Walk into your memory (Cirilla)

Ce soir aurait lieu une nouvelle session de son groupe d’aptitudes sociales, une activité chère à ses yeux qui lui prenait autant de temps que d’énergie. Il s’agissait d’un groupe de paroles entre personnes autistes et familles ou proches de personnes autistes qu’il avait créé lui-même pendant ses études et qu’il faisait perdurer depuis lors. Son travail en tant qu’analyste du FBI était certes très prenant mais il ne se passait pas une seule semaine de l’année sans qu’il ne retrouve ce petit groupe, parce qu’il avait l’impression d’être comme les autres au milieu de personnes qui l’écoutent et le comprennent. Continuer ce projet lui donnait la force de poursuivre son existence sans pensée sombre ou menace d’anciennes colères. C’était d’autant plus important à ce jour pour lui parce que ses retrouvailles avec son neurotypique de frère avaient ravivé des souvenirs assez néfastes à son goût. Cela le perturbait bien plus qu’il ne laissait paraître mais il parvenait à se maîtriser et à garder une attitude imperturbable. Arrivant le premier dans le local où se déroulaient les sessions du groupe d’aptitudes sociales, il s’était mis à disposer les chaises dans un rond parfait, respectant à la lettre les écarts qu’il avait lui-même prédéfinis lors de la toute première session. Une fois cette tâche terminée, il s’assit sur sa chaise et se mit à résoudre un énième puzzle en attendant que les membres de son groupe ne viennent le rejoindre.  

Comment me suis-je retrouvée là, déjà ? Ah oui, conseil expresse de la psy me suivant actuellement afin de connaître davantage de monde et d'essayer - non sans douleur - de me créer de nouveaux souvenirs. L'idée en elle-même me provoque une nausée à faire pâlir ma peau déjà diaphane. Ce n'est non sans une hésitation coriace que je pénètre dans cette antre inconnue, où seule une âme s'y trouve. Parfait, peut-être un brin de parlotte me donnera envie de rester ou, et c'est bien plus probable, de fuir à la vitesse de la lumière. Salut, tu sais si ça commence bientôt la torture du cerveau ? Une sensation de déjà-vue tournicote dans mon esprit d'ors et déjà stressé au maximum. Par crainte qu'il ne me révèle une donnée que je ne suis hélas pas prête à entendre, et recule d'un pas, gênée. La plus petite proximité entre moi et les autres reste une torture de chaque instant. Enfin c'est ce qu'on m'a dit. Tant que le maître à penser n'est pas un sale type qui kiffe regarder sous les jupes... je devrais pas avoir trop envie de lui refaire le portrait façon puzzle.

Le calme avant le début de la réunion faisait partie des moments que Candide appréciait le plus parce que cela lui permettait de bien preparer les choses. Il régnait ainsi un climat de confiance et chacun serait libre de s'exprimer sur le sujet de son choix. Le plus commun était bien entendu sur les comportements des neurotypiques. Le dernier sujet en date portait sur les mensonges, les débats furent instructifs et ça méritait bien évidement plus amples réflexions. Cependant, il semblerait que le sujet de la session du jour porterait sur un tout autre sujet. " La torture du cerveau ? Non.. C'est un groupe de parole pour les personnes autistes, mais nous accueillons toutes personnes extérieures,  qui s'y intéressent" finit-il par répondre en levant finalement les yeux vers son interlocutrice. Il rangea soigneusement son puzzle qu'il a élucidé en un rien de temps puis il reprit la parole : " Mais nous pouvons aborder ce thème si ça te permet de comprendre ta situation. As-tu subi une altération au niveau de ton cerveau ?". Son subconscient lui faisait comprendre que la jeune femme était sujette à une possible amnésie, sinon elle n'aurait pas posé une telle question.