principal. La couverture est mise en place.
Volée de marche avalée sans prendre de gamelle – une chute aurait mis à mal bien des plans – et ce malgré l’écran qui accapare une bonne partie de son attention, la doctorante passe la porte d’entrée pour attendre son allié de la soirée qui a promis de passer la chercher et l’a informé qu’il arrivait bientôt. Et en effet, elle n’a pas à attendre très longtemps avant de voir une voiture bleu s’immobiliser sur la route à la hauteur de la demeure. Sourire aux lèvres, elle s’approche afin d’ouvrir la porte passager et de s’y glisser, ne manquant pas au passage de montrer fièrement sa main gauche.
– Bonjour très cher mari ! J’espère que tu as bien pensé à mettre ton alliance. Et, regarde comme j’ai parfait notre couverture jusque dans les moindres détails…
Elle lui tend son téléphone pour lui montrer l’écran de verrouillage qu’elle vient de modifier.
– Deux semaines après la cérémonie, j’imagine que les couples sont encore dans toutes les niaiseries de trucs romantiques et d’afficher leur amour.
Elle se moquait, mais le jour où elle aurait assez d’argent pour s’acheter son propre bateau, il était évident qu’il figurerait sur son fond d’écran pour bien plus que deux semaines.
Rangeant son téléphone dans son sac, elle s’assure que le tissu de sa robe ne s’est pas bêtement bloqué entre l’intérieur et l’extérieur du véhicule, puis referme la portière derrière elle. Une étrange excitation palpite un peu dans sa voix et ses mouvements, encore plus que lors du festival des cochons – où les traces d’ivresse de la veille avait contribué à calmer ses ardeurs. Mais, surtout, ce soir, ils allaient au cœur des machinations, dans l’œil de la tempête. Cette impression pesante que c’était un peu quitte ou double quand tout ça restait pourtant un simple gala et qu’il y avait de fortes chances que leur cible ne leur adresse qu’un vague « bonjour » ne se rappelant probablement même pas de qui étaient ces gens croisés une année auparavant, et que les faux mariés doivent se rabattre sur le buffet et le champagne. Au moins – puisqu’il fallait savoir se consoler de peu –, ça aurait le mérite de lui changer les idées. Goût amer qui lui traînait sur la langue depuis une semaine, ce moment où elle avait vu Jay au bal, Jay au bras d’une autre…
En pleine conversation avec un de ses collègues croisé par hasard, Joyce et lui se taisent cependant en voyant la Doyenne monter sur la scène. Remise des récompenses annuelles oblige, cela ne l’intéressait pas vraiment, mais la politesse exigeait au moins un minimum de silence. L’espace d’un instant elle caresse l’envie de sortir à l’extérieur où William s’est éclipser un peu plus tôt pour prendre l’air, mais ça lui paraît malpoli aussi et autant rester pour applaudir les étudiants de la brillante école – et également ses amis si l’un d’entre eux venait à remporter un prix. L’humour est mis tout d’abord en avant, puis c’est la fidélité qui est récompensée. Prochain prix, l’élève le plus studieux. C’est une surprise sans véritablement l’être d’entre le nom de Jay cité. Cependant, ce qui l’est bien plus, c’est de voir la doyenne regarder précisément dans une direction comme si…
Elle tourne la tête vers la table que la femme observe pour découvrir son ex copain au moment exact où les lèvres d’une jolie inconnue libèrent sa joue. Son estomac se retourne ; qu’est-ce qu’il fout là ? Qu’est-ce qu’il fout là au bras d’une autre. Bien sûr ils ne sont plus ensemble et ce n’est pas parce qu’ils ont passé l’après-midi et la nuit précédente dans sa chambre de la Dudley que ça lui donne des droits sur tout ça. Mais Jay n’était pas du genre à aimer ces fêtes et l’année passée n’avait pas ressenti l’envie de l’y accompagner. Alors qu’est-ce qui avait changé cette fois ? Ça lui retourne un peu l’estomac, assez pour qu’elle s’excuse auprès de son collègue et se lève, filant à son tour en direction de la sortie pendant que Jay rejoint la scène.
L’air dehors lui fait du bien et elle ne met pas longtemps à retrouver son cavalier. Sourire aux lèvres malgré les émotions qui font rage dans son crâne, elle le rejoint tout en sortant de son sac une flasque lourdement remplie.
– Je crois qu’on a assez de photos pour être crédibles. Ça te dirait qu’on se bourre la gueule maintenant ?
(Invité)