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runnin', runnin', runnin'

along charles river
15/06/23, vers 8h
@Chiara Berrettini  
allusion à un avortement

ses pas martèlent souplement le bitume, un vieux titre de pop des années 2000 dans les oreilles alors qu'il poursuit son jogging matinal. il court à un rythme soutenu, jetant régulièrement des coups d'oeil au cadran de sa montre pour s'assurer qu'il est encore dans les temps. il s'est levé très tôt ce matin et après une vingtaine de minutes à broyer du noir, couché dans son lit, il s'est rapidement habillé pour aller courir, choisissant d'opter pour un jogging sur les quais de la rivière Charles, l'un de ses spots préférés à Boston. Il a enfoncé ses écouteurs dans ses oreilles et s'est mis à gambader, renouant sans mal avec l'une de ses activités favorites. Si rien n'égale en terme d'activité physique son amour l'escalade, il a toujours apprécié de courir mais il est incapable de le faire seul sans écouter quelque chose en même temps, qu'il s'agisse d'une musique, d'un livre audio, d'un podcast ou de n'importe quoi d'autre. aujourd'hui ne fait pas exception. à vrai dire les derniers mois passés n'ont pas été source de repos, au contraire. les préoccupations s'empilent, lourdes et imposantes sur ses épaules, l'aspirant un peu le sol. pour un peu, il serait presque d'esprit d'évoluer toujours à l'air libre alors qu'il essuie séisme sur séisme, presque habitué désormais à voir le sol se fendre en deux sous ses pieds. le dernier cataclysme en date ? hope, enceinte. enceinte de lui. ou d'un autre type. il ne connaît même pas l'identité de l'autre gars. ça le démange d'interroger hope, mais qui est-il pour le faire, pour lui donner l'impression qu'elle doit presque se justifier auprès de lui ? ce n'est pas le cas. d'autant plus qu'il n'est lui-même pas un sain, loin de là. il ne peut vraiment pas la blâmer d'aller voir ailleurs quand ils sont séparés, quand il l'a larguée. et il ne la blâme pas. cette situation est juste vraiment merdique. d'ou l'usage des écouteurs aujourd'hui, donc. occuper son esprit dans sa course, tout du moins essayer. aujourd'hui, ça ne prend pas. la preuve, ses pensées dévient, il perd pied. ses lèvres réduites à une fine ligne, ses pensées tournées vers son ex et l'enfant. l'enfant qu'elle ne portera plus d'ici peu. il s'interrompt dans sa course, soupirant et sors son smartphone pour couper la musique. un livre audio. un livre audio sera peut-être plus efficace. il sélectionne d'une pression du doigt celui qu'il a entamé voilà quelques semaines, puis re-range son portable et reprend sa course, peu essoufflé. son regard braqué en avant, il poursuit sa course derrière une autre coureuse et envisage de la dépasser, de presser le pas, quand brusquement elle trébuche, tombe devant lui. en moins de deux, il réagit, vire un écouteur, s'accroupit près d'elle. vous allez bien ? il s'offre se faisant une vue de son visage et la reconnaît immédiatement. merveilleux. il aurait préféré une inconnue à cette personne là.
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Les vacances approchent et je dois dire que j’ai hâte de quitter Boston pour quelques semaines. Je n’ai pas encore décidé du lieu où je vais aller me détendre mais j’ai besoin de changer d’air. Ici, je m’ennuie. La routine des journées de travail s’installe et c’est la meilleure façon de me tuer, je ne peux le nier. Je suis déjà sur un dossier depuis une bonne heure quand Phoebs, le malinois de huit mois que je garde jusqu’à demain, pointe le bout de son nez dans mon bureau, la gamelle de croquettes vide dans sa gueule. Tu vas mettre de la bave partout ! Que je soupire en abandonnant mon dossier et me dirigeant vers l’animal qui lâche sa gamelle et part en courant vers la cuisine où cette dernière se trouvait. On va sortir avant que tu manges. Parce que je n’ai pas envie qu’il me retapisse l’appartement avec le contenu de son estomac. Et il n’est pas bête puisqu’il file vers l’entrée où il m’attend. Je me change rapidement, enfilant un short de course, un haut assez ample mais de quoi bien soutenir ma poitrine et une fois les baskets aux pieds, je quitte l’appartement avec Phoebs. Surexcité, il est difficile de lui passer son collier et la laisse dans l’ascenseur et il tire rapidement vers la sortie. Phoebs, par ici ! Depuis que je le garde, c’est la première fois qu’il ne m’écoute pas vraiment et je dois dire que cela ne me plaît pas vraiment. C’est toujours moi qui ait le pouvoir et pas les autres - surtout pas les animaux - mais aujourd’hui, la tête dans les nuages, je ne le rappelle pas aussi rapidement que j’aurais dû le faire. La course se passe bien jusqu’à ce que nous approchons du lac. Je ralentis le rythme pour reprendre mon souffle et alors que je m’apprête à faire s’asseoir Phoebs, les cygnes sur le lac s'envolent, ce qui fait démarrer le Malinois au quart de tour. J’essaye de suivre en criant Phoebs, stop ! Assis ! Mais rien n’y fait. Le souffle court, l’air me manque rapidement et je lâche la laisse pour ne pas finir par me faire traîner sur plusieurs mètres. Mon pied glisse sur l’herbe et je finis ma course sur le sol. Les mains plantées dans le sol, les genoux écorchés, je donne un coup de poings à l’étendue verte et me tourne sur les fesses, les yeux rivés sur le chien qui s’est arrêté en pleine course. Clébard à la con, vraiment. Au pied ! Ma voix est forte et froide, dure comme l’acier. Je pensais que cela était le pire moment de ma journée mais quand quelqu’un s’approche de moi pour m’aider, je soupire d’avance. La voix arrive à mes oreilles et je tourne le visage vers la personne qui vient de prononcer ces mots. Incapable de m’empêcher de rire je souffle C’est une blague. Phoebs bombe et saute sur l’inconnu - pour lui du moins, moi je connais bien ce regard et ce visage - et je dis Évites de le tuer, c’est lui qui a du sang sur les mains. Que je lance au chien qui sort les crocs, se mettant entre Tristan et moi. Franchement pas les retrouvailles auxquelles je m’attendais. Loin de là.
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