yes or no + rosakim

Tu as sans doute été un peu bizarre toute la soirée. Tu as à peine touché ton repas alors que d’habitude, tu termines ton assiette et celle de Rose en prime. T’as les mains moites et les genoux qui tremblent. T’as chaud, tu ne te sens pas bien. Tu ignores pourquoi ça te met mal, pourquoi t’as peur tout simplement. Avec Rose, c’est comme si vous étiez déjà ensemble, mais sans les titres de noblesse qui vont avec et au fond, c’qui t’effraie, c’est le qualificatif en lui-même. Tu ne sais pas comment t’y prendre, encore moins si elle a toujours envie d’être avec toi parce que t’as mis un temps fou à te décider. Quoi qu’il en soit, tu t’arrêtes brusquement, sans prévenir, devant une magnifique fontaine. Ta main glisse dans tes cheveux et tu l’observes sans rien dire comme un gros débile. ‘’ Il faut qu’on parle. ‘’ Tu lui balances cette phrase avec la voix qui tremble, sans trop savoir comment étaler les choses.

Assise en face de Joakim, j’ai fait la conversation une bonne partie de la soirée. J’ai mangé toute ma moussaka - depuis le temps que j’en parlais - et j’ai essayé de me calmer tout le temps qu’on a passé au restaurant. Joakim n’est pas comme d’habitude, pas aussi drôle et rigolo qu’il a l’habitude d’être et je sens que quelque chose va me tomber sur le coin de la tronche. Est-ce que ces quelques jours en Grèce lui ont fait comprendre que je n’étais pas celle qu’il voulait ? Est-ce que quelqu’un a réussi à s’immiscer sous sa peau plus que je ne l’ai réussi ? J’en sais trop rien. Mais quand on se balade main dans la main en ville, je me dis que ça peut pas être ça. Jusqu’à ces mots. Il faut qu’on parle. Je deviens blanche - presque autant que ma robe - et souffle Oui, bien sûr. Le bruit de l’eau derrière nous devrait me calmer mais c’est tout sauf ça. Est-ce que c’est le moment où le garçon qui me plaît me dit qu’il s’est bien amusé mais qu’on s’arrête là ? Bordel, j’ai peur. Je vais me mettre assise. Que je souffle en pointant le bord de la fontaine sur laquelle je m’assois rapidement. Je suis pas capable de rester debout et de le regarder faire éclater mon coeur en mille morceaux. Bordel…

Tu restes planté là, à chercher tes mots alors que tu passes ta vie à coucher des textes sur du papier. Tu regardes l’eau, puis les arbres qui bougent. Tu stresse et t’es en train de suffoquer quand elle t’annonce vouloir s’asseoir. C’est supposé se passer comme ça ? On demande ce genre de chose confortablement assis sur ses fesses ? La dernière fois remonte à tellement loin, t’étais encore un ado. D’ailleurs, tu ne sais même plus comment ça s’est fait avec Alix, mais t’en a un peu rien à faire du passé. ‘’ Je dois prendre place à côté de toi ? ‘’ Tu t’installes sans attendre la réponse, mais tu t’aperçois que c’est encore pire dans cette position. Du coup, tu bondis sur tes pieds avant d’enfouir tes mains dans les poches arrière de ton fameux jean troué. ‘’ Mh… oui ou non ? ‘’ Oups… ta bouche t’a trahi. Elle a prit l’initiative pour toi puisque visiblement, t’es incapable de trouver les mots justes pour exprimer le fond de ta pensé.

Je m’attends au pire, je m’imagine le pire et la boule de stress que j’ai dans le ventre va me faire vomir ma moussaka, je n’ai aucun doute là-dessus. Moi qui pensait que tout se passait bien entre nous, je n’y comprends plus rien. Mon monde tient avec difficulté et je préfère me mettre assise pour encaisser le coup. Bordel, est-ce que je vais aller voir ma famille demain avec les yeux rouges, le cœur déchiré et la tête prête à exploser ? Je le regarde se mettre assis et se relever aussitôt, surprise, déstabilisée et perdue par sa question. Oui ou non ? Que je répète doucement, ne comprenant pas sa question. Est-ce que je peux me débarrasser de mes t-shirts Ed Sheeran, oui. Est-ce que tu peux m’embrasser, oui. Est-ce que tu peux disparaître de la surface de la planète, non. Je donne ces questions réponses plus pour détendre l’atmosphère qu’autre chose parce que je crois qu’on va tous les deux exploser. Laissant mon sac à main sur le rebord de la fontaine, je prends sur moi, me relève et attrape une de ses mains - que je sors délicatement de la poche de l’un de ses fameux jeans troués. Qu’est-ce qu’il se passe Joakim ? Quitte à me faire briser le coeur, je préfère qu’il me le dise, ça m’évitera de me faire des films.

T’as l’air ridicule là. Même un gosse est plus doué que toi dans le domaine. Tu t’attendais à ce qu’elle comprenne le sens de ton oui ou non, mais visiblement ce n’est pas le cas. D’ailleurs, elle fait tout pour détendre l’atmosphère. Rose essaie de te faire rire et même si ça te touche, t’arrive pas à sourire, pas même un peu. Comment font les mecs pour demander leur dame en mariage alors que toi, t’arrive même pas à officialiser correctement ? T’as l’impression d’être au bord du précipice, prêt à sauter sans savoir ce qui t’attend en bas. Est-ce qu’elle va se barrer comme Alix, est-ce qu’elle va t’abandonner comme tes parents biologiques ? Juste d’y penser, tu blêmis à vue d'œil. Heureusement que Rose prend sur elle, elle te donne le courage et la force nécessaire pour te ressaisir. Mains jointes, tu mordilles discrètement le charnu de ta lippe inférieure tout en fixant ton pouce qui s’active sur le dessus de sa main. Le silence pèse, il tue. Tes poumons se remplissent d’air et finalement tu oses. T’es prêt à te prendre un non… ou pas, mais t’as pas trop le choix. Tu ne peux plus faire marche arrière. Regard en quête du sien, tu attends d’être ancré à ses prunelles avant de te livrer. ‘’ Tu… tu voudrais être ma petite amie ? De manière officielle ? ‘’ Parce qu’aux yeux de tout le monde, vous formez déjà un couple.

J’essaye de détendre l’atmosphère mais lorsque je ne vois même pas de sourire sur le visage de Joakim, je panique légèrement. Je tente de ne rien laisser paraître mais putain que je panique. C’est horrible, je déteste cette sensation et il va falloir que je me concentre à mille pour cent pour ne pas éclater en sanglots quand il aura retiré le pansement. Fuck, fuck, fuck. J’aimerais pouvoir lire dans sa tête mais vu le silence du repas et la bizarrerie de ce moment, je ne suis pas sûre d’en avoir envie. Main dans la main, mes doigts caressant sa paume, je le regarde dans les yeux et lui adresse un sourire. Est-ce que c’est ma façon de dire “allez vas-y, brises mon coeur, je saurais m’en remettre” ? Peut-être bien. Sauf que lorsqu’il ouvre la bouche et que les morts sortent de cette dernière, je sens tout le stress que j’avais sur les épaules me quitter. Mon visage s’illumine, mon sourire s’agrandit et je sens les larmes me monter aux yeux. C’est pour ça que t’étais tout étrange ? Que je demande rapidement avant de m’avancer vers lui, passant mes bras autour de son cou et de l’embrasser tendrement. Bien sûr que je veux être ta petite amie. Une de mes mains se glisse dans ses cheveux et je lui souris largement. T’avais un doute là-dessus ? Je sais bien que nous ne sommes pas - enfin étions pas - en couple tous ces moments mais c’était tout comme, enfin pour moi. Je n’ai vu personne depuis qu’on a couché ensemble et je n’ai envie de personne d’autres… Bon sang que ça me soulage. Pas célibataire, pas brisée, mais bel et bien en couple et complète.

Les mots s’envolent enfin et prennent avec eux, une part du stress qui t’encombre depuis le début de la soirée. Tu restes à l’affût du moindre petit changement chez elle. Tu attends impatiemment sa réaction et lorsque tu vois son visage s’illuminer, tu te sens devenir léger à nouveau. ‘’ Je crois ? ‘’ T’arrive toujours pas à y croire. Croire à ces mots que tu viens tout juste de prononcer, à cette situation qui vient de changer. Toi qui s'auto proclamait célibataire à vie, te voilà en train de nager à contre courant. Tes bras enlacent sa taille tandis que tu réponds au baiser chaleureusement offert. T’as l’impression de peser dix tonnes de moins. Ton sourire est revenu, plus radieux que jamais et ton cœur bat à tout rompre contre ta poitrine. Tu sais que ça ne change pas grand-chose entre vous, il n’y a que le titre qui change, mais t’es le plus heureux des hommes. ‘’ J’en sais rien, j’ai pris mon temps. ‘’ Dire que tu comptais le faire après le bal… ‘’ J’suis bien avec toi, t’es parfaite et j’ai envie de partager le poids de la vie avec toi. Être là dans les bons comme dans les mauvais moments. Voir ton visage quand je me lève le matin et lorsque je m’endors le soir. J’veux qu’on évolue ensemble tous les deux. ‘’ Tu viens cueillir ses lèvres à nouveau avant de la serrer très fort contre toi. Désormais, tu as une personne de plus à protéger et une nouvelle famille à apprivoiser. ‘’ Je suis le plus chanceux ! Merci d’avoir été patiente avec moi. ‘’ T’es pas toujours facile à vivre, mais tu es convaincu qu’elle ne prendra pas la fuite au moindre petit désaccord.

Je ne m’attendais pas à cela mais au contraire. Je me voyais vraiment le perdre et devoir reprendre ma vie comme si ces derniers mois ne m’avaient pas donné des ailes. C’est fou mais agréable. Je ne peux m’empêcher de rire quand la situation se décante et que tout semble parti pour de très bonnes augures. Dans ses bras, le cœur qui bat la chamade, je souris largement et l’écoute. Je reste proche de lui pour profiter de ce moment, de cette petite bulle dans laquelle on est. Le soleil est couché et c’est grâce aux lumières des lampadaires que l’on se voit. Mes yeux accrochés aux siens, le sourire plaqué sur mon visage ne tombe pas. On pourrait me peindre comme ça, pour immortaliser le moment s’il vous plaît ? Le regard amoureux, je l’écoute. Il a pris son temps, c’est vrai. Mais je ne voulais pas le presser. Je pouvais attendre des semaines encore, voire même des mois. Parce que se précipiter dans une relation, c’est l’envoyer en direction de l’abattoir. Un baiser échangé et je reste contre lui. C’est moi la plus chanceuse oui. Parce qu’il m’a choisi. Je suis sûre qu’il avait du monde pour venir le courtiser, qu’il aurait pu choisir n’importe qui… C’est normal Joakim. Je te voulais comme ça, entièrement, mais j’aurais attendu que tu sois prêt dans tous les cas, même si ça avait pris des semaines de plus. Voire même des mois. Je te veux à tes conditions et pas aux miennes. Que je souffle contre ses lèvres. C’est la pure et simple vérité. Joakim est mon petit-ami. J’ai hâte de l’annoncer à Gaspard, il va devenir fou !