I don't ask much, just to keep in touch ft. Love (23.06)

Ji-hun n'aurait jamais cru participer à ce genre d'événements, ne savait toujours pas comment lui était venue l'idée sur l'instant, mais il s'y trouvait et, malgré l'appréhension de ne pas se sentir à l'aise au milieu des étudiants, il avait passé de bons moments. Grâce à quelques collègues auprès desquels il était un peu resté pour discuter de leur domaine d'activité, à sa cavalière de la soirée qui s'avérait être une femme avec qui il était difficile de s'ennuyer, aux connaissances qu'il avait promis de retrouver quand il en aurait l'opportunité, et au discours de la Doyenne qui l'avait récompensé pour son exemplarité. Non, vraiment, il aurait eu tort de ne pas se pointer. D'autant plus qu'il avait encore une personne à qui il devait une danse, l'une de celles qui avaient de l'importance. Ça faisait longtemps qu'ils ne s'étaient pas revus, car leurs emplois du temps ne correspondaient plus. C'était donc l'occasion rêvée ce soir de la revoir. Un coup d'oeil furtif en direction de Chiara qui, seule, ne se trouvait pas, de ce fait il s'éclipsa. Il contourna quelques tablées à la recherche de celle autour de laquelle Love était installée puis, une fois repérée, il fonça droit devant sans hésiter.

À sa droite il se plaça, main posée sur le dossier il se pencha et, par dessus la musique, l'interpella : salut toi, tu passes une bonne soirée ? Pas un regard jeté pour savoir si son cavalier était présent, il n'allait de toute façon pas la voler aussi brusquement. Il était éduqué, voulait simplement lui assurer qu'il ne l'avait pas oubliée, qu'il était de ces hommes sur qui on pouvait compter. Elle lui avait manqué, même si ce genre de sentiments il avait un peu de mal à l'avouer – pas sûr qu'il sache définir ce qu'il ressentait de toute façon, mais le sourire qu'il affichait en disait long. Près de sa chaise il s'accroupit pour se faire plus petit, et entama la discussion : pas trop fatiguée ? Les heures avaient défilé, avec ses responsabilités et ses répétitions ça ne devait pas être facile à gérer.

Assise à table, les yeux rivés sur mon cellulaire, je passe quelques longues minutes à échanger des messages avec l’amie qui garde Rosalia ce soir. Je veux être sûre que tout se passe bien et puisque l’heure tourne, je veux m’assurer que ça ne gêne pas mon amie. Elle me confirme à nouveau que je peux rester aussi longtemps que voulu - voire ne pas rentrer dans la nuit - et que cela ne la gêne pas le moins du monde. Le cellulaire enfoncé dans ma pochette, la voix de Ji-Hun me surprend et me fait sursauter. Je ne m’attendais pas à ce qu’il débarque ni même à ce qu’il m’interpelle comme ça. Je ris légèrement et lui adresse un large sourire en me tournant vers lui. Jay ! La joie qui transparaît dans ma voix est sincère. Je suis vraiment heureuse de le voir ici et de voir aussi qu’il n’a pas oublié notre conversation d’il y a quelques jours. Ou quelques semaines, je ne sais plus. Tout passe beaucoup trop vite et je ne sais plus où donner de la tête. Je passe une super soirée et toi ? J’ai bien vu qu’il a gagné un award plus tôt dans la soirée et il le mérite vraiment. Je sais à quel point il s’implique et personne ne le mérite autant que lui. Tu vas rire mais j’ai mal aux pieds… Ces talons sont plus hauts que ceux que j’ai l’habitude de porter ! Et beaucoup moins confortable, je ne peux pas le nier. Mais sinon ça va… Et toi ? Que je demande, réellement intéressée, tendant le bras pour attraper mon verre et en boire une gorgée. Prêt pour lever le pied pendant les vacances ? Bon, pas trop, je le sais. Ji-Hun est un acharné et il a bien raison, si c’est ce qui lui fait plaisir et le rend heureux. Qui serais-je pour critiquer après tout ? Si ma passion n’est pas académique, elle est tout aussi prenante.

La surprise dans l'intonation de Love était probablement tout ce qu'il attendait, ça et le sourire qu'elle affichait de le voir se présenter à la table qu'elle occupait. Promesse faite de la retrouver, de venir la saluer, peut-être même d'ensemble danser pour la première fois depuis qu'ils s'étaient rencontrés. Ça faisait partie des plans, mais encore fallait-il s'assurer que tout allait bien avant. Il fut heureux d'apprendre que la soirée se passait comme elle le voulait, même s'il avait remarqué, avant de l'interpeller, l'écran déverrouillé sur lequel elle avait tapé. Mieux que je ne le pensais, lui sourit-il ; il avait eu des à-priori, finalement se plaisait bien de vivre ça avec des amis. Ji-hun commença à baisser la tête lorsqu'il fut question des talons, mais se reprit – regarder sous la table n'était pas très correct, il releva les yeux direct. Je n'ai pas énormément de jours de vacances, mais je pars pour l'Équateur dans deux semaines, l'informa-t-il. Ce qui ne leur laissera probablement pas le temps de se revoir avant le jour du grand départ, il fallait donc profiter un maximum de l'opportunité que leur offrait la soirée.

Tu me rejoins dehors une fois que tu te seras assurée de pouvoir abandonner ton cavalier, lui proposa-t-il, toujours accroupi à ses côtés, dans sa direction la tête complètement tournée, il y a quelques feux de camp installés, tu pourras te déchausser pour soulager tes pieds. Elle pourra facilement le retrouver, et personne ne sera là pour l'empêcher de se relaxer. Prends ton temps, lui assura-t-il avant de se redresser ; il n'était pas pressé, sa cavalière était occupée. Il quitta la table pour se diriger à l'endroit qu'il lui avait indiqué, et patienta en tenant le feu allumé – rappel de ces années durant lesquelles au bois il s'était uniquement chauffé pour tenir les mois d'hiver avec peu d'électricité. Homme posé, il ne saurait dire combien de tours la trotteuse avait faits avant que la silhouette féminine ne finisse par se montrer. Installe-toi, l'invita-t-il à prendre place sur une chaise à ses côtés, fais comme chez toi. L'herbe était douce et jolie, il n'y avait pas dans le coin meilleur tapis que celui-ci.

Ouuuh, tu pars pour la première étape du Summer Camp ? Tu me raconteras et me montreras des photos en rentrant ? Je ne sais pas s’ils vont avoir accès à leurs téléphones mais j’ai cru comprendre que cette année, l’été était placé sous le signe de la compétition à la Pékin Express mais en Amérique du Sud. Quelque chose qui m’aurait plu si j’avais pu y participer. Cependant, entre emploi du temps chargé, petite sœur à m'occuper et manque d'argent, mon été serait bien moins fun mais c’est l’option qui me convient. Je souris à Ji-Hun et acquiesce. Pas de souci. Il y avait toujours eu énormément de galanterie en Jay et j’espérais vraiment que personne n'abuse de ce que trait de caractère chez lui. Je crois que je pourrais me fâcher de manière plutôt virulente si c’était le cas. Quelques mots échangés avec Roman lorsqu’il revient des sanitaires, je le quitte rapidement, lui promettant qu’en revenant, je le tirerai sur la piste de danse. Mes yeux sur l’extérieur de la salle, je cherche mon ami Pforzheimer et me dirige d’un pas décidé vers lui lorsque je le trouve. Si je m’installe, je vais vraiment enlever mes chaussures tu sais. Que je lance, un léger rire dans la voix. Je sais que Ji-Hun ne sera pas offusqué et si quelqu’un n’aime pas la vue de mes petits orteils, je les invite à tourner le visage de l’autre côté. Talons posés à côté de la chaise, je soupire doucement en appuyant la pointe de mes pieds contre l’herbe fraîche. Alors, quel est le bilan de cette année universitaire ? Une simple demande, une ouverture de conversation pour voir à quel point nous avions évolué depuis notre première rencontre en début d’année universitaire.

Le Summer Express se racontera en temps et en heure, pour l'instant il avait envie de l'embarquer à l'extérieur. Bien éduqué, il ne se fit toutefois pas voleur, lui donna le temps d'en informer son cavalier. Dernier sourire offert avant de la quitter, il sortit de la salle où les convives étaient encore installés pour se retrouver autour d'un feu qu'il tint éveillé. Il ne saurait dire combien de tours d'aiguille passèrent avant de la voir arriver, mais qu'importait vraiment, il fut heureux de savoir qu'elle avait pu, à son tour, se libérer. Je ne pense pas qu'ils le remarqueront, si tu veux mon avis, la rassura-t-il. Les étudiants et leurs invités avaient sans nul doute autre chose à faire que de mater les jolis petons de la danseuse assise à ses côtés, et pour prouver qu'il avait foi en ce qu'il disait, finit par lui aussi se déchausser. Paires en toile et chaussettes délaissées, il planta ses pieds dans l'herbe douce, fraîche et colorée – rien de mieux pour se sentir apaisé.

Je dirais rythmée, commença-t-il – par des hauts et des bas, mais pas que ça, énormément de choses à apprendre et à comprendre, on peut dire que je ne me suis pas ennuyé. Il avait hâte qu'elle soit véritablement terminée pour mettre en pratique tout ce qu'il avait assimilé. J'attends de bonnes nouvelles pour la prochaine, avoua-t-il avant d'enchaîner, mon père a obtenu la nationalité sud-coréenne cette année, il compte venir me rendre visite à l'automne. Quelque chose d'excitant et d'affolant en même temps, il appréhendait l'instant des retrouvailles. Deux ans sans se voir, il supposait que ça créait forcément quelques failles. J'ai postulé pour la green card au mois de mars, encore quelques mois et je serai fixé. C'était long à être traité, de quoi l'angoisser même s'il évitait de le montrer. Ça serait bien aussi qu'il valide l'oral qui lui restait, ça le rassurerait – au printemps 2024, ce sera acté.

Et toi alors, on ne peut pas dire que tu aies stagné non plus, lança-t-il le sujet, quelle première envolée ! Exclamation qu'il ne se retint pas de lâcher. Ça n'avait pas très bien commencé, mais son acharnement et sa motivation avait fini par payer. Comment ça va se passer après toutes ces dates, demanda-t-il. Est-ce qu'elle devra retrouver son boulot de professeur, retourner à la Luna Caffe pour quelques heures, ou avait-elle déjà des projets afin de rester sous le feu des projecteurs ?

Mon regard sur Ji-Hun, je l’écoute me résumer son année universitaire et de ce qui l’attend pour les mois à venir. À l’annonce du changement de nationalité de son père et son arrivée prochaine, je souris largement. Oh mais c’est trop bien Jay ! Ça fait longtemps que tu ne l’as pas vu ? Que je demande rapidement. Je sais qu’il parl souvent des gens qui l’ont accueilli ici comme de sa famille mais je n’ai jamais perdu d’idée qu’il s’agissait d’une famille adoptive. Retrouver son parent, c’est quelque chose qui fait changer une vie, qu’on le veuille ou non. J’aurais aimé retrouver la mienne - juste pour voir si elle avait changé - mais je ne l’ai jamais fait. Maintenant, c’est trop tard, et je ne souhaite à personne. Tu aurais dû me le dire, j’aurais pu t’aider pour les papiers et les déclarations sur l’honneur. Mais je sais que Jay n’a pas besoin du témoignage d’une américaine qu’il a connu il y a un peu plus d’un an. Je suis assez intelligente pour savoir que cet homme est soutenu par les personnes qui l’entourent et j’en suis heureuse. Et rapidement, lorsque le sujet se tourne vers mes projets, je souris. On a pas encore officiellement commencé mais les quelques filages se sont très bien passés… En même temps, je connais le rôle sur le bout des doigts alors ça ne peut que bien aller de mon côté. Du coup, on a pas de dates de fin et tant que ça continue comme ça, c’est très bon signe. Je sais bien que rares sont les acteurs qui ont envie de faire le même rôle pendant des mois et des années mais si je pouvais rester Frédérique Houseman jusqu’à la fin des temps, ça m’irait parfaitement. Enfin, il faudrait que je passe au rôle de la mère à un moment. Ça se passe bien avec mon ex en plus donc c’est cool… C’était le plus effrayant dans l’histoire au final, Jacob. Mais tout se passe bien, c’est cordial et c’est le plus important, vraiment. Mais sinon.. J’ai fait un test ADN avec Rosalia il y a quelques semaines pour voir si on avait de la famille quelque part. J’ai trop peur de la laisser seule s’il m’arrive quelque chose. Ma mère ne s’est jamais occupée de cela mais moi, je refuse de l’abandonner comme elle l’a fait avec moi.

Son père allait pouvoir voyager sans danger hors de sa zone de sécurité, et la première destination qu'il avait choisie, forcément, c'étaient les États-Unis. Depuis 2021, octobre ou novembre, je ne me rappelle plus très bien, annonça-t-il alors qu'il jouait de ses pieds sur l'herbe verte sur laquelle sa chaise était posée. Mais on avait repris contact par téléphone lorsque je suis arrivé sur Boston, ajouta-t-il. Ils n'étaient pas devenus de simples inconnus, ça restait toutefois un bail qu'ils ne s'étaient pas revus. Et je te remercie de ta gentillesse, témoigna-t-il sincèrement, tu étais déjà bien occupée, je n'aurais pas voulu abuser. À l'époque, il y avait aussi certains détails de sa vie passée qu'il aurait également voulu éviter de communiquer, aujourd'hui il se produisait en tant que conférencier sans plus vraiment rien cacher de qui il était. Il avait évolué, et si c'était à refaire, il n'aurait jamais écouté ces autres lui affirmer qu'il était préférable de ne pas divulguer les origines qui le définissaient.

Ji-hun s'intéressa ensuite à Love et à ses projets, notamment ce qu'il adviendra d'elle lorsque les dates seront passées, et le nord-coréen fut heureux d'apprendre que tant que ça tournait il n'y avait pas de quoi s'inquiéter. J'ai décidé de ne pas regarder le film, l'en informa-t-il quand bien même elle le lui avait conseillé, je veux tout découvrir le soir où je viendrai te voir. Façon de la soutenir, de la laisser lui réserver la surprise, de lui confier sa fierté, et toute la foi qu'il avait envers la professionnelle qu'elle était. Son ex évoqué, il ne prit pas la peine de lui donner trop d'intérêt. Tant qu'il restait dans le rôle qu'on lui avait réservé, il n'y avait pas de quoi s'emballer. S'il y avait quoi que ce soit qui se passait, et qu'elle désirait lui en parler, il saura aviser. Le genre de test qu'on voit quelques fois dans les publicités, l'interrogea-t-il. Kit envoyé, échantillons faits via un coton tige imbibé de sécrétions fraîchement récoltées, puis retournés pour des résultats qui s'avéraient peut-être plus ou moins vrais.

Il ne comprenait pas vraiment pourquoi elle voulait passer par cette étape là ; probablement parce qu'il n'avait jamais vraiment penser à « tout ça », - parce qu'il n'avait jamais été papa. Alors, bêtement peut-être, il demanda : tu te sens seule ? Ou... plus dépassée que ce que tu veux bien me confier ? Avait-elle besoin d'une aide qu'elle n'osait lui réclamer ? Ça n'avait pas été faute de lui proposer de s'occuper de Rosie si elle avait besoin de souffler et, du temps, il saurait le leur accorder, il suffisait simplement de dire que ce n'était pas assez. Tête tournée du côté de son amie, il attendit.