appreciation post (ji-hun)

appréciation post.

le soir du bal, en milieu de soirée.
w/ @Ji-hun Hwang

Jay, Jay, Jay… Bien sûr que je le sais, j’ai ma propre entreprise tu sais. Enfin, peut-être qu’il ne le sait pas parce que je ne crois pas qu’on ait parlé de ça les quelques fois où nous nous sommes vus. On a pourtant toujours eu de quoi discuter. On a encore pas mal de choses à apprendre l’un sur l’autre. Je ne sais pas combien de temps cela va durer mais je profiterai de sa présence autant que possible. Le compliment bien placé, je souris largement et réponds Merci. On me l’a déjà dit plusieurs fois - je ne peux le nier - mais j’aime entendre ces mots. Je pourrais dire que n’importe quelle femme aime ça mais moi encore plus. Si je pouvais vivre dans une société où les compliments de ce genre - et ceux bien plus sexuels - étaient de mise à longueur de journée, je serais heureuse. Je parle bien de compliments et non de micro agressions consécutives. Mon attention porté sur le jeune homme, je souffle On pourrait immortaliser le moment avec le photobooth ? Il faut de toute façon que je passe par là pour immortaliser ma robe. Hors de questions de partir sans souvenirs. Bien que je sois venue avec lui par intérêt, je compte bien profiter du moment. Mais rien de trop ringard non plus.

Ji-hun ne connaissait pas tous les traits de caractère de sa cavalière, et lorsqu'il attira de nouveau l'attention sur les discours qui restaient à donner, et qui les interdisaient donc de bouger, il fut amusé par le soupir qui s'envola ; c'était mignon comme réaction – à ses yeux en tout cas. Pour ce qui était de son entreprise, non, il ne savait pas. Les sourcils gagnèrent de la hauteur, un brin interrogateurs ; en effet, il y avait un tas de chose qu'ils ne connaissaient pas, et au programme il ne leur restait qu'un rendez-vous, ce n'était pas beaucoup. On va bientôt savoir qui ont été élus Roi et Reine du bal, la prévint-il. Ils pourront ensuite sortir, et prendre les fameuses photo souvenirs. Tout ce qu'il voulait c'était savoir si les Dorés pour qui il avait votés allaient se retrouver couronner. Thanom et Lex étaient ses meilleurs alliés dans la Maison, sur ses traits se lut la déception quand il n'entendit pas leurs noms. Roman faisait toutefois partie des siens, pour la Pforzheimer House c'était donc un autre butin. Je vais voir si je peux laisser la récompense quelque part , dit-il à Chiara avant de se lever, attends-moi, je reviens aussitôt te chercher.

Quelques minutes d'attente lui furent demandées, mais il revint délester de son trophée, ce qui lui permettra de faire toutes les activités intéressantes qui étaient proposées. Si tu veux bien..., lui proposa-t-il de commencer à se redresser, afin qu'il puisse tirer la chaise pour l'en débarrasser. Je trouve que le décor proposé est sympa, donna-t-il son avis. Ils avaient le choix entre deux cadres dorés et fleuris, côte à côte surélevés au milieu d'un encadrement de colonnes vieillies, et un espace détente à l'assise deux places couverte d'un tissu vert et gris, devant un pan de planches lasurées, agrémenté d'un joli tapis. Tu préfères lequel, dis-moi, l'interrogea-t-il ; parce qu'il fallait bien faire un choix, à moins qu'à la place une autre idée lui viendra ?

Si ce n’est pas Apollon, ça ne m’intéresse pas vraiment. Que je lance rapidement, prononçant le prénom de mon meilleur ami. Je ne sais pas où il est, n’ayant pas eu le temps de le voir pour le moment et si je suis essentiellement venue au bal pour m’imposer dans sa dynamique avec sa sorcière, de les savoir sur des chemins différents provoquent en moi beaucoup de joie mais aussi plus de retenue. Assise, j’acquiesce après les derniers awards et le laisse filer avant de me revenir. Il n’a qu’une parole, je l’ai bien compris.

Ma main dans la sienne, je me lève et alors qu’une bonne partie des élèves passe sur la piste de danse, c’est vers l’extérieur que nous nous dirigeons. Les deux cadres, je trouve ça plus classe. Que je souffle en regardant l’espace détente avec une mine un peu déconfite. Je ne sais pas qui a mis ses fesses là-dessus et ça me tente moyennement, je dois l’avouer. Debout dans la file, je jette un coup d'œil sur cette dernière et me tourne vers Ji-Hun. Je ne t’avais pas dit pour mon entreprise ? Je suis développeuse web et ai ma propre entreprise de création d’application. Je suis toute seule pour le moment mais j’espère que je finirai par avoir tellement de clients que j’aurai besoin d’employés. Mais j’ai du mal à me développer autant que je le voudrais. Pourquoi ? Parce qu’à côté de cela, je dois apprendre à gérer l’entreprise de mes parents et à me faire respecter dans un domaine qui a pour habitude de discréditer les femmes dès que possible. Mais avec mon caractère, rien ne me semble insurmontable, surtout pas l’avis non sollicité de vieilles chouettes.

Les deux cadres avait été son choix et il lui accorda sans demander pourquoi – le furtif regard qu'elle avait lancé en direction du canapé en disait bien assez pour ne pas l'interroger. Chiara et Ji-hun finirent côte à côte dans la file d'attente, il y avait peu de personnes intéressées à se photographier, la plupart avait rejoint la piste de danse pour danser, ils n'auront ainsi pas longtemps à patienter. Mains dans les poches, le nord-coréen se la jouait décontracté, alors que le fameux sujet de l'entreprise fut lancé. Il secoua la tête, agrémenta d'une phrase toute prête : pas vraiment, non; pas du tout. Ils avaient parlé de bien des banalités, des anecdotes de la journée, s'étaient rappelé de cette soirée qu'ils avaient passée – certains détails semblaient lui avoir échappé, ce qui leur avait permis de bien se marrer. Tu es spécialisée dans un genre d'appli en particulier, la questionna-t-il ; de discussions instantanées, de jeux pour s'amuser, de sites pour se rencontrer ou de claviers ?

Ji-hun en utilisait beaucoup depuis son arrivée, notamment parce qu'on l'avait initié à l'utilisation de technologies bien plus privatives qu'il en avait été habitué par le passé. En Corée du Nord, on n'avait pas accès à tout ça, avoua-t-il, personnellement, j'avais juste un téléphone parce que mon statut social l'exigeait. Objet prestigieux que l'élite faisait mieux de posséder pour ne pas faire partie de la risée. Cependant, vu les contrôles répétés  et les restrictions imposées, il s'était rendu compte que les mobiles ne leur étaient presque d'aucune utilité dans le pays d'où il venait qu'au moment où sa famille d'accueil lui en avait présenté les nombreuses possibilités. Il porta son regard sur le visage de la jeune femme à ses côtés ; se pourrait-il qu'ils n'en aient pas parlé ? Un brin malicieux, un coin de ses lèvres s'éleva ; ouais, il y avait tellement de choses que l'un et l'autre ne connaissaient pas. Du décor ils se rapprochaient, pour quel genre de pose allaient-ils opter ?

Capricieuse à mes heures perdues - mais aussi celles qui ne le sont pas - je suis presque triste de me retrouver avec quelqu’un d’aussi carré et rigide. Pourtant, c’est bien ce côté de sa personnalité qui m’intrigue depuis notre rencontre au Navigator 22. Mais ce soir, l’égo légèrement piquée et facilement ennuyée, je cherche la moindre excuse pour m’éclipser et mettre un peu plus de fun et de pep’s dans cette soirée qui ne fait pourtant que commencer. Chiara la tornade est de sortie. Et lorsque nous sommes vraiment sortis de la salle de bal, la conversation commence rapidement. Non. Pour le moment, j’essaye de me faire un nom. Et ce n’est pas facile, je dois l’avouer. Surtout qu’il y a pas mal de concurrence avec le MIT un peu plus loin. Les meilleurs codeurs viennent de là-bas, nous le savons tous. J’aimerais lui parler de ma meilleure création mais ce n’est pas possible, cela exposerait ma famille et nos activités. Mes derniers clients sont deux restaurants et un nageur qui veut se lancer dans le mannequinat. Rien de bien intéressant, rien d’hyper passionnant pour moi mais les milieux respectifs d’exercices n’ont pas les mêmes codes, ce qui me force à sortir de ma zone de confort. Vraiment ? Wow… Je sais pas trop comment je vivrais sans téléphone pour être honnête. Parce que je suis accroc. C’est une extension de ma personne et je ne sais plus faire grand chose sans ce dernier, ce qui est presque sûr. Je sais pas pourquoi j’étais partie du principe que tu venais de Corée du Sud. Que je lance en haussant les épaules. Le raccourci facile, en quelque sorte. Les divergences entre la Corée du Nord et du Sud, je ne les connais pas sur le bout des doigts - loin de là même, ayant toujours été nulle en histoire, très peu intéressée par le passé mais bien plus vers le futur. Ton statut social ? Que je finis demandée, tout de suite beaucoup plus intéressée.

Ji-hun supposa que cela avait donc à voir avec des sites de promotion ou de ventes en ligne, fut toutefois surpris d'apprendre qu'un nageur puisse avoir pour projet le mannequinat quand on savait que ce type de sport n'intéressait pas tant que ça. À moins qu'il soit spécialisé dans la nage synchronisée, il fallait énormément travailler sur la communication pour arriver à taper dans l'oeil d'un recruteur qui était chargé d'un film, d'un magazine ou d'une publicité ; rêve toutefois salué par le champion de natation qu'il avait été, il lui espérait d'y arriver. Je ne t'en veux pas, on n'est pas si différents que ça, dit-il. Physiquement en tout cas, les similitudes étaient frappantes, même si la silhouette des sud-coréens était d'ordinaire plus grande. Il n'y avait que ceux qui vivaient de part et d'autre de la ligne de démarcation qui faisaient correctement la distinction. Et puis on n'en croise pas énormément, lança-t-il, yeux plissés alors qu'il souriait. De moins en moins des siens étaient aidés par le continent américain, c'était un peu contre ce manque d'humanité qu'il se battait, les oeillères qu'il arrachait quand il montait sur scène et s'exprimait.

Ce fut toutefois autre chose qui interpella Chiara, plus étonnant que toutes les questions sur lesquelles on avait rebondi jusque là. Il la regarda, pas sûr de comprendre ce qu'elle attendait de ça. Je..., commença-t-il avant de se retenir de parler, j'étais simplement bien classé. Rien qui ne pourrait t'intéresser. Il lui assura avant de laisser ses yeux défiler sur la file qui avançait. Si ça avait été un jour une fierté, il n'était pas certain que ça puisse encore compter. Au gouvernement son père travaillait, et parmi tous les jeunes hommes du pays il avait été sélectionné pour entrer dans la plus grande et prestigieuse université, la seule qui acceptait que les cours d'anglais soit effectués par des étrangers. Un des deux cent étudiants à avoir approché d'aussi près des enseignants du monde entier. Et que pouvait-on dire de la visite officielle du dirigeant dans l'appartement de ses parents, venu le féliciter pour avoir travaillé aussi ardemment ? Il avait fait partie de l'élite, mais ce temps était bel et bien révolu, aujourd'hui il devait tout reprendre depuis le début. Cela dit, rien n'était tout à fait perdu, Ji-hun visait le plus haut statut.

J'étais vraiment dégoûté de ne pas avoir pu t'emmener au festival du dragon boat la dernière fois, dit-il, pour changer de sujet. Ça avait un peu cassé le degré d'affinité qu'il avait commencé à construire, et le peu d'échange depuis n'avait pas permis à la complicité d'aboutir, c'était compliqué de savoir comment agir. Pourtant ça avait plutôt bien matché lors de la première soirée, et ils s'étaient bien éclatés au concert de jazz donné après qu'ils aient mangé. À croire qu'on a voulu nous freiner, rit-il ; c'était en tout cas le sentiment qui en ressortait.

Nous avions encore pas mal de choses à apprendre l’un de l’autre et même si mes intentions envers le jeune homme n’étaient pas des plus glorieuses, je prenais un certain plaisir à en savoir plus sur lui. Je sais à quel point le fait de se faire des amis - ou des contacts - est important dans la vie de tous les jours mais surtout quand on essaye de se faire un nom dans un certain domaine. Après tout, qui me dit qu’il ne va pas me donner un coup de pouce pour designer l’application de son laboratoire et tout ce qui va avec ? Il n’y a aucune rencontre qui s’avère inutile, c’est ce que mon père ne cesse de me répéter depuis mon plus jeune âge. Alors, il faut que je continue sur ce chemin. Et je me rends compte que je ne connais pas du tout le jeune homme, ce qui est dommage. Mais avec mes questions et demandes, je crois que nous allons remédier à cela. C’est vrai que… De ce qu’on entend sur la Corée du Nord, on s’attend plus à ce que vous ne quittiez jamais le pays… Ou alors si c’est le cas, ce sont les pieds en avant, entre quatre planches. Ça reste très cliché, je le sais, mais c’est ce que j’ai retenu de mes cours d’histoire et de géographie. Je fronce les sourcils à sa manière d’esquiver le sujet de manière plutôt faiblarde mais décide de ne pas relever à ce moment précis. Il n’a peut-être pas envie de me dire qu’il est le petit-fils du dirigeant ou que sais-je ! Bon sang, et si c’était une manière d’accéder au pouvoir ? Mon cerveau commence à partir dans tous les sens mais je me ravise rapidement : si c’était le cas, il ne serait pas là. Mes yeux se posent sur le jeune Pforzheimer et je me demande s’il est un déserteur ou autre. Intriguée, je sais que je finirais par lui poser quelques questions dans les semaines à venir, de manière éparse pour éviter tout soupçon. J’avance dans la file avec mon cavalier et continue de discuter avec lui. Oui ! J’y allais tous les gens avec mes parents et ma cousine quand j’étais petite mais ça fait des années que je n’y suis pas retournée. Parce que j’ai grandi, que mes parents ont abandonné la tradition et je n’ai rien fait pour la perpétuer. Les feux du Canada ont voulu t’épargner de me retrouver compétitive comme jamais. Je ne joue pas pour jouer mais bien pour gagner. Pierre de Coubertin et toutes les conneries qui vont avec ? Non merci. Dès que j’entreprends quelque chose, c’est pour gagner et je n’hésiterais pas à faire des coups bas pour arriver à mes fins. Je ne sais pas pourquoi, mais je sens que ce n’est pas le cas de Ji-Hun, il a l’air trop calme et posé pour cela. Enfin, il faut se méfier de l’eau qui dort, non ?

Surpris par l'annonce de Chiara, il ne l'imaginait pas participer chaque année à un festival chinois. Ji-hun pensait le lui faire découvrir, avoir trouvé un spectacle original à lui offrir, finalement ça n'aurait été qu'un bref retour dans le passé, un rappel de souvenirs par milliers – certains bons, d'autres peut-être mauvais, qui savait ? Les feux du Canada voulaient probablement – surtout – leur épargner ça. Quoi, s'exclama-t-il lorsqu'elle fit mention de compétition, ne me dis pas que tu serais montée sur une des dernières embarcations, aurais poussé le capitaine à l'eau pour prouver qu'il suffisait d'un peu d'ambition pour arriver dans les premiers à la ligne d'arrivée ? Les images qui découlèrent de cette simple idée le firent marrer ; à moins qu'elle avait déjà passé le sujet, et parlait d'un tout autre intérêt ? Il y a quoi d'autres sur ta liste des choses à gagner pour que tu sois entièrement comblée, l'interrogea-t-il, pour savoir dans quel genre de combats elle avait pour habitude de s'engager.

La queue n'avançait pas, un regard furtif vers l'avant lui fit comprendre pourquoi : le couple se chamaillait parce qu'il n'arrivait pas à prendre une photo de qualité. Ça s'embrouillait sans que personne ne daigne s'imposer et ce n'était pas Ji-hun qui allait les interrompre de vouloir tenter de sortir un beau souvenir qui sera à jamais gravé. Tu as déjà posé, demanda-t-il à la jeune femme à ses côtés. Il ne parlait pas là de photos d'identité. Pour les conférences auxquelles il participait, il se devait d'imprimer son portrait. C'était le cas également pour les quelques interviews qu'il acceptait en tant que réfugié politique, et il avait été le modèle pour un projet artistique. Si la question lui fut retournée, c'était ça qu'il répondrait. Tu ne veux pas que je tente de te capturer avec ton appareil, proposa-t-il une solution au problème ; ils allaient passer une partie de la soirée à attendre sagement qu'ils aient terminé, et il y avait tellement de choses qu'ils n'avaient pas encore testées.

Un petit tour sur lui-même et il put trouver un endroit un peu moins blême. Tu vois les lierres là-bas, l'invita-t-il à regarder dans la direction du mur vert qu'il fixait, ils feront un parfait arrière plan pour ta robe. Les fleurs violettes en massif donneront du peps à la photographie, sans faire de l'ombre à la brune qu'il se proposait d'immortaliser. D'autant plus que l'éclairage de l'allée était parfait ; à moins qu'elle préférait rappeler au duo qu'ils n'étaient pas les seuls à vouloir profiter des aménagements installés ?