Alexie J. Millkimi ✧ Jessica Alexander

Suddenly I am on land and I’m free
Trying to stand but the
gravity’s pulling me down
4 novembre 2000

Leicester, nuit d’automne quand tu dégages tes poumons pour la première fois. exclamation de voix d’une douleur insupportable mais que tu oublieras, elle. Il y a cette femme et cet homme te fixant. sans connaitre l’importance de la parentalité. l’amour qu’ils ont pour toi. t’es seule. la première et la dernière. disons qu’ils sont raisonnables. qu’un enfant suffit pour combler un foyer et vider un porte-monnaie. petite vie paisible de banlieue qui t’attend. pas d’extravagance, pas la fille de, t’es juste toi alexie. aucune histoire sur les prénoms qu’ils ont choisie pour toi. peut-être espéraient-ils attendre un garçon ? peut-être ont-ils juste feuilleté un magasine stupide de naissance et ont craqué dessus. tu n’en sauras rien.
tout se passa bien. Petite fille faisant de son mieux à l’école, pratiquant le tennis comme sport d’échappatoire. t’aurais rêvé faire du poney mais cela était trop cher. tu continuas d’en rêver la nuit. poster de chevaux sur les murs de ta chambre comme principal décoration. étais-tu frustrée ? peut-être. tu n’avais pas tout ce que tu voulais, alors même que tu le demandais. que tu le réclamais comme si ta vie en dépendait. défaut déjà capturé, gardé à jamais. tes parents pourtant t’aimaient, n’était-ce pas ce qui importait ?
ta mère était vendeuse, ton père mécanicien. quand on te demandait tu disais vouloir être une princesse. clichée. puis vétérinaire, actrice, médecin. c’était flou mais à quoi bon s’inquiéter de ça quand l’éducation ne te sera sans doute pas accessible dû à ton statut. ça t’inquiétait, sans vraiment t’inquiéter. tu t’inquiétais surtout qu’on remarque que la plupart de tes vêtements étaient cousus par ta maman. tu voulais être aimée, celle invitée aux anniversaires ou qu’on choisissait dans les équipes de sport. t’avais ce besoin de te sentir acceptée. société merdique.



il suffisait d’un appel pour changer une vie. tu l’as su trop tôt. aucune deuxième chance dans ce monde. pas un chat ton père, pas les trois vies de Mario. même plus une. ôtée si facilement. retirée comme un pansement. rapidement, sans préparation. plus là. accident de la route ils ont dit. ta mère t’expliqua plus tard qu’un homme bourré l’avait fauché. simple. sauf reprendre une vie normale. tu loupas l’école durant un mois. bonne année qu’on te disait, le majeur que tu voulais lever. un voyage à paris que tu expliquas à tes camarades. tout en regardant sur internet toutes les belles choses que tu aurais pu visiter. tour eiffel, louvres, arc de triomphe . tu as tout fait. attisant la jalousie. fastoche de mentir. mais si tu savais dans quoi tu t’embarquais. que c’était le premier d’une longue lignée. tellement simple de décrire un palais et de revenir à son taudis. à sa morosité. mais finalement ta vie n’était plus la même. les journées se rallongeaient. il n’y avait plus que l’école. petites annonces déposaient chez le boulanger. aide aux courses, ménages, promenades des chiens tu étais prête à tout alexie pour aider ta maman. moins réclamer et subvenir à tes envies seule. si seulement tu rêvais moins grand. pas une princesse petite. tu te sens sorcière. à penser au mal, à l’idolâtrer. te demandant s’il aurait mal si toi tu le renversais, que ressentirais sa famille ? ressentirais-tu de la culpabilité ? ou la vengeance t’animerait ? les larmes ont laissé place à la colère, à l’incompréhension. pourquoi lui ? pourquoi le tien ? à insulter le ciel de t’avoir enlevé ton repère. l’étoile polaire disparue.


They said I wouldn't make it out alive
They told me I would never see the rise
Gotta watch 'em bleed
8 août 2015

c’est pour ton bien qu’elle te disait. n’était-ce pas pour le sien ? elle serait tranquille. sans une enfant turbulente à ses pieds. plus de repas à préparer. plus de mendicité. et plus de travaux à réaliser alexie. tu serais libre d’être une adolescente comme les autres. à juste s’occuper de l’école et non plus de quel chien allait promener. elle te vendait du rêve pour que tu l’acceptes. en sachant que non ne serait pas une réponse acceptable. tu devais faire tes bagages. vivre chez cet homme. elle vous rejoindra, elle sera là presque tous les soirs. c’est faux, c’était faux. elle ferait des extras pour t’assurer un avenir qu’elle seule peut construire. l’assurance avait payée. assez de quoi rembourser à la banque le prêt de la maison familial. au moins une sécurité. quand toi tu rentrais dans l’obscurité. tu ne voyais rien. tu ne savais pas ce qui t’attendait. si tu savais.
il était gentil eric. il ne voulait pas prendre la place de ton père. façon il n’aurait pas pu. irremplaçable papa. il était gentil aussi quand il venait s’assurer que tu ne manquais de rien dans ta chambre. il était gentil aussi quand il te câlinait quand tu pleurais. il l’était moins quand ses mains se baladaient. encore moins quand il venait dormir avec toi. pour te tenir compagnie selon ses termes, pour être là si tu faisais un cauchemar. il en devenait un. il était vilain quand cette nuit là il te pénétra alors que tu le repoussais. détestable quand il te disait « alex, ça ferait du mal à ta mère de me perdre ». mais n’était-ce pas à elle te protéger ? devais-tu l’immuniser? il continua. petit à petit tu ne le repoussais plus. acceptais-tu ? qu’en dirait le juge? tu n’étais plus la même à l’école. problème de comportement. a ne supporter aucun contact. aucune proximité. la gentillesse comme prétexte pour te la mettre à l’envers. tu avais compris comment fonctionnait le monde. tu avais acquis les bases et le mensonge était ton principal bouclier à d’autres emmerdes. personne ne su. mais toi tu savais. tu savais que plus le temps passait et plus tu te perdais. scénario sombre en toi. pas concernant ta vie mais pour lui ôter l’unique qu’il avait. l’imaginant te supplier d’arrêter de le faire souffrir comme tu l’as trop fait. ne jamais écouter et l’achever.


vivre entre quatre murs. lui laisser le statut de victime. impossible. il le fallait pour sa sécurité. t’as le premier diplôme de ta vie. ta mère pense à l’université. tu penses à t’échapper. rapidement. une vie en jeu. billet réservé pour LAX, le moins cher de tous à la date de ton exil. elle va te manquer ta maman. mais tu dois être égoïste pour aller mieux, pour ne plus vivre ce cauchemar qui ne s’arrête pas quand tu ouvres les yeux. t’as pris toutes tes économies, juste assez pour être acceptée sur le territoire avec les documents que tu as fait. tu ne penses pas au rêve américain. tu ne te vois pas rester à LA non plus. c’est trop trop. pourtant une fois sur place tu te sens perdue. tout est trop grand, trop brillant. tu visais la côte est mais comment faire ? brûler tes économies ? impossible. t’as ta valise, un ticket de bus et beaucoup de stop en approche pour arriver où tu le souhaites. mais tu n’as pas peur. tu n’as plus peur. tu remercies encore une fois ce jeune homme, le dernier qui te dépose dans cette ville de Boston. tu n’as pas d’endroit où dormir. tu te payes une nuit d’hôtel la première fois mais ce ne sera pas suffisant. curriculum vitae en poche tu prospectes également. jusqu’à trouver un poste convenable. pourtant le temps te paraîtra une éternité. et alexie tu n’as rien. tu as demandé le remboursement de l’hôtel que tu avais pris pour obtenir le droit de venir il y a de ça des semaines et te voilà dans cet immeuble avec des inconnus à dormir sur un matelas de fortune. ta mère te manque. ton père encore plus. mais il y a l’espoir. la délivrance. cet appel pour un temps plein dans un restaurant. de quoi faire une nouvelle demande pour rester plus longtemps, pour trouver un logement. les mois sont passés. dans la précarité. tu passes les portes de ce petit studio. plus petit que la chambre qu’on t’offrait à leicester. mais t’as la sécurité. un poste honorable. ou presque.

I've been breakin' hearts a long time
And toyin' with them older guys
Just playthings for me to use
3 janvier 2021

t’as deux travails et une carte verte. t’es liberée. tu te sens mieux, pas de retour forcé en angleterre prévu. juste toi, ici. quelques messages à ta mère pour la rassurer, sans jamais lui donner la raison de ton départ. l’envie de voir ailleurs que tu pourrais lui dire, l’american dream. tu pourrais mentir, tu excelles dans ce domaine alexie mais c’est ta mère. alors tu esquives juste le sujet. certains soirs donc, tu es hôtesse pour les celtics de boston. juste besoin d’être jolie, on ne te demande pas de réfléchir. ce serait presque offensant si tu n’avais pas besoin d’argent. mais ça complète ton petit salaire et les pourboires du restaurant. tu y arrives. tu fais ton nid. « mademoiselle ? » que tu entends ce soir dans le salon. tu doutes qu’on s’adresse à toi. il est même rare qu’on vous remercie alors obtenir une conversation et faire passer le temps te parait utopique. « oui vous. » il n’y a donc pas de doute. c’est toi, c’est toi mademoiselle. alors tu t’avances, faisant attention à ne pas attirer le regard de ta cheffe qui pourrait trouver déplacer que tu discutes avec des invités. tu la détestes. tu penses qu’elle est mal baisée pour être si aigrie mais pour le moment tu as toujours réussi à lui répondre avec un sourire niais sans lever le ton. « j’aurai besoin de vous ce soir à cette adresse. 22 heures ? je vous promets une bonne somme d’argent. » tu savais que tu étais belle. mais jamais on ne t’avait démarché sur ton lieu de travail. t’es flattée. enfin on reconnait une de tes compétences. peut-être la moins importante mais tu l’acceptes. bout de papier que tu mets dans ta poche en hochant la tête. discrétion oblige. ce sera un autre de tes secrets. mais tu es intriguée. tu ne te demandes pas ce qui t’attends. cela pourrait être dangereux mais l’excitation de découvrir ce qui s’y passera prend le dessus sur tout autre sentiment. t’es animée par l’adrénaline et l’excitation. pas une peureuse non. pas une dégonflée. 22 heures. 22 heures pile. l’heure où tout basculera. tu pousses les rideaux de ce club. tu n’as jamais vraiment été une fille de la nuit mais tu pourrais le devenir. à la recherche de cette femme dans l’immensité de la salle. ses yeux tombent sur toi en premier, ses pas s’avancent et un sourire s’affiche sur son visage. ton chef n’est jamais aussi heureux de te voir. tu ne dis mot. alors elle s’élance, se réjouissant de ta présence et t’informant que tu verrais un tas de beau monde. tu t’en moques. tu attends le plus important : la mission, qui ne tarde pas à arriver. c’est un non catégorique que tu lui balances. t’aurais pu la pousser, l’insulter. tu te sens vexée. t’as l’air d’une pute ? passe du temps avec cet homme qu’elle t’a dit. sans déconner. tu fais demi-tour sans regarder derrière toi mais sa main saisie ton bras, ses lèvres articulent un chiffre qui te fait lever les sourcils en l’air. t’as mal entendu. alexie, tu hallucines. va te faire soigner. t’es stoïque, comme si tu attendais qu’elle te confirme ses dires. elle répéta. sourire satisfait sur le visage, tu retires ta veste. presque oubliée la mission. presque à la porte les valeurs. à quoi bon ? tout s’achète dans ce monde. y compris toi.


tu te sens enfin princesse. plus besoin de tant travailler. t’es devenue maîtresse, psychologue, partenaire. on t’a donné tous les statuts qu’une femme pourrait avoir en échange d’argent et tu as accepté. statut assez dégradant d’ailleurs mais tu n’es plus obligée de compter les sous. plus obligé de choisir les pâtes les moins chers du rayon. t’es loin du rêve américain mais depuis quelques mois cela a légèrement changé. il est fidèle, il espère de même de toi. il est gentil, brillant et surtout attentionné. il aurait pu être parfait s’il n’était pas aussi vieux. et s’il ne t’avait jamais proposé de l’argent. tu l’accompagnes à chaque fois qu’il te le demande. tu lui caresses les cheveux le soir lorsque l’anxiété l’empêche de dormir. tu l’écoutes te raconter sa journée avec un masque écoutant sur le visage. tu t’en fiches légèrement mais tu te dois d’être gentille. presque docile. par chance, tu n’as jamais connu d’histoire difficile dans ce travail. il y a toujours eu un respect de leur part. toi tu n’en avais pas. l’écœurement de se dire qu’une femme les attend suffisait à faire que jamais tu ne pourrais être honnête et sincère avec eux. t’es de nouveau comédienne alexie. d’un jeu dangereux mais qui t’amuses. tu vois du monde, tu manges dans de beaux restaurants et tu as des vêtements de luxe. il ne te manque qu’une chose. une chose pour être épanouie : des études. et lui pourrait te les offrir. tu avais inventé tout un scénario en expliquant comment cela serait plus intéressant pour lui et ses connaissances que tu sois davantage cultivée. que le futur travail que tu auras ne sera pas une excuse pour passer moins de temps avec lui mais pour l’aider à obtenir davantage de contact. t’avais une idée en tête. pas deux. et t’allais réussir ton plan. il suffisait d’un chèque. qui ne tarda pas à arriver. il avait compris. il avait compris que si tu le manipulais le gagnant c’était lui. mais tu savais aussi qu’à l’université tu serais bien plus libre de mentir sur ton emploi du temps. de lui échapper. où tu devais gagner à l’échange, tu dirais que la balle est dans son camp. d’autant plus lorsqu’il te faisait répéter des nuits durant ton discours, qu’il t’interrogeait à tout moment sur des questions susceptibles de tomber à l’examen d’entrée. c’était l’armée mais tu pouvais affronter n’importe quel champ de bataille pour obtenir le but tant convoité. t’as rapidement dû prendre une décision aussi. rien ne t’a jamais vraiment intéressé. il tentait tant bien que mal de te vendre la finance mais ce n’était pas envisageable. t’étais plus sociable aussi étonnant que cela pouvait l’être. et t’allais le vivre ce putain de rêve. bien loin des cauchemars du passé.